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Covid-19: les Alpes-Maritimes, laboratoire d'une stratégie territorialisée contre le virus?

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Alors que la préfecture des Alpes-Maritimes vient d'annoncer de nouvelles restrictions pour le département en raison de la flambée de l'épidémie, plusieurs médecins plaident pour que cette stratégie territorialisée soit répétée dans d'autres régions afin de lutter contre le virus.

Il s'agit d'une première en France métropolitaine. Le préfet des Alpes-Maritimes a annoncé ce lundi midi de nouvelles restrictions propres au département afin d'enrayer l'épidémie de coronavirus.

Confinement de l'aire urbaine du littoral le week-end, fermeture des commerces de plus de 5000 m2 sauf pour les commerces alimentaires et de santé comme les pharmacies, masques obligatoires dans toutes les zones très fréquentées, les élus locaux sont confrontées à des mesures observées nulle part ailleurs dans l'Hexagone.

"Le département deviendrait un laboratoire pour le reste du pays pour mesurer l'efficacité de sa mesure ou de son inefficacité", estimait plus tôt dans la matinée le professeur d'épidémiologie Mahmoud Zureik auprès de nos confrères du Parisien.

"Un enjeu clairement national"

C'est une mise sous cloche partielle du département qui comprend la ville de Nice, où l'incidence du virus explose ces derniers jours, qui a donc été décidée. Une hypothèse jusqu'ici rejetée par l'exécutif qui, bien qu'apportant de nouveaux moyens dans les zones les plus touchées par l'épidémie, prenait jusqu'ici soin de ne pas régionaliser la lutte contre le virus.

"On a vu dans les mois précédents qu'il y avait toujours une difficulté politique lorsqu'on commence à faire du sur mesure, du territoire par territoire", analyse Jérémy Brossard. Le rédacteur en chef adjoint du service politique de BFMTV relève qu'"au-delà de Nice", il s'agit là d"un enjeu clairement national pour le gouvernement, ce serait un premier territoire confiné, localement en métropole".

Jusqu'ici, seules l'île de Mayotte et la Guyane, en proie aux variants sud-africain et brésilien, ont connu une forme de confinement local.

Une stratégie susceptible d'être répétée

Après Nice et le littoral azuréen, ce test grandeur nature pourrait être répliqué dans d'autres territoires soumis à la pression des variants. Ce qui peut donc expliquer le temps pris par cette consultation entre le préfet et les élus du département.

"C'est une nouvelle stratégie sur le plan politique. Jusqu'alors on s'était contenté de dire qu'il faut faire quelque chose de national parce que le message est en effet plus facile sur le niveau national", explique Alain Ducardonnet, consultant santé BFMTV.

L'émergence toutefois de foyers dans les Alpes-Maritimes mais aussi dans le Nord à Dunkerque, dans le Pas-de-Calais, au Tréport ou encore en Moselle tend malheureusement à confirmer les prévisions de l'Inserm, qui table sur une forte reprise de l'épidémie en mars en raison du variant anglais.

"Cela va probablement se diffuser partout dans la France. C'est pour ça qu'il faut prendre les mesures localement avant de les prendre nationalement", considère Alain Ducardonnet.

Un premier raté avec la Moselle?

La semaine dernière, le gouvernement avait pourtant décidé de ne pas reconfiner le département de la Moselle, confronté à une flambée des variants brésilien et sud-africain. Si le taux d'incidence y était certes moindre que celui relevé dans les Alpes-Maritimes, les autorités n'avaient annoncé qu'un renforcement des contrôles et une augmentation des capacités de dépistage.

"Ce qui me met en colère c'est le refus persistant du gouvernement de territorialiser des mesures. J'espère qu'il reviendra sur cette position de principe à Nice [...]", a déploré sur LCI François Grosdidier. Le maire de Metz juge notamment "incompréhensible" la décision de l'exécutif de ne pas avoir avancé les vacances scolaires dans le départment.

Pour Jérôme Marty il n'y a plus le choix: "Il faut faire des frappes chirurgicales [...] on s'adapte à la situation département par département, territoire par territoire, presque ville par ville ou quartier par quartier", soutient le médecin généraliste sur France Info.

Vers une action au cas par cas

Le président de l'Union Française pour une médecine libre affirme qu'il faut désormais regarder le suivi de l'épidémie "de façon beaucoup plus fine qu'on ne l'a fait jusqu'à présent". Mais le temps pris pour statuer sur la décision politique de reconfiner ou non le département risque de jouer selon lui sur l'efficacité de cette mesure.

"Un confinement le week-end, cela veut dire que son application ne sera que dans six jours. Trois jours de concertation, six jours d'application... face à la vitesse du virus, je ne suis pas certain qu'on ait ce luxe du temps", observe dans le Parisien Mahmoud Zureik.

Interrogé en fin de matinée sur les annonces concernant les Alpes-Maritimes, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a fait valoir que nous étions "dans une situation de mesures proportionnées, territorialisées, que nous prenons au moment où il faut les prendre, pour faire face à des situations très localisées".

"Aujourd'hui, la situation des Alpes-Maritimes ne correspond pas à la situation de l'ensemble du pays. La situation sanitaire reste inquiétante à l'échelle du pays, (...) mais nous n'en sommes pas du tout à la situation des Alpes-Maritimes", a déclaré le ministre en marge d'un déplacement à l'hôpital de Villefranche-sur-Saône.

"Il y a d'autres zones du territoire national qui justifient qu'on s'implique pleinement en lien avec les collectivités", a ajouté Olivier Véran, citant notamment Dunkerque, dans le nord de la France. "Il en était déjà question la semaine dernière, je m'étais entretenu avec le maire et j'ai prévu de le recontacter aujourd'hui", a-t-il précisé, évoquant également la Moselle "non pas en raison d'une incidence si forte que cela, mais parce qu'il y avait là-bas du variant sud-africain et nous sommes en train de tout faire pour pouvoir le contenir".

Hugues Garnier Journaliste BFMTV