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Santé

Covid-19: l'autorisation du bamlanivimab, un traitement par anticorps, fait des vagues

Des recherches sur les traitements à base d'anticorps monoclonaux sont en cours comme ici dans un laboratoire de Buenos Aires, en Argentine

Des recherches sur les traitements à base d'anticorps monoclonaux sont en cours comme ici dans un laboratoire de Buenos Aires, en Argentine - JUAN MABROMATA / AFP

L'arrivée en France du bamlanivimab, un traitement par anticorps pour lutter contre le Covid-19, fait débat au sein de la communauté scientifique, qui pointe l'absence de preuves réelles de son efficacité.

Le 12 février, l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) a délivré une autorisation temporaire d'utilisation à un traitement contre le Covid-19, le bamlanivimab, basé sur un anticorps de synthèse du laboratoire américain Eli Lilly. Vanté par le gouvernement, il soulève pourtant des vagues de critiques dans la communauté médicale, faute d'études définitives sur son efficacité.

Ce traitement fait partie de la famille des anticorps monoclonaux, qui ne sont pas encore commercialisés dans l'Union Européenne. Ils représentent une piste prometteuse de traitement précoce, surtout sous forme de cocktail (mélange de plusieurs produits), pour tenter d'éviter hospitalisation et passage en réanimation chez les gens les plus à risque de formes graves de Covid.

"Ce sont des espoirs nouveaux (...) qui renforcent notre arsenal anti-Covid", avait déclaré il y a tout juste une semaine le ministre de la Santé Olivier Véran.

Parmi les anticorps monoclonaux existants, c'est donc le traitement de l'américain Eli Lilly qui a été autorisé en France. Il s'administre en une seule injection à l'hôpital, dans un délai maximal de 5 jours après le début des symptômes, à un prix de l'ordre de 1000 euros la dose.

Un document du ministère daté du 24 février fait état d'"une première livraison de 4500 doses" à destination, selon Olivier Véran, de "patients âgés de 80 ans et plus, et qui ont des troubles de l'immunité".

Une efficacité questionnée

La communauté scientifique pointe tout d'abord du doigt l'efficacité du traitement, largement controversée, et qui n'a pas bénéficié d'études définitives. Auprès de Franceinfo, Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, affirme que le bamlanivimab est en quelque sorte "l'hydroxychloroquine du riche".

Les résultats actuellement et publiquement disponibles "ne permettent en rien de recommander" ce traitement, estime la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) dans un communiqué. Elle fait valoir que l'anticorps contesté n'a pas atteint le dernier stade des essais cliniques à grande échelle, la phase 3, qui précède l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM).

Il s'agit, en effet, des résultats définitifs d'une étude de phase 2, réalisée auprès de 577 patients par le laboratoire américain Eli Lilly, qui ont été publiés le 16 février dans le Journal of American Medical Association (JAMA). L'étude conclut qu'il n'y a "pas de changement significatif" au niveau de la charge virale, entre les trois groupes qui ont reçu une dose différente de bamlanivimab, et avec le groupe placebo.

"Cette étude de phase 2 a été correctement conçue et réalisée mais, comme toutes les études de phase 2, sa finalité est purement exploratoire et n’est pas de démontrer l’intérêt clinique du traitement évalué. [...] La gravité de la situation ne justifie pas l'abandon de la recherche de preuves" nécessaires à l'autorisation d'un traitement, affirme la SFPT.

Une émergence de variants?

Mathieu Molimard a également souligné mardi, sur Twitter, un autre problème inhérent au traitement du laboratoire américain: le risque que ce traitement, basé sur un seul anticorps, ne favorise l'émergence de variants du coronavirus, à cause d'une efficacité insuffisante.

Ce spécialiste préconise d'attendre l'arrivée de traitements du même type qui combineraient plusieurs anticorps, pour réduire ce risque.

Depuis les premières annonces, ce risque d'émergence de variants a été pris en compte par l'Agence du médicament (ANSM), qui a mis à jour le 26 février l'ATU du bamlanivimab.

Sa nouvelle version insiste sur le fait que ce traitement peut entraîner un risque de "sélection de mutants résistants". Du coup, "l'utilisation de cette monothérapie nécessite d'être pesée au cas par cas dans l'attente de l'accessibilité d'association d'anticorps monoclonaux", stipule l'ANSM.

Un cocktail d'anticorps

Si l'efficacité de l'utilisation d'un seul anticorps est contestée, celle d'un cocktail d'anticorps semble plus prometteuse. Dans l'étude de phase 2 réalisée par Eli Lilly, l'association de bamlanivimab et d'etesevimab permet une réduction de la charge virale, après 11 jours, chez les patients atteints de formes légères à plus modérées du Covid-19.

"L'idée est de faire des cocktails, d'aller vers une panoplie d'anticorps monoclonaux, sur le même principe que les bi- ou trithérapies pour le VIH", explique Brigitte Autran à l'AFP, coordinatrice du groupe anticorps monoclonaux à l'agence nationale ANRS/MIE (Maladies infectieuses émergentes).

"Tout le monde préfère utiliser des combinaisons d'anticorps monoclonaux plutôt qu'un anticorps seul parce que c'est plus efficace et parce que ça a moins de chance de faire émerger des variants", a renchéri l'infectiologue Xavier de Lamballerie, jeudi lors d'une conférence de presse de l'ANRS/MIE. Selon lui, le bamlanivimab est une solution d'attente jusqu'à l'arrivée "le plus rapidement possible" des cocktails d'anticorps.

L'ANRS/MIE va d'ailleurs monter un essai pour voir si ces cocktails évitent les aggravations de la maladie chez des gens à risque. Cet essai se déroulera dans 40 centres, avec 2000 participants, a précisé l'un de ses responsables, le Pr Guillaume Martin-Blondel, selon qui des cocktails d'anticorps devraient obtenir une autorisation temporaire en France en mars.

Efficace contre les variants?

Le laboratoire Regeneron a, de son côté, développé un traitement du même nom qui utilise deux anticorps monoclonaux (casirivimab et imdevimab). Il avait été administré à Donald Trump lors de son hospitalisation en octobre. L'Agence européenne du médicament (EMA) a estimé le 26 février que ce cocktail pouvait être utilisé chez des patients à risque élevé de faire une forme sévère de Covid-19 et ne nécessitant pas d'oxygenothérapie intensive.

Reste, enfin, la question de l'efficacité de ces traitements contre les variants observés actuellement. Selon Brigitte Autran, l'anticorps d'Eli Lilly et ceux de Regeneron fonctionnent contre le variant britannique, majoritaire en métropole. Le variant sud-africain, lui, pose plus de problèmes. L'anticorps d'Eli Lilly n'est pas efficace contre lui, et seul un des deux anticorps du cocktail de Regeneron arrive à le combattre.

Clément Boutin avec AFP