Covid-19: des réanimateurs font état de tensions accrues avec les familles des patients

Dans un service de réanimation avec un patient malade du Covid-19, à l'hôpital d'Avicenne à Bobigny, près de Paris, le 8 février 2021 - BERTRAND GUAY © 2019 AFP
4548 patients sont en réanimation en France pour des cas de Covid-19, selon le dernier bilan des autorités sanitaires lundi soir. Un chiffre en hausse depuis plusieurs semaines maintenant, devenu particulièrement alarmant dans certaines zones, comme l'Île-de-France, où le taux d'occupation des lits a dépassé les 100%.
Outre les nouvelles mesures de restriction visant à faire diminuer l'épidémie, l'Agence Régionale de Santé francilienne a demandé la déprogrammation de 40% des actes chirurgicaux afin de laisser la place aux patients Covid-19, et des transferts de malades vers d'autres régions, moins touchées, ont commencé. Mais contrairement à la première vague, il y a un an, les patients éligibles à ces déplacements sanitaires sont beaucoup moins nombreux. En cause notamment, le refus des familles des malades, qui font parfois éclater leur colère.
Le refus des transferts par les familles
Deux trains auraient ainsi dû quitter la semaine dernière la région parisienne avec à leur bord jusqu'à 80 patients Covid dans un état grave, mais ils ont été annulés, faute de malades. En cause, les critères de sélection des patients - le malade doit présenter un état intermédiaire: ni trop préoccupant, ni trop rassurant - mais aussi le refus des familles.
À l'hôpital Lariboisière (Paris), l'accord de transfert a été demandé aux familles pour deux patients, les deux ont refusé, explique à BFMTV.com Bruno Megarbane, chef du service de réanimation de l'établissement. "On a demandé à une dizaine de familles, une seule a accepté", déclare de son côté Yves Cohen, à la tête du service de réanimation de l'hôpital Avicenne (Seine-Saint-Denis).
"Le problème, c'est qu'il n'y a aucune possibilité de transferts sanitaires de malades vers d'autres régions. Ils sont systématiquement refusés par les familles", raconte également au Parisien Jean-François Timsit, chef du service de réanimation de l’hôpital Bichat (Paris).
Lui va plus loin, expliquant que les échanges sur les transferts avec les familles ont pu dégénérer dans certains cas. Il parle de "lettres de menace". "Il y a cette histoire de menaces en cas de transfert, mais pas que. Les enfants de certains malades sont très agressifs", déclare-t-il. "Leur désarroi se transforme en violence, comme un moyen de défense. Nous savons gérer, mais à grande échelle, cela complique encore plus les choses".
"Laisser partir un proche entre la vie et la mort"
"C'est de plus en plus tendu, et les familles ont raison, elles ne comprennent pas que un an après, cette maladie continue de tuer", a déclaré ce mardi matin sur France 2 Djillali Annane, chef du service de réanimation de l'hôpital Raymond-Poincaré (Hauts-de-Seine). "Les familles sont très en colère, elles ont le sentiment que c'est le virus qui gagne du terrain sur nous (...) elles souffrent d'avoir perdu un proche, on sent bien qu'elles percoivent une certaine forme d'injustice, de mort illégitime, de mort indue, et je pense que cette révolte va grandir."
De leur côté, Bruno Megarbane et Yves Cohen expliquent à BFMTV.com ne pas avoir connaissance de lettres de menace dans leur service, et ne ressentent pas spécialement une montée de la colère des proches des malades.
Yves Cohen souligne qu'il est n'est pas anormal d'accepter difficilement "de laisser partir un proche entre la vie et la mort, notamment pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer un billet de train ou un hôtel", pour lui rendre visite dans une autre région. "En ce moment, on a le droit de visiter les patients, ce n'était pas le cas en mars/avril", déclare également Bruno Megarbane.
"C'est tout à fait normal que (l'hypothèse d'un transfert) inquiète les familles", expliquait déjà la semaine dernière sur BFMTV Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l'hôpital Avicenne. "Imaginez un de vos proches extrêmement malade, son pronostic vital est mis en jeu, hospitalisé en réanimation, et d'un coup on vous dit qu'il va être transporté à l'autre bout de la France pour libérer un lit." Il soulignait toutefois que les hôpitaux ont besoin de ces lits vides pour accueillir de nouveaux patients.
