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Covid-19: déprogrammer pour générer des places en réanimation, un choix "terrible" pour les soignants

Une infirmière auprès d'un patient atteint du Covid-19 hospitalisé en réanimation, le 25 janvier 2021 à l'hôpital de Lyon-sud, à Pierre-Bénite

Une infirmière auprès d'un patient atteint du Covid-19 hospitalisé en réanimation, le 25 janvier 2021 à l'hôpital de Lyon-sud, à Pierre-Bénite - JEFF PACHOUD © 2019 AFP

L'ARS d'Île-de-France veut passer de 40 à 80% de déprogrammations afin d'armer des lits de réanimation supplémentaires.

4634 patients atteints du Covid-19 sont actuellement en réanimation en France, dont 1360 en Île-de-France, ce qui représente un chiffre aussi élevé que lors de la première vague épidémique au printemps 2020 pour la région capitale.

Selon les capacités actuelles, 1577 lits de réanimation sont disponibles en Île-de-France. Aurélien Rousseau, directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) d'Île-de-France, avait jusque-là fixé un objectif de 40% de déprogrammations des opérations afin de générer des places supplémentaires pour les malades atteints par la maladie infectieuse.

Objectif de 80% de déprogrammations en Île-de-France

Comme l'ont révélé Les Échos, cet objectif a été hissé mardi à 80%, afin de passer à quelque 2200 lits de réanimation. Une décision qui s'imposait pour le Dr Alain Ducardonnet, consultant santé de BFMTV:

"Pour trouver des lits aujourd'hui, il y a quoi? Il y a des transferts, on a vu que ça ne marchait pas, parce que les familles ne sont pas tellement d'accord, parce que les patients sont instables, et puis les réanimations en France, c'est 91% d'occupation donc il n'y a pas tant de place que ça. Deuxième point, il faut trouver du personnel. Aujourd'hui il n'y en a pas de déplaçable, donc ça veut dire qu'il faut fermer des lits", résume le médecin, qui s'alarme de la "perte de chance" qui découle des déprogrammations pour les patients concernés.

Au plus fort de la deuxième vague, à l'automne, 4903 patients atteints du Covid-19 étaient en réanimation, le 16 novembre dernier.

"On n'en est pas encore à ce stade-là (de trier les patients)", a déclaré sur BFMTV mardi le Dr Xavier Monnet, adjoint au chef du service de médecine intensive et réanimation à l'hôpital Bicêtre, au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne).

"C'est vrai qu'il y a des patients qu'on ne prend pas en réanimation alors que pour d'autres maladies on les prendrait en réanimation parce que on sait que pour les patients qui sont âgés de plus de 75, 77, 78 ans résistent mal à la réanimation quand elle est liée au Covid, mais on ne peut pas dire qu'on se soit abstenus de prendre ces patients en charge en réanimation parce que il n'y avait pas de place dans nos services", a-t-il argué.

Flux tendu

À l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), où le Pr Djillali Annane exerce les fonctions de chef du service réanimation, "ça fait plusieurs semaines que l'on est complet, que dès qu'un lit se libère, il est très rapidement occupé par un nouveau patient, et qu'il y a de nombreuses sollicitations qu'on ne peut pas satisfaire tous les jours". Face à ce constat, le médecin évoque les conséquences de cet afflux sur BFMTV:

"C'est terrible parce qu'effectivement, on est en train de faire un choix d'une certaine façon. On va privilégier la prise en charge des patients atteints du Covid-19, on va reculer les autres patients avec toujours un certains niveau de perte de chance pour ces patients dont on décale les soins", regrette-t-il.

Des déprogrammations qui vont se multiplier en Île-de-France, et qui concernent des actes "qui peuvent être reprogrammés", comme "le changement d'une prothèse de hanche qui peut être décalé d'un ou deux mois", ou encore "une intervention pour une cataracte qui peut être décalée de quelques semaines également, mais aussi des prises en charge médicales de certains bilans qui se font à l'hôpital", étaye Djillali Annane.

Clarisse Martin Journaliste BFMTV