Coronavirus: Didier Raoult accuse ses collègues marseillais de diffuser "des messages alarmistes"
Des mesure démesurées pour l'infectiologue. Dans une lettre adressée ce jeudi à la commission médicale de l'Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM) qu'a pu se procurer Le Monde, le professeur Didier Raoult impute à ses collègues médecins la responsabilité des nouvelles mesures sanitaires du gouvernement, contestées par les élus locaux.
"Vous portez une responsabilité dans les mesures déraisonnables prises contre la ville, par le ministre de la Santé", estime dans ce courrier le directeur de l'IHU Méditerranée, reprochant à ses collègues d'avoir diffuser des "messages alarmistes qui ne reflètent absolument pas la réalité".
Le professeur Raoult s'appuye notamment sur les données de son établissement, l'IHU Méditerranée Infection. Selon l'infectiologue, le nombre de nouveaux patients Covid qui y est pris en charge chaque jour s'élève à 70 personnes, contre 120 début septembre. En outre, plus d'une dizaine de lits d'hospitalisation seraient encore libres à l'IHU, affirme le professeur.
"Il faut rappeler que le professeur Raoult n'a pas de malades de réanimation", réagit ce vendredi matin Christophe Rapp, infectiologue à l'hôpital américain de Paris et consultant BFMTV. "Il a une structure dédiée essentiellement à des malades moins sévères et il s'est illustré par la prise en charge de patients peu graves. Là il est peu hors du champ puisque s'il y a beaucoup de malades graves et que ça se passe en réanimation, il ne va pas être au premier feu de la rampe."
"Véhiculer ces messages ne rend service à personne"
Au sein des hôpitaux publics de la ville, "175 malades du Covid-19 sont actuellement hospitalisés dont 38 en réanimation", expliquait ce jeudi sur BFMTV Dominique Rossi, e président de la commission médicale de l'AP-HM. Mais si Didier Raoult reconnaît que le taux d'occupation des lits en réanimation au sein des établissements marseillais augmente, il estime que cette évolution "ne témoigne pas d'un flux particulier".
"Véhiculer des messages de cette nature ne rend service à personne et ne reflète en aucun cas la réalité", écrit Didier Raoult qui demande aux représentants de l'AP-HM de sortir "de leurs bureaux" et les appelle à "ne pas devenir de purs technocrates".
La réaction du directeur de l'IHU Méditerranée survient aussi après la diffusion d'une note interne envoyée ce mercredi par Dominique Rossi. Le président de la commission médicale de l'AP-HM y appelle les différents services à se mettre en alerte alors que "le nombre de malades Covid admis à l'AP-HM croit régulièrement sans véritable pause" et qu'une hausse des hospitalisations est à prévoir "pour les semaines à venir".
Interrogé par Le Monde à la suite de ce courrier adressé par Didier Raoult, Dominique Rossi se défend de tout pessimisme.
"Cette note n'a pas été adressée au ministère de la Santé, mais aux médecins de l'AP-HM. J'y demande que l'on se soutienne les uns, les autres", confie au journal le président de la commission médicale de l'AP-HM. "Mon travail est d'envisager toutes les situations possibles auxquelles nous pourrions être confrontés dans les prochaines semaines et je vais continuer à le faire", assure-t-il.
"On a besoin qu'on aille tous dans le même sens"
Pour le Dr Annie Levy-Mozziconacci, médecin biologiste à l'hôpital Nord de Marseille, la mise en place des nouvelles mesures sanitaires dans la métropole est salutaire et doit permettre de confirmer la tendance baissière des indicateurs observée ces derniers jours.
"On est persuadé qu'on a besoin des mesures d'accompagnement, des mesures drastiques si on veut que dans quinze jours on puisse voir ces courbes (d'indicateurs épidémiologiques, ndlr) s'infléchir (...) on a besoin qu'on aille tous dans le même sens", déclare la biologiste sur BFMTV.
"On peut remettre (en cause) les indicateurs sanitaires", a-t-elle commenté ce vendredi matin sur notre antenne. "Mais si on retient comme indicateur sanitaire l'occupation des lits Covid en réanimation, aujourd'hui les chiffres sont plutôt malheureusement vers le 50% d'occupation. Si c'est un indicateur, malheureusement il est au rouge."
D'autant qu'à ces malades en réanimations'ajoutent, contrairement à la première vague, les patients non atteints par le coronavirus.
"Cette deuxième vague, probablement bien plus longue que la première, est très complexe à gérer", écrit Dominique Rossi à l'ensemble des médecins des hôpitaux marseillais.