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10.000 ou 40.000 cas Delta par jour au 1er août: les scénarios envisagés par l'Institut Pasteur

Photo d'illustration.

Photo d'illustration. - jody amiet / AFP

Lundi, l'Institut Pasteur, se fondant sur les données récoltées sur la transmission de Delta entre les 15 juin et 5 juillet derniers, a publié un document explorant les différents scénarios de la circulation du variant pour la suite de l'été.

L'objet peut paraître aride, il est cependant passionnant. Il revêt surtout une importance cruciale au moment où les pouvoirs publics adaptent leur politique sanitaire pour étouffer au plus vite la propagation du variant Delta du Covid-19 sur le territoire français. Lundi, l'Institut Pasteur a ainsi mis en ligne un document de synthèse résumant la dynamique de cette déclinaison du virus, signalée pour la première fois en Inde, et condensant les différents scénarios possibles autour de sa circulation pour la suite de l'été, à compter du mois d'août.

Les modélisateurs du prestigieux organisme de recherche scientifique ont fondé leurs travaux sur les chiffres des transmissions de Delta - variant qui pèse déjà 60% des contaminations actuelles dans l'Hexagone, comme l'a noté ce mardi le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal - entre le 15 juin et le 5 juillet. L'épidémiologiste et expert en modélisation de l'Institut Pasteur, Simon Cauchemez, a partagé, ce mardi matin sur Twitter, quelques illustrations ressortant de ce rapport.

La matière est sensible. Dimanche, au micro de Radio J, le ministre de la Santé, Olivier Véran s'angoissait:

"Avec la tendance épidémique de ce variant Delta, qui est beaucoup plus contagieux que le Covid-19 auquel nous avions affaire l'été dernier, les 3000 cas pourraient devenir 6000 cas dans une semaine, 12.000 cas dans quinze jours, et monter au-dessus de 20.000 cas, voire plus, début août si nous n'agissons pas".

Eh bien, selon les projections de Pasteur, il semblerait bien qu'il soit encore trop optimiste. Au regard des plus sombres d'entre elles en tout cas.

Un doublement des cas Delta tous les 5,6 jours en moyenne en France

Quelques données de base d'abord. L'Institut Pasteur s'appuie dans cette note sur les indices "Rd", c'est-à-dire les taux de transmission de Delta, relevés, comme on l'a dit, sur la période courant du 15 juin au 5 juillet derniers. Il apparaît que dans cet intervalle, les Rd régionaux variaient entre des indices évalués à 1,5 et 2,8.

"Cela signifie que dans les régions, il faut actuellement entre 3.5 et 10.4 jours pour voir doubler le nombre de cas Delta", traduisent salutairement les chercheurs.

Si on lisse ces valeurs à l'échelle nationale, le variant s'est diffusé pendant les trois semaines étudiées selon un indice Rd moyen de 2.0. Un rythme qui signifie un doublement des cas tous les 5,6 jours en moyenne.

Un scénario horribilis jaugé à 40.000 cas quotidiens

C'est ici que commence le travail de prospective des experts. Mais, avant de nous lancer dans les eaux froides du calcul de ces savants, il faut encore satisfaire à un point méthodologique. Employant les données mentionnées ci-dessus, les scientifiques de l'Institut Pasteur ont ainsi adopté deux approches différentes afin d'imaginer au plus près les évolutions possibles et immédiates de la circulation du variant Delta en France à compter du 1er août. Dans le premier cas, ils ont suivi un modèle de croissance exponentielle simple, dans le second, un modèle mathématique, "plus sophistiqué" selon leurs propres termes. Et ces deux lignes aboutissent à des perspectives très dissemblables.

Le modèle de croissance exponentielle simple établit à 40.000 cas par jour, à partir du 1er août, le nombre de contaminations labellisées Delta en France si on en reste à un indice de transmissions de 2,0. Une option qui fait figure de scénario horribilis à ce stade. Car en admettant qu'on soit parvenu à décrocher ce Rd à 1,5 ou même 1,8 à compter du 8 juillet dernier, les nombres hypothétiques des cas quotidiens au 1er août sont respectivement ramenés à 11.000 et 24.000 par jour. À noter que ce modèle ne tient pas compte de l'augmentation de la couverture vaccinale de la population tout au long de ces dernières semaines de juillet.

Une fourchette basse évaluée à 10.000 cas par jour

Le modèle mathématique "plus sophistiqué", lui, prend non seulement en compte cette augmentation mais encore les immunités (naturelle et vaccinale) et les dynamiques de transmission ainsi que les différents risques en fonction de l'âge. Enfin, à la seule condition que 50% des personnes rattrapées par Delta soient bien repérées, cette approche plus roborative peut délivrer ses estimations.

Avec un taux de transmission toujours calé sur un indice 2,0, on obtient 35.000 cas du variant Delta quotidiens en France à partir du 1er août. Une réduction de la jauge comprise entre 1,5 et 1,8 - là encore depuis le 8 juillet - permettrait d'amaigrir ce peloton d'infectés quotidiens du début du mois d'août, jusqu'à respectivement 10.000 et 22.000 individus.

Pression à venir sur l'hôpital

On a pour le moment parlé sans nuance de l'ensemble des personnes contractant le virus frappé du sceau de Delta. Mais ces valeurs ne disent rien des formes graves, et donc des hospitalisations. Pasteur a bien sûr pensé à la question, à la lumière de ses modèles.

"Dans tous les scénarios, le nombre d’admissions à l’hôpital reste relativement faible le 1er août", ouvre le document.

Hélas, il pourrait cependant ne s'agir que d'un décalage. Parce qu'en conservant un Rd de 2,0 "le nombre journalier d’admissions à l’hôpital pourrait atteindre mi-août les valeurs observées lors de la deuxième vague (novembre 2020), avec un pic début septembre dépassant largement la taille de la première vague (mars 2020)", nous est-il asséné.

De surcroît, un indice de transmission repoussé à 1,8 ferait ressortir le rajeunissement de la population exposée cette fois aux formes les plus virulentes. "On atteindrait un pic d’hospitalisations similaire à celui de la première vague courant septembre, avec un nombre de lits occupés en soins critiques substantiellement supérieur au pic de mars 2020 du fait d’une population plus jeune de patients hospitalisés", souffle le rapport dans cette perspective. "Dans le scénario Rd=1.5, le pic serait fin septembre avec une amplitude nettement moindre que celle des vagues précédentes", affirme-t-on ensuite.

Le bilan des courses n'est donc guère brillant. Peu importe le bout, où plutôt le scénario, par lequel on prend la trajectoire à venir de Delta, on doit donc s'attendre à une pression "importante sur l'hôpital dès le mois d'août".

Juguler la quatrième vague

Pour autant, les auteurs de ces travaux n'invitent pas au découragement. Ils pointent même qu'un effort sanitaire bien moindre que lors du premier confinement (ère pendant laquelle les taux de transmission avaient été rabotés de 80% environ) allègerait déjà grandement le tableau qu'esquisse cette quatrième vague qui se lève:

"Des réductions même relativement faibles du taux de transmission cet été (de l’ordre de 10 à 25%) permettraient de réduire de façon importante la taille du pic d’hospitalisations et de retarder la survenue de ce pic à un moment où l’hôpital serait en meilleure position pour absorber un afflux de patients."

Quant à l'idée d'une risque accru d'hospitalisation avec le variant Delta comparé à Alpha (le variant qu'on disait originellement britannique), les chercheurs refusent de s'avancer: ils concèdent que cette sévérité plus importante de Delta sur son devancier est "possible" mais jugent que les données disponibles ne sont "pas encore claires sur ce point".

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV