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Politique

Sarkozy chez le juge, c’est comme à l’UMP : tout ça pour ça

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Nicolas Sarkozy a été entendu très longuement hier à Bordeaux par le juge chargé de l’affaire Bettencourt. Il n’a pas été mis en examen mais placé sous le statut de « témoin assisté ».

La mise en scène était presque parfaite. Le tribunal de Bordeaux transformé en bunker, la convocation divulguée dans la presse, les soupçons – ou ce qui en tient lieu – énumérés, juxtaposés, commentés un peu partout, les confidences prêtées au juge par des sources plus ou moins fiables : tout annonçait la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Ce devait être la confirmation de son implication dans un dossier qui a perturbé sa présidence – et alimenté bien des fantasmes. Résultat : après une audition longue comme une délibération de la « Cocoe » à l’UMP, il n’est pas mis en examen. Ça ne met pas un point final à l’enquête ; mais on peut dire que Nicolas Sarkozy marque un point.

Il faut donc penser que le juge d’instruction n’avait pas assez d’éléments pour poursuivre Nicolas Sarkozy dans cette affaire ?

Le témoin assisté, c’est celui à l’égard de qui il existe des indices qu’il ait pris part à un délit, mais pas assez pour être considéré comme un suspect. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, ça veut dire que la justice ne retient pas de charge contre lui, ni sur un (hypothétique) financement de sa campagne par la famille Bettencourt, ni sur d’éventuels abus de faiblesse – comme ça a été dit dans certains journaux. Ce qui est établi, c’est qu’il a suivi de très près l’enquête judiciaire sur cette affaire. Donc qu’il s’est impliqué dans l’affaire ; sans forcément être impliqué.

Est-ce que ça signifie qu’on ne saura jamais vraiment s’il y a eu un financement occulte de la campagne présidentielle de 2007 ?

Disons la vérité : il n’y a, pour alimenter ce soupçon, que des témoignages (pas toujours concordants) et des coïncidences (au sens propre) chronologiques. On ne peut pas condamner quelqu’un, pas plus un ex président qu’un autre, sur des éléments aussi ténus. La police a vérifié les comptes de la campagne sans trouver la moindre trace d’argent suspect. Le gestionnaire des Bettencourt nie avoir donné cet argent à Eric Woerth, qui nie l’avoir reçu, et Nicolas Sarkozy a nié en avoir bénéficié. Peut-être qu’il s’est passé quelque chose ; mais c’est difficile d’aller au-delà.

L’audition de Nicolas Sarkozy s’est tenue en plein psychodrame de l’UMP. Est-ce qu’elle peut avoir des conséquences politiques, dans un sens ou un autre ?

Le fait qu’il ne soit pas poursuivi ménage la possibilité de son retour en politique – il est clair que ni François Fillon ni Jean-François Copé n’auraient les moyens de l’entraver. L’épisode devrait aussi faire réfléchir François Hollande sur son projet de réforme du statut pénal du chef de l’Etat. Sans l’immunité, un juge pourrait convoquer le président à sa guise. C’est ce qui serait arrivé à Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bettencourt – même sans être judiciairement poursuivi, il aurait été politiquement affaibli. Voilà une bonne raison d’y regarder à 2 fois avant de changer le système : ce qui se passe à l’UMP montre que des procédures que l’on instaure pour améliorer la démocratie et la transparence peuvent parfois aboutir à des effets rigoureusement inverses.

Pour écouter le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce vendredi 23 novembre, cliquez ici.

Hervé Gattegno