Présidentielle: Manuel Valls baisse pavillon devant François Hollande

François Hollande et Manuel Valls, le 19 octobre 2016. - Alain Jocard - AFP
Ça menaçait d’être un déjeuner à couteaux tirés, ça n’a pas été le cas, malgré une évidente tension. Manuel Valls a retrouvé le président de la République à l’Elysée ce lundi pour leur repas hebdomadaire. Celui-ci intervenait après un week-end riche en offensives feutrées pour préparer une candidature du Premier ministre à la primaire de la gauche en janvier prochain. Samedi, c’était Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, qui appelait François Hollande et le chef de son gouvernement à s’affronter lors de ces joutes préliminaires. Le lendemain, Manuel Valls lui-même appuyait le trait dans le JDD en n’excluant pas de perpétrer un tel geste de lèse-Elysée: "Je prendrai ma décision en conscience", avait-il dit.
Les deux hommes ne s’étaient pas parlés du week-end. C’est dire l’attente soulevée par ce déjeuner pourtant rituel. L’impatience des observateurs a peut-être gagné le Premier ministre. Il est en effet arrivé à 12h30 au "Château" pour ce déjeuner prévu à 13h. Comme le relate Le Parisien, Manuel Valls est monté immédiatement dans le bureau du président de la République. Manuel Valls a quitté la résidence du chef de l’Etat à 14h30 pour prendre l’avion l’emmenant en Tunisie pour une visite officielle. Première information donc, il était toujours Premier ministre et n’avait ni démissionné, ni été débarqué.
Manuel Valls s'assagit
C’est dans l’aéroplane que Manuel Valls a livré quelques détails aux journalistes qui l’accompagnaient. Il a assuré le président qu’ "il n’y aurait jamais de crise institutionnelle", qu’il ne concevait pas qu’un Premier ministre pût se colleter au patron de l’exécutif lors d’une primaire. La ligne suivie est désormais d’attendre sagement que tombe la décision de François Hollande: "Valls espère une décision avant samedi, mais il pense que ce n’est pas plié. Il n’exclut pas non plus de s’être fait empapaouter", a confié, toujours au Parisien, un parlementaire faisant partie de la délégation envoyée en Tunisie.
Si le Premier ministre est sujet à pareille inquiétude, c’est qu’il connaît bien son François Hollande et son goût du jeu politique. Les atermoiements présidentiels quant à la date et les modalités d’une candidature ne sont pas faits pour le rassurer.
Encore des manoeuvres...
Mais "la loyauté", le "sens de l’Etat" qu’il a revendiqués devant François Hollande, comme le signale L’Opinion, laissent encore un peu de place à quelques manœuvres. Selon la journaliste politique de BFMTV, Apolline de Malherbe, une piste de réflexion audacieuse est envisagée à Matignon: "Manuel Valls et sa garde rapprochée ont théorisé le fait qu’on ne pouvait pas faire campagne et être Premier ministre".
Dans cette perspective, le Premier ministre démissionnerait avant de se lancer. Manuel Valls a été échaudé par l’exemple de Lionel Jospin dont il fut le conseiller en communication lorsque celui-ci était le pensionnaire de Matignon.
Manuel Valls peut donc toujours compter sur la subtilité suivante: un Premier ministre ne pourrait pas affronter le président de la République au sein d’une même primaire sans exposer le pays à une crise institutionnelle de grande ampleur…mais un Premier ministre démissionnaire et remplacé le pourrait très bien.
Thierry Arnaud, chef du service politique de BFMTV, n’y croit pas. Selon des informations qu’il a recueillies, François Hollande annoncera sa décision en début de semaine prochaine et en avertira Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, et Manuel Valls auparavant. Si le clan du chef du gouvernement espère encore le renoncement du président de la République, le cœur n’y est plus. Un soutien de Manuel Valls a confié à Thierry Arnaud que si le Premier ministre n’avait pas renoncé à concourir "formellement", "pratiquement" il avait abandonné la partie.