Une haine lointaine entre Aubry et Hollande

Sur le plan politique, ils étaient plutôt proches à l'origine. Martine Aubry est la fille de Jacques Delors et François Hollande en est le fils spirituel. En 1993, battu aux élections législatives lors de la grande déroute du PS, François Hollande prend alors la présidence du club "Témoin" qui soutient les idées de Jacques Delors, l’homme qui apparaît un temps comme le recours de la gauche en pleine traversée du désert. En 1995, le refus de Jacques Delors de se présenter à l’élection présidentielle entraînera François Hollande dans les rangs de Lionel Jospin.
L’inimitié entre François Hollande et Martine Aubry se serait aggravée en 2007 aux élections législatives, quand le leader du PS l'aurait empêchée de se présenter dans la circonscription lilloise qu'elle visait et où s'est présenté pour un huitième mandat Bernard Derosier.
Rivaux lors de la primaire de 2011
Un an plus tard, quand Martine Aubry succède à François Hollande à la tête du PS, elle critique la gestion de l'ancien locataire, lui reprochant de ne pas avoir assez travaillé. Elle lancera cette pique mémorable: "même les toilettes étaient bouchées".
La primaire socialiste de 2011 a renforcé cette haine. La cheffe du parti a été battue par l'outsider. Lors d'un débat télévisé, elle lance: "On ne pourra pas battre une droite dure si on est une gauche molle". Même si elle dit ne viser personne, il ne fait aucun doute qu'elle pense à François Hollande.
Humiliée par sa défaite, Martine Aubry soutient en façade le candidat socialiste puis les premiers pas du nouveau chef de l'Etat. Mais très vite, elle ne retient plus ses coups. Peu après l'arrivée de Manuel Valls à Matignon et en pleine réforme territoriale, elle ose: "il n'est pas trop tard pour réussir le quinquennat".
Des désaccords profonds sur la ligne
Comme souvent en politique, la haine de ces deux rivaux s'alimente aussi de désaccords sur la politique à mener. "Sur de multiples dossiers économiques, sociaux ou de politique régalienne, Martine Aubry n'est à peu près d'accord sur rien avec le président de la république et le Premier ministre", analyse le politologue Pascal Perrineau.
En se déportant un peu plus vers la gauche du PS, Martine Aubry serait-elle finalement tenter de quitter son fief lillois pour mener une bataille plus nationale? "Le président de la République n'a pas besoin d'aller dans une primaire", a assuré la maire de Lille mercredi, en le ménageant semble-t-il. En revanche, "s'il n'est pas candidat, je suis favorable à une primaire", a-t-elle ajouté. Elle a d'ailleurs co-signé sa tribune avec des initiateurs de la primaire à gauche.
La défense du père
Depuis son arrivée à l’Elysée, le Président n’a jamais invité Jacques Delors au palais, pas même à la cérémonie d’intronisation. Pire, lors de la commémoration des 50 ans du traité de l’Elysée, en janvier 2013, François Hollande n'a pas invité l'ancien président de la Commission européenne. Angela Merkel rendra hommage à Jacques Delors dans son discours, pas François Hollande. Dans Jusqu’ici tout va mal (Grasset), la journaliste Cécile Amar expliquait que François Hollande, ne voulait rien devoir à personne et avait littéralement effacé Jacques Delors de sa vie.
Il aimerait certainement pouvoir en faire de même avec sa fille. Pour l'instant, il n'a pas réagi officiellement à la tribune, mais François Hollande a confié en privé à certains membres de sa délégation qu'à ses yeux, "la tribune visait surtout Manuel Valls".
VIDEOS: Agathe Lambret et Olivier de Saint-Paul