Le MJS, ce mouvement en conflit

Des militants du MJS en mai 2012 lors de la victoire de François Hollande à la présidentielle. - Fred Dufour - AFP
C'était une première. Depuis son émancipation du PS en 1993 le Mouvement des jeunes socialistes (MJS) n'avait jamais appelé à manifester contre un gouvernement de gauche comme elle l'a fait le 9 mars dernier. En cause, la loi Travail portée par Myriam El Khomri. "Les bases ne sont pas là pour une discussion", disait-on chez les jeunes socialistes au premier jour de la grande mobilisation. "Ça ne nous fait pas plaisir de manifester contre les nôtres", clamait alors le président de l'organisation, Benjamin Lucas. Le 9 au soir, la direction du mouvement ne cachait pas sa satisfaction devant le succès de la mobilisation.
Depuis, Manuel Valls et sa ministre du Travail ont fait des concessions et une nouvelle mouture du sujet a été présentée après discussions avec les syndicats. Pas suffisant pour la plupart des organisations présentes dans la manifestation… Dont le MJS, qui appelle à manifester de nouveau jeudi 17 mars. "Malgré les avancées présentées, nous sommes toujours en désaccord avec la philosophie de la loi", affirme la formation jeunesse.
Le MJS, "à côté de ses pompes"?
Résultat, le Premier ministre s'agace, et ses proches montent au créneau. "Ce sont les mêmes qui viennent chercher leur petit chèque rue de Solférino et qui ensuite nous crachent dans le dos!", lance un membre du gouvernement, cité par Le Parisien mercredi. Le même jour, Bruno Le Roux intervient sur LCP, accusant le MJS d'être "à côté de ses pompes".
"Quand des jeunes socialistes sont aujourd'hui en train d'essayer de saper le gouvernement de la réforme (...) c'est un peu du jamais vu", s'indigne le patron des députés PS.
"J'ai envoyé un SMS à Bruno Le Roux, on va se rencontrer prochainement", répond Benjamin Lucas, président du MJS, joint par BFMTV.com. Mais "je n'ai pas la sensation qu'on ait dépassé une ligne. On n'a jamais appelé à la démission du gouvernement. D'ailleurs, on a dit des choses moins violentes que beaucoup de responsables socialistes". La sortie de Bruno Le Roux serait-elle commandée? Au MJS, on admet en tout cas qu'"on n'a jamais été dans une grande relation d'amour avec le chef du gouvernement."
Des tensions anciennes
Les tensions avec Manuel Valls ne datent pas d'hier: après la campagne pour la présidentielle de 2012, le MJS se lance dans une campagne contre les contrôles policiers au faciès, promesse de François Hollande soutenue par Jean-Marc Ayrault. Manuel Valls est alors ministre de l'Intérieur, et s'oppose à la mesure.
"Très vite, les relations se détériorent", se souvient un ancien cadre du MJS. Les jeunes socialistes vont faire campagne à Evry, ancien fief de Manuel Valls. L'intéressé apprécie peu et le fait savoir. Lorsque des groupuscules d'extrême droite sont dissous sur décision de celui qui est alors ministre de l'Intérieur, il lance en pleine réunion du PS: "maintenant, c'est le MJS qu'il faudrait dissoudre!".
L'épisode de Léonarda, cette jeune fille kosovare expulsée de France en octobre 2013, vient ajouter une tension supplémentaire. Le dialogue est difficile, voire inexistant. En août 2015, lors de l'université d'été de la Rochelle, les jeunes socialistes scandent devant un Manuel Valls exaspéré "Macron démission", pour protester contre les critiques du ministre de l'Economie contre les 35 heures. Selon les informations du Canard Enchaîné, le Premier ministre aurait aussi jugé que les MJS étaient "manipulés par Mélenchon". Pas son meilleur ami.
L'ombre de Cambadélis
Désormais au MJS, on préfère rappeler les différentes rencontres avec Najat Vallaud-Belkacem, Patrick Kanner et Myriam El Khomri la semaine passée, ainsi que les "très bonnes relations avec l'Elysée". Avec Jean-Christophe Cambadélis, en revanche, les rapports semblent différents. Un rapport avec le lancement des "Jeunes avec Macron"? Les cofondateurs du mouvement sont aussi membres du PS, et certains seraient proches du premier secrétaire.
Il se murmure également que le bureau du président du MJS pourrait être supprimé au siège du PS à Solférino – une rumeur, balaie Benjamin Lucas, avant d'ajouter: "Je suis convaincu que le Premier secrétaire est respectueux de l'autonomie du MJS". Une rencontre est programmée la semaine prochaine entre les dirigeants des deux formations. La première depuis l'arrivée de Benjamin Lucas à la tête du MJS, il y a bientôt trois mois.