Retraites: le RN maintient son texte pour abroger la réforme malgré une décision de Yaël Braun-Pivet

Yaël Braun-Pivet après sa réélection à la présidence de l'Assemblée nationale, le 18 juillet 2024 à Paris - Bertrand Guay
Un piège tendu avec soin par Marine Le Pen qui se retourne contre elle. Yaël Braun-Pivet a déclaré irrecevables ce mercredi après-midi les amendements liés à la proposition de loi du Rassemblement national pour abroger la réforme des retraites, d'après des informations de LCP confirmées par BFMTV.com.
Ce texte qui sera cependant bien débattu dans l'hémicycle ce jeudi, comme nous l'explique l'entourage de Marine Le Pen, provoque l'embarras à gauche.
Après des débats très houleux la semaine dernière, la commission des Affaires sociales avait voté pour la proposition de loi défendue notamment par l'élu RN Thomas Ménagé, tout en la vidant en grande partie de sa substance, notamment en votant contre le retour à la retraite à 62 ans.
L'article 40 à la rescousse
Pour redonner sa substance à leur texte, les députés RN ont donc été contraints de soumettre des amendements qui doivent passer par la validation de Yaël Braun-Pivet, chargée de juger de ce qu'on appelle leur recevabilité en vertu de l'article 40 de la Constitution.
Cette disposition de la Constitution énonce que "les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique".
Autrement dit, la question est de savoir si le texte grève de façon disproportionnée les finances publiques. Yaël Braun-Pivet a donc répondu positivement à la question, les députés RN comptant essentiellement sur des taxes sur le tabac pour financer leur réforme.
Pas une première sur les retraites
Pas question pour Renaissance de remettre le sujet sur la table après des mois de débats chaotiques une forte mobilisation dans la rue au printemps 2023, le tout sur fond d'adoption de la réforme sans vote grâce à l'article 49.3 de la Constitution.
Ce n'est pas la première fois que l'article 40 est dégainé par la dirigeante de la chambre basse sur ce sujet très symbolique du retour à la retraite à 62 ans.
En juin 2023, le groupe Liot avait lui présenté dans sa niche parlementaire un texte d'abrogation. La proposition avait elle aussi été dénaturée en commission, notamment par la droite et Renaissance, avant que les députés Liot ne déposent des amendements pour rétablir sa version initiale. Le jour de la séance, Yaël Braun-Pivet avait sorti le couperet de l'article 40, poussant les députés Liot à retirer leur texte, vidée de sa substance.
Un principe qui fait débat
Et tant pis si jusqu'à la réforme des retraites, la tradition de l'Assemblée nationale était une approche large de l'article 40, pour permettre aux oppositions de faire avancer leurs propres sujets.
La proposition de loi sur le bien-vieillir déposée par Renaissance en décembre 2022 était pourtant elle aussi financée par une taxe sur le tabac. Même constat pour la proposition de loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, adoptée à l'unanimité en 2023.
Si la décision était attendue pour les députés de Marine Le Pen, elle n'en est pas moins coûteuse politiquement. Le parti à la flamme voyait dans cette proposition de loi l'opportunité de faire oublier ses couacs sur la réforme des retraites pendant la campagne des législatives.
De quoi donc pousser le RN à décider de maintenir les débats ce jeudi sur sa proposition et ce peu importe qu'ils doivent tourner court, la faute à un texte désormais vidé de sa substance.
Un texte qui met la gauche dans l'embarras
Son maintien ce mercredi dans l'hémicycle vise à faire oublier plusieurs épisodes fâcheux sur le dossier. Jordan Bardella avait expliqué en juin dernier ne pas être pressé de revenir sur la retraite à 64 ans, qualifiant la mesure de "pas prioritaire". Les députés RN n'avaient pas d'ailleurs pas défilé dans la rue à l'époque des contestations.
Le patron du mouvement à la flamme avait même posé sur la table l'âge de 66 ans lors d'un débat après la dissolution. Le retour à la retraite à 62 ans est pourtant inscrite noir sur blanc dans le programme des législatives.
Le débat en hémicycle en la matière aura également le mérite de mettre la gauche dans l'embarras. Des communistes dont une partie d'entre eux a prévu de voter pour aux insoumis qui hésitent en passant aux écologistes bien en peine de définir une stratégie commune, le NFP s'est profondément divisé en la matière.
Le débat sur l'abrogation de la réforme des retraites fera cependant à nouveau faire son retour dans l'hémicycle le 28 novembre prochain à l'occasion de la niche parlementaire des insoumis.