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Retraites: l'Assemblée adopte un texte à la portée symbolique demandant l'abrogation de la réforme

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L'Assemblée nationale s'est prononcée pour une proposition de résolution visant à abroger la réforme des retraites. S'il est non-contraignant, ce texte permet néanmoins d'acter la position du Parlement et de mettre la pression sur le gouvernement.

Une victoire symbolique pour les opposants à la retraite à 64 ans. Les députés ont adopté ce jeudi 5 juin une proposition de résolution du groupe communiste visant à abroger la réforme de 2023. 198 élus ont voté pour et 35 contre. Si ce texte n'a aucune valeur contraignante, ses auteurs comptent s'en servir pour mettre la pression sur l'exécutif qui s'est attaché à minimiser la portée de cette séquence.

Patron du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, réunissant des députés communistes et ultramarins, Stéphane Peu s'est présenté le premier à la tribune de l'Assemblée nationale. Avec un message très clair: "Les Français ont de la mémoire et n’ont pas tourné la page."

En ce sens, le parlementaire de Seine-Saint-Denis a cité une étude Ifop, commandée par la CGT et publiée en avril dernier, selon laquelle les deux tiers des Français souhaitent l'abrogation de la réforme.

Réussir à obtenir un vote

La plaie est toujours ouverte en raison de "l'élaboration et la mise en œuvre de cette réforme" qui n'a "respecté aucune des règles les plus élémentaires de la démocratie sociale et du parlementarisme", considère-t-il.

Une référence au mouvement social d'ampleur ayant vu le jour pour s'opposer à cette loi, mais aussi à la stratégie du gouvernement, qui avait finalement dégainé l'article 49.3 pour se passer du vote des députés, faute d'être assuré d'obtenir une majorité.

L'objectif du groupe GDR était de réussir là où d'autres ont échoué. Certains groupes (Liot, RN, LFI), qui plaidaient pour une abrogation, ont en effet encaissé des déconvenues précédemment: les textes n'avaient pas été adoptés au motif de leur recevabilité financière ou en raison d'une obstruction du socle gouvernemental.

Or, une proposition de résolution "ne peut souffrir de contraintes liées à la recevabilité financières", ni "être l'objet d'une obstruction par voie d'amendement", comme l'ont souligné les communistes dans leur texte.

Le RN critique mais soutien

Après l'intervention de Stéphane Peu, les insoumis, les socialistes et les écologistes se sont succédé pour dire leur soutien à cette initiative. De même que le Rassemblement national. Le parti d'extrême droite a cependant accusé la gauche, par la voie du député Théo Bernhardt, d'être "complice" du bloc central, alors que celle-ci avait refusé de soutenir la proposition d'abrogation défendue par le RN le 31 octobre dernier.

"Sans le Rassemblement national personne ne pourra rien pour abroger ou pour tenter d’abroger la réforme des retraites", a insisté Théo Bernhardt, soucieux de ne pas se laisser reléguer dans la bataille contre la réforme des retraites et refusant d'accorder trop de points aux communistes dont la proposition de résolution est "inopérante", selon lui.

Ce débat est aussi l'occasion pour la coalition entre le RN et Éric Ciotti de rappeler ses désaccords sur les retraites. Le député des Alpes-Maritimes avait voté pour la réforme lorsqu'il était encore président du parti Les Républicains. Son petit groupe de 16 élus s'oppose à la proposition de résolution.

Une proposition de résolution "paresseuse et stérile"

Au sein du camp présidentiel, la députée Renaissance Stéphanie Rist est la première à mener la riposte. Elle pourfend une proposition de résolution "paresseuse et stérile" qui revient d'après elle à "nous faire croire que les jours heureux arriveront sans le début du commencement d’une proposition viable de financement".

En relais des orateurs d'Horizons, du Modem et de LR, la ministre déléguée chargée du travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, insiste: "la démographie et l’allongement de la durée de vie constituent des contraintes qui conditionnent les recettes et les dépenses de notre système de retraites, que vous le vouliez ou non."

Pour démontrer que la réforme est nécessaire, l'ancienne conseillère d'Emmanuel Macron, du temps où il était ministre de l'Économie, inscrit ce projet de loi dans l'action de précédents gouvernements.

"C’est la troisième fois en six mois que nous débattons de la réforme de 2023. Et pour la troisième fois, un groupe parlementaire nous propose de revenir en arrière. Or, depuis les premières réformes du gouvernement Balladur en 1993, personne n’est jamais revenu en arrière. Même la réforme de 2010, qui repoussait l'âge légal de 60 à 62 ans et qui avait rencontré une opposition sociale historique. La gauche revenue au pouvoir en 2012 (...) l’a complétée avec la réforme Touraine."

La "valeur" du vote de la motion de censure contre le gouvernement Borne

La ministre renvoie ensuite les opposants à la retraite sà 64 ans au 17 mars 2023. Ce jour-là, Élisabeth Borne avait échappé, à neuf voix près, à une motion de censure déposée à l'initiative du groupe indépendant Liot, en réaction à son 49.3 sur la réforme des retraites.

"Ce vote a eu lieu et il n’était pas acquis. Son résultat serré prouve toute sa valeur", appuie-t-elle, soulignant que "le gouvernement d'Élisabeth Borne avait engagé sa responsabilité".

Menace à peine voilée de censure

Enfin Astrid Panosyan-Bouvet minimise l'impact de cette proposition de résolution, qui n'a "pas force de loi". "Quel sera la portée du vote de ce matin? Au mieux il mettra en évidence la coalition d’opposants qui n’ont aucun projet alternatif et crédible", tance-t-elle, avant d'en remettre une couche, pendant que la gauche fait entendre ses protestations: "Le débat aura-t-il avancé d’un centimètre? La réponse est clairement non."

En preuve de la capacité du gouvernement à revoir sa copie, la ministre cite le "conclave" sur les retraites, voulu par François Bayrou autour des partenaires sociaux, estimant que le Premier ministre a "répondu à ceux qui demandaient une conférence de financement sur les retraites".

La gauche, elle, raconte une autre histoire. "L'espoir qui pouvait être mis par la réouverture des négociations sociales a tourné court de par les contraintes mises par le Premier ministre, notamment sur la mesure d'âge", considérait Stéphane Peu auprès de BFMTV.com avant les débats à l'Assemblée.

Dans l'hémicycle, le communiste a lancé un avertissement: "Si vous ne tenez pas compte de ce vote (sur la proposition de résolution) (...) je vous promets que nous saurons en tenir les conséquences". Une menace, à peine voilée, de censure.

Baptiste Farge