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"Mettre fin au logement social à vie": comment des députés veulent libérer des appartements en HLM

Un immeuble de logements de la résidence Grândola à Tarnos, le 2 décembre 2024 dans les Landes

Un immeuble de logements de la résidence Grândola à Tarnos, le 2 décembre 2024 dans les Landes - Gaizka IROZ © 2019 AFP

L'ex-ministre du logement Guillaume Kasbarian et le député macroniste Stéphane Vojetta veulent faciliter le départ des locataires de logements sociaux devenus aisés depuis l'attribution de leur bail. "Notre but est de fluidifier l'attribution des logements sociaux", résument les parlementaires.

Une proposition de loi tout en symbole en pleine crise du logement. L'ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian, redevenu député, et son collègue Renaissance Stéphane Vojetta ont déposé à l'Assemblée un texte pour faire payer davantage de surloyers aux occupants les plus aisés de logements sociaux et faciliter les fins de bail.

"On a deux millions de personnes qui attendent un logement social. On doit être sûr que ceux qui sont dans un HLM en ont besoin et qu'ils ne sont pas en mesure de se payer tout seul un loyer dans le parc privé", explique ainsi Guillaume Kasbarian auprès de BFMTV.com.

Quelques dizaines de milliers de locataires concernés

L'objectif de ce texte: faire payer un complément de loyer dès que les habitants d'un logement social dépassent le plafond maximal de revenu. Aujourd'hui, un surloyer est réclamé quand leur revenus dépassent d'au moins 20% les revenus maximum à respecter lors de son attribution.

Très concrètement, un bailleur social peut aujourd'hui demander un complément de loyer aux locataires s'ils gagnent au moins 6.700 euros nets de revenus mensuels pendant plus de 2 ans.

En cas d'adoption du texte défendu par Guillame Kasbarian et Stéphane Vojetta, le surloyer concernera les familles avec des revenus à partir de 5.700 euros nets par mois pendant 24 mois.

Seuls 80.000 foyers sur 5 millions de HLM paient actuellement un surloyer. Quant aux locataires actuels d’un logement social au-dessus du plafond de ressources fixé pour y entrer, ils sont actuellement 8%, d'après un rapport du Sénat sur le sujet.

"Pas normal que ceux qui ont besoin d'un logement social n'y aient pas accès"

En 2024, selon le décret publié au Journal officiel, une personne seule et vivant à Paris ou en Île-de-France ne doit pas dépasser 26.044 euros de revenu fiscal annuel et 22.642 euros pour les habitants des autres régions du territoire pour pouvoir demander un logement social.

"Tant mieux si des gens qui avaient besoin d'un logement social à une époque gagnent désormais très bien leur vie. Mais ce n'est pas normal que ceux qui en ont besoin aujourd'hui n'y aient pas accès", avance le rapporteur du projet de loi Stéphane Vojetta auprès de RMC.

Quant aux fins de bail pour un locataire au-dessus de ce seuil de revenus, elles sont très encadrées. En l'état actuel de la loi, dans des zones de tension du marché immobilier (soit la plupart des grandes agglomérations françaises), si les revenus sont supérieurs au seuil de 1,5 fois pendant deux ans consécutifs, le bailleur peut mettre fin au contrat locatif.

La procédure est cependant relativement rare et concerne environ 8.000 cas par an, d'après des chiffres de l’Union sociale pour l’habitat (USH), l’association représentative du secteur.

Cette proposition de loi veut désormais faire en sorte que le bail puisse être mécaniquement résilié dès que les revenus sont supérieurs à 1,2 fois le seuil fixé pendant deux ans.

Vérifier le patrimoine des locataires

Autre changement que propose ce texte: pouvoir vérifier le patrimoine des locataires pour s'assurer que des habitants de logements sociaux ne sont pas devenus propriétaires d'un bien ces dernières années.

Les bailleurs sont cependant déjà tenus de demander chaque année "la situation personnelle, financière et patrimoniale" des locataires du parc social, sans cependant avoir toujours les outils pour vérifier l'exactitude des informations. Une modification substantielle du patrimoine n'oblige pas non plus les bailleurs à leur demander de quitter leur logement.

Les députés ne proposent cependant pas de seuil précis pour inciter les bailleurs sociaux à mettre fin au bail en cas d'héritage conséquent par exemple. Charge aux débats à l'Assemblée de fixer un cadre précis.

"Si vous avez hérité d'un cabanon à 800 kilomètres de chez vous, ce n'est pas la même chose que si vous avez désormais une maison à 500 mètres de votre logement actuel", explique ainsi Guillaume Kasbarian.

"Faciliter la rotation des logements sociaux"

Reste cependant des contraintes techniques. Si le Trésor public demande depuis plus d'un an aux propriétaires de biens immobiliers de les déclarer, la plateforme a connu de très nombreuses avaries. La Cour des comptes a récemment dénoncé dans un rapport une mise en place "chaotique".

"Notre but est vraiment de faciliter la rotation des logements sociaux, de fluidifier leur attribution, d'être certain que quand on en a un, on en a vraiment besoin", insiste Stéphane Vojetta.

L'argent ramené dans les caisses des bailleurs sociaux par le versement plus important de surloyers vise également à dégager des fonds pour pouvoir créer plus de logements sociaux.

Quant à la fin des baux pour les locataires qui dépassent le plafond de revenus ou qui sont devenus propriétaires d'un logement équivalent, une étude d'impact juge que cela concernerait 30 à 40.000 foyers par an.

Parvenir à faire voter ce texte

Reste désormais à convaincre les députés qui se pencheront sur ce texte en commission des Affaires économiques le 25 mars puis dans l'hémicycle le 31 mars. Guillaume Kasbarian y croit.

Soucieux d'aller chercher des soutiens, les deux rapporteurs ont exclu plusieurs des points de la loi logement stoppée par la dissolution qui auraient pu irriter largement les députés. Exit par exemple le fait que les maires puissent désormais diriger les commissions d'attribution de logements sociaux, certains y voyant un risque de clientélisme.

"On ne touche pas du tout à la question des gens qui peuvent prétendre à avoir un logement social, mais aux gens qui n'y ont plus leur place. On est vraiment dans un enjeu de justice sociale", veut croire Stéphane Vojetta. De quoi, espère-t-il, convaincre dans une Assemblée nationale très fragmentée.

Marie-Pierre Bourgeois