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Logement social: des députés veulent pousser les locataires devenus aisés à quitter leur HLM

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L'ancien ministre du Logement Guillaume Kasbarian et le député Stéphane Vojetta veulent faciliter le départ des locataires de logements sociaux devenus aisés depuis l'attribution de leur bail. Si plusieurs dispositifs existent déjà dans ce sens, les deux élus Renaissance veulent aller plus loin pour "obtenir plus de justice sociale".

Des députés aux avants-postes d'un texte très symbolique. La commission des Affaires économiques se penche le mardi 25 mars sur une proposition de loi pour mettre fin "au maintien à vie dans le logement social".

"L'esprit de cette loi, c’est qu'on veut vraiment instaurer une rotation plus fréquente dans le parc HLM afin d'obtenir plus de justice sociale", explique le député Renaissance Stéphane Vojetta sur BFMTV.

Pousser les locataires aisés à "laisser leur place"

Pour ce faire, cet élu qui avait battu Manuel Valls aux législatives en 2022 défend aux côtés de l'ex ministre du Logement Guillaume Kasbarian, redevenu député, un texte pour faire payer davantage de surloyers aux occupants les plus aisés de logements sociaux et faciliter les fins de bail.

"L'objectif, c'est de faire en sorte que les personnes qui sont entrées dans le parc HLM il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans et qui ont eu depuis une trajectoire professionnelle ascendante puissent laisser leur place", défend encore Stéphane Vojetta.

Concrètement, le but de cette proposition de loi est de faire payer un complément de loyer dès que les habitants d'un logement social dépassent le plafond maximal de revenu. Aujourd'hui, un surloyer est réclamé aux locataires quand leurs revenus dépassent d'au moins 20% les revenus maximum à respecter lors de son attribution.

Un bailleur social peut aujourd'hui demander un complément de loyer aux locataires s'ils gagnent au moins 6.700 euros nets de revenus mensuels pendant plus de 2 ans.

En cas d'adoption du texte défendu par Guillaume Kasbarian et Stéphane Vojetta, le surloyer concernera les familles avec des revenus à partir de 5.700 euros nets par mois pendant 24 mois.

Quelques dizaines de milliers de locataires concernés

La mesure ne devrait cependant pas concerner grand-monde. Seuls 80.000 foyers sur 5 millions de HLM paient actuellement un surloyer. Quant aux locataires actuels d'un logement social au-dessus du plafond de ressources fixé pour y entrer, ils sont actuellement 8%, d'après un rapport du Sénat sur le sujet.

"Disons que ce texte permettra de faire rentrer de l'argent auprès des bailleurs sociaux en compensant les locataires qui ont des impayés de loyer", observe l'entourage de la ministre du Logement Valérie Létard auprès de BFMTV.com.

Actuellement, pour pouvoir demander un logement social, une personne seule et vivant à Paris ou en Île-de-France ne doit pas dépasser 26.044 euros de revenu fiscal annuel et 22.642 euros pour les habitants des autres régions de l'Hexagone selon le décret publié au Journal officiel.

Selon une étude de l'agence nationale de contrôle du logement social, près de 70% des ménages sont éligibles au logement social en France.

Faciliter les départs des plus riches

Seconde mesure contenue dans cette proposition de loi: faciliter les fins de bail pour les locataires aisés. La mesure existe déjà mais elle est très encadrée. En l'état actuel de la loi, dans des zones de tension du marché immobilier (soit la plupart des grandes agglomérations françaises), si les revenus sont supérieurs au seuil de 1,5 fois fixé par le bailleur pendant deux ans consécutifs, le bailleur social peut mettre fin au contrat locatif.

La procédure est cependant relativement rare et concerne environ 8.000 cas par an, d'après des chiffres de l’Union sociale pour l’habitat (USH), l’association représentative du secteur.

Cette proposition de loi veut désormais faire en sorte que le bail puisse être mécaniquement résilié dès que les revenus du locataire excèdent 1,2 fois le revenu maximum de référence.

"On a deux millions de personnes qui attendent un logement social. On doit être sûr que ceux qui sont dans un HLM en ont besoin et qu'ils ne sont pas en mesure de se payer tout seul un loyer dans le parc privé", nous expliquait début mars l'ex ministre du Logement Guillaume Kasbarian.

Vers des débats agités?

Reste désormais à convaincre les députés en commission des Affaires économiques ce mardi puis dans l'hémicycle le 31 mars prochain.

Soucieux d'aller chercher des soutiens, les deux rapporteurs ont exclu plusieurs des points de la loi logement stoppée par la dissolution qui auraient pu irriter largement les députés. Exit par exemple le fait que les maires puissent désormais diriger les commissions d'attribution de logements sociaux, certains y voyant un risque de clientélisme.

"On ne touche pas du tout à la question des gens qui peuvent prétendre à avoir un logement social, mais aux gens qui n'y ont plus leur place. On est vraiment dans un enjeu de justice sociale", veut croire Stéphane Vojetta. De quoi, espère-t-il, convaincre dans une Assemblée nationale très fragmentée.

Marie-Pierre Bourgeois