La majorité présidentielle accusée d'obstruction pour empêcher le vote de propositions socialistes à l'Assemblée

Après le tumulte des premiers jours d'examen du projet de loi sur la réforme des retraites, ce jeudi était censé marquer le retour d'une relative quiétude au sein de l'Assemblée nationale, à l'occasion de la niche parlementaire socialiste. Mais après un après-midi marqué par de nombreux rappels au règlement, de multiples suspensions de séance et le départ fracassant des députés de la majorité, force est de constater que l'ambiance est toujours survoltée au Palais Bourbon.
L'inquiétude a commencé à gagner les rangs de la macronie en milieu d'après-midi lors de l'examen d'une proposition de loi visant à l'élargissement des repas à 1 euro pour tous les étudiants. Le texte a été rejeté de justesse, à une voix près, après le rappel en urgence des députés de la majorité sur les bancs de l'hémicycle.
Un bouclier tarifaire pour les boulangers
Les choses se compliquent quelque peu lors de l'étude d'un second projet de loi socialiste, pour une "nationalisation" sans risque de "démantèlement" d'EDF.
Le texte, déposé par le député de l'Eure Philippe Brun, entend également mettre en place un bouclier tarifaire relatif aux prix de l'énergie pour les TPE et PME, notamment les boulangers, avec qui le texte a été écrit.
Réalisant qu'ils ne parviendront pas à mettre en minorité le texte alors que l'ensemble des groupes parlementaires ont décidé de voter, les députés de la majorité tentent d'abord de jouer la montre.
Les rappels au règlement et les suspensions de séance se succèdent, tout comme les prises de parole, notamment du ministre de l'Industrie Roland Lescure et du député macroniste Jean-René Cazeneuve.
Un article non-conforme au droit européen?
Selon eux, le bouclier tarifaire que souhaitent mettre en place les socialistes serait inconstitutionnel, car il engagerait une dépense de l'État, ce que l'Assemblée ne peut faire.
"C’est un précédent extrêmement grave pour nos institutions, c’est une violation très claire de l’article 40 de la Constitution", lance ainsi le rapporteur général de la commission des finances Jean-René Cazeneuve.
Les socialistes lui répondent que la prise en charge financière de la disposition n'est pas précisée, et qu'elle peut revenir aux énergéticiens. Le ministre de l'Industrie Roland Lescure rappelle ensuite que le gouvernement a déjà lancé une offre publique d'achat pour monter à 100% du capital du géant de l'électricité, puis s'en remet à l'Union européenne pour dénoncer le texte depuis les bancs du gouvernement.
"Votre article est non-conforme au droit européen", assure-t-il, puis lance: "Face à vous tous, jusqu'au bout, l'Europe, nous continuerons à la changer, mais nous y resterons!".
"Une mascarade"
Faux, lui répond Philippe Brun. "Vous ne pouvez pas dire comme ça, n'importe quoi", assure-t-il, rappelant plusieurs dispositions européennes permettant à titre exceptionnel d'encadrer les prix de l'énergie.
Finalement, les macronistes décident de quitter l'Assemblée. "Nous devons respecter notre Constitution. Dans ces conditions, la majorité présidentielle refuse de continuer à participer à ces débats qui ne sont qu’une mascarade", tonne Aurore Bergé, la présidente des députés macronistes à l'Assemblée nationale.
"Les macronistes sont des trouillards! Ils ont quitté l'Assemblée après avoir fait des heures d'obstruction", a critiqué le député LFI Antoine Léaument.
Conséquence? Le texte socialiste visant à la nationalisation d'EDF est adopté, à 205 voix pour et une seule contre. "Vous savez, ce qu'il vient de se passer, ça s'appelle un abandon de poste", a lancé en guise de conclusion le député communiste Sébastien Jumel à Roland Lescure.