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Aide médicale d'État, allocations familiales, titre de séjour... Ce que pourrait contenir l'accord sur la loi immigration

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La droite et la majorité présidentielle s'échinent à parvenir à un compromis sur le texte porté par Gérald Darmanin. Si la régularisation "exceptionnelle" des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension semble actée, tout comme le maintien de l'aide médicale d'État, plusieurs points font toujours débat.

Vers la voie d'un accord. À quelques heures de la réunion entre sept députés et sept sénateurs pour se mettre d'accord sur un compromis sur la loi immigration, les tractations continuent entre la droite et la majorité. Les contours de ce compromis commencent à s'esquisser.

• La fin de l'AME: pas dans l'accord

Votée au Sénat, la fin de l'aide médicale d'État (AME) n'apparaissait pas dans la copie initiale du gouvernement et a toutes les chances de ne pas être dans la version finale du texte.

L'AME concerne 320.000 personnes par an et permet une prise en charge à 100% de la plupart des frais médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques.

Elle est ouverte aux étrangers en situation irrégulière, qui ne possèdent ni titre de séjour, ni document attestant d'une demande en cours de titre de séjour. Elle s'applique sur tout le territoire français, à l'exception de Mayotte. Elle coûte 935 millions d'euros par an, soit environ 0,5% des dépenses de santé.

La suppression de l'AME avait agacé une partie de la majorité présidentielle, du ministre de la Santé Aurélien Rousseau en passant par des élus Modem qui s'étaient fendus d'une tribune pour protester.

La fin de ce dispositif ne devrait pas apparaître dans l'accord. Et pour cause: en cas de maintien, elle aurait été censurée par le Conseil constitutionnel, au motif que cet article lié à la santé publique n'a pas sa place dans un texte sur les questions migratoires. Gérald Darmanin a également promis sur BFMTV ce dimanche la présentation d'une loi dédiée à l'AME en janvier.

• La création d'un titre de séjour dans les métiers en tension transformée en régularisation "exceptionnelle": dans l'accord

Présentée comme l'un des piliers du projet de loi immigration, la création d'un titre de séjour dans les métiers en tension avait suscité dès son annonce une levée de boucliers à droite. Dans les rangs de la macronie, elle représentait au contraire l'assurance d'un projet de loi "équilibré" qui ne contiendrait pas seulement des mesures de "fermeté". Ce dispositif devrait être profondément limité dans la copie finale de l'accord.

La chambre haute l'a complètement réécrit en novembre dernier lors des débats sénatoriaux et a fait de ce dispositif qui se voulait une façon de régulariser les travailleurs sans-papiers dans le bâtiment et dans la restauration une mesure désormais "exceptionnelle".

En commission des lois à l'Assemblée, les députés étaient revenus sur ce dispositif. La régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers qui peinent à recruter devait bien être possible mais à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2028.

Le gouvernement pourrait donc finalement accepter la version sénatoriale, en acceptant la régularisation directement par les préfets, et donc sans automaticité. Face au risque d'un embouteillage en préfecture, des députés Renaissance plaident pour que la régularisation soit automatique en cas d'absence de réponse.

• Les allocations familiales conditionnées à au moins trois ans de présence en France: dans l'accord

Les sénateurs souhaitent imposer aux étrangers de devoir justifier de cinq ans de résidence pour pouvoir bénéficier d'allocations comme l'aide personnalisée au logement (APL) ou les allocations familiales, contre six mois actuellement. Une piste d'accord consisterait à fixer à trois ans cette durée pour ceux qui travaillent dans la copie finale de la commission mixte paritaire.

La question a beau rester sensible au sein de la majorité, elle semble déjà avalisée. La question est "bien sur la table", a ainsi reconnu Aurore Bergé, la ministre des Solidarités et des Familles ce dimanche sur France 3.

"C'est une concession qui me coûte", a cependant reconnu la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet sur BFMTV.

• L'interdiction de placer des mineurs entre 16 et 18 ans dans les centres de rétention administrative: dans l'accord

Le gouvernement souhaitait interdire le placement en rétention de mineurs étrangers, comme le prévoit la convention européenne des droits de l'homme. Au Sénat, les parlementaires avaient décidé de permettre cette possibilité pour des jeunes de 16 à 18 ans. Actuellement, des enfants accompagnés de leurs parents peuvent être placés dans ce type de centre.

La droite serait finalement prête à accepter l'interdiction de l'enfermement des mineurs. "Ils ont fait plusieurs pas vers nous, nous en faisons un petit vers eux", assurait dès vendredi soir un sénateur LR auprès de BFMTV.com.

"Cela s'appelle la préférence nationale. Et c'est le programme du Rassemblement national", a réagi de son côté le chef des députés socialistes Boris Vallaud auprès de La Tribune dimanche.

• Fin du droit du sol, quotas, délit de séjour irrégulier: toujours en suspens

Les sénateurs ont profondément modifié le code de la nationalité lors des débats à la chambre haute, à commencer par la fin de l'automaticité du droit du sol qui n'était pas dans la copie initiale du gouvernement.

La chambre haute souhaite que les enfants nés de deux personnes étrangères fassent la demande de la nationalité française entre leurs 16 ans et leurs 18 ans. La fin du droit du sol, qui existe depuis 1851, avait été retoquée à l'Assemblée nationale.

Les sénateurs ont également fixé des quotas d'immigration avec le but d'organiser chaque années la tenue annuelle d'un débat parlementaire avec des objectifs chiffrés de titres de séjour accordés.

Cet objectif avait fait vivement débat lors des échanges en commission des lois à l'Assemblée jusqu'à finalement aboutir à la présentation "d'objectifs chiffrés" qui ne doivent pas "'faire obstacle à la délivrance des titres de séjour" pour ceux qui rentrent dans le cadre légal.

Plusieurs députés ont déjà fait savoir ne pas vouloir voter le texte issu de la CMP s'il contient cette mesure, à l'instar de Fanta Berete.

Les sénateurs ont également rétabli le délit de séjour irrégulier, supprimé par François Hollande en 2012. Si les députés Horizons sont favorables à la mesure, les députés Renaissance l'ont supprimé en commission, estimant que cette mesure n'avait pas "fait la preuve de son efficacité".

Les discussions semblent achopper sur ces différents points, à forte valeur symbolique à la fois pour la droite bien décidée à pousser jusqu'au bout son avantage et pour l'aile gauche de la majorité, prête au compromis "mais pas à tout prix", comme l'a expliqué Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement.

Marie-Pierre Bourgeois