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On a raison d'avoir peur de Poutine

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno c'est tous les jours sur RMC à 8h25.

Le Parti Pris d'Hervé Gattegno c'est tous les jours sur RMC à 8h25. - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

V. Poutine a signé ce lundi le décret officialisant le rattachement de la Crimée à la Russie, après le référendum qui a massivement approuvé la sécession avec l’Ukraine. Faut-il avoir peur de Poutine ? Oui, répond Hervé Gattegno.

La démonstration est faite que V. Poutine n’est pas l’allié de l’Occident, qu’il en est même l’adversaire. Dans la crise ukrainienne, il a montré une détermination et un cynisme qui ne laissent aucun doute sur ses intentions hégémoniques. Il y a une tradition des grands joueurs d’échecs russes : Poutine nous a mis échec et mat en trois coups – déstabilisation de l’Ukraine, intimidation de l’Europe, annexion de la Crimée. Le tout en violation flagrante du droit international, et malgré la réprobation du monde entier. On parle de guerre froide ; en tout cas, c’est un résultat qui fait froid dans le dos…

Est-ce qu'on aurait pu faire autrement ? L'Europe aurait-elle pu empêcher Poutine de mettre en œuvre son plan ?

On ne voit pas bien comment – et c’est le plus accablant. La vérité, c’est que Poutine est à la fois plus fort militairement et plus cohérent politiquement et qu’en plus, il fait face à des Occidentaux divisés. B. Obama a tergiversé à cause du précédent syrien ; l’Ukraine est divisé entre les partisans de la Russie (majoritaires) et les autres ; et les Européens, ils n’ont pas su se mettre d’accord entre ceux qui voulaient une réaction forte (les pays du nord et les ex-républiques soviétiques), ceux qui voulaient négocier (F, All, GB et Pol) et ceux qui s’en lavent les mains. Il aurait fallu être autrement plus soudés pour faire reculer Poutine. Face à une Russie surarmée, l’Europe s’est montrée… désarmée.

Maintenant que son coup a réussi en Crimée, jusqu'où Poutine peut-il aller ?

Les perspectives ne sont pas rassurantes. D’évidence, Poutine rêve de refonder un empire russe sur le modèle de l’empire soviétique, mais où le nationalisme remplace le communisme (ce qui trouve un écho favorable dans une partie des opinions européennes, on le voit en France). Avant l’Ukraine, il a pris des positions ou exercé des pressions (parfois les deux) en Géorgie, en Biélorussie, en Arménie. Les pays baltes tout proches ont peur d’être dans son viseur – et ils appellent les USA au secours plutôt que l’Europe. A. Merkel a dit récemment que V. Poutine est « dans un autre monde ». Il a surtout l’air de rêver d’un retour à l’ancien monde – celui d’avant la chute du mur.

L'Europe et les États-Unis ont adopté des sanctions économiques contre une liste de personnalités russes et ukrainiennes. Ça peut être efficace ?

Pour que Poutine renonce à la Crimée, sûrement pas. Pour qu’il accepte un dialogue sur l’Ukraine avec les occidentaux, ce n’est même pas sûr – vu de Moscou, geler les avoirs des seconds couteaux, c’est insignifiant. Poutine, lui, se résout à être isolé sur la scène internationale. Il n’y a que la réaction des marchés financiers qui peut le faire vaciller, en affaiblissant l’économie russe. Donc il y a deux scénarios: soit les marchés eux-mêmes s’inclinent devant le coup de force de Poutine, et il va continuer ; soit Moscou connaît un début de récession et il va hésiter. Donc l’alternative de Poutine est entre une montée du péril russe et une victoire… à la Pyrrhus.

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Hervé Gattegno