N. Offenstadt sur Hollande: «Un discours banal et consensuel»

Nicolas Offenstadt est historien et spécialiste de la Première Guerre mondiale. - -
Ce vendredi, Nicolas Offenstadt était l’invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV de 8h35 à 9h.
Historien, ce spécialiste de la Première Guerre mondiale a donné sa vision des commémorations à venir du centenaire de la Grande Guerre. Il publie "La Grande Guerre, le carnet du centenaire" aux éditions Albin Michel.
L'historien, qui avait fortement critiqué les directives sur l'enseignement de l'Histoire données par Nicolas Sarkozy, notamment sur la colonisation, s'est montré critique sur le discours de François Hollande prononcé jeudi depuis l’Elysée, qu'il n'a pas estimé «de gauche». L'historien a en revanche approuvé la place que veut donner le président aux français fusillés durant ce premier conflit mondial. En effet, François Hollande a annoncé vouloir donner une place à ces soldats au musée des Armées aux Invalides.
Sur la "grande collecte" de documents de la Grande Guerre parmi les Français
L'histoire de cette Grande Guerre est-elle bien enseignée aux enfants?
8h55 - Nicolas Offenstadt : « Il y a une pédagogie active autour de 14-18, on essaie de faire comprendre aux élèves du secondaire l'expérience des gens, et pas seulement les grandes batailles, on emmène les élèves visiter les musées, les monuments aux morts. »
8h50 - Nicolas Offenstadt : « C'est une des périodes de l'Histoire de France qui est la plus présente parmi nous. Le "poilu" est une figure positive. Tout le monde y trouve matière à réflexion et a un souvenir tangible, beaucoup de familles ont des lettres. »
Sur la place accordée au musée de l'Armée aux 600 soldats fusillés
On les réhabilite, mais pas tout à fait ?
8h48 - Nicolas Offenstadt : « Les réhabiliter collectivement n'a pas de sens, il y a aussi des espions parmi eux. Et nous ne sommes pas des juges. J'étais critique sur le discours mais la position du président sur ce point est la bonne. »
700 soldats fusillés considérés comme déserteurs ?
8h47 - Nicolas Offenstadt : « 740 avec les civils, mais 600 soldats ont été fusillés. Cela concernait des 'pauvres gars', des gens qui craquaient, des soldats épuisés, atteints de dysenterie. On a des cas de mutineries en 1915, ils sont envoyés à l'attaque, ils voient les cadavres des précédentes vagues devant eux. »
Sur la commémoration de la Grande Guerre
Pourquoi des millions d'hommes ont-ils accepté de telles conditions ?
8h47 - Nicolas Offenstadt : « En France, ils n'avaient pas le choix, il y avait la conscription, et vous étiez passibles du tribunal militaire. Il y avait aussi le sens du devoir, la camaraderie et la solidarité, aussi vis-à-vis des morts, parce que les régiments se faisaient par régions, vous partiez à la guerre avec vos copains de village. » La guerre 14-18 a-t-elle émancipé les femmes ?
8h46 - Nicolas Offenstadt : « Pas tant que ça. Beaucoup de femmes qui avaient pris des tâches des hommes sont revenues à leurs tâches antérieures, lorsque les soldats sont rentrés ».
La guerre des tranchées est-elle marquée par les baïonnettes et par Verdun ?
8h45 - Nicolas Offenstadt : « Non, c'est le pilonnage de l'artillerie. Des millions d'obus tombaient sur les soldats avant les batailles, plus des 2/3 des pertes, ce sont des soldats qui meurent sans voir leurs adversaires. Verdun n'a pas changé le cours de la guerre, aucune grande bataille n'a été décisive. Ce sont les enjeux économiques et sociaux ».
Pourquoi toutes ces nations sont-elles venues se battre contre l'Allemagne ?
8h43 - Nicolas Offenstadt : « Une des grandes motivations de la guerre est le sentiment national. 14-18, c'est l'engrenage des sentiments nationaux qui se sont heurtés, la revanche n'était pas décisive, on ne se serait pas battus uniquement pour reprendre l'Alsace-Lorraine, il s'agit de construction d'oppositions nationales ».
1% de la population australienne de 14-18 est enterrée en France?
8h43 - Nicolas Offenstadt : « Pour l'Australie, première fois qu'elle se battait en tant que nation, c'est un événement colossal. Les Kanaks sont aussi venus se battre sur le chemin des Dames ».
Sur le discours de François Hollande
Qu'avez-vous pensé du discours de Hollande ?
8h40 - Nicolas Offenstadt : « On aurait pu attendre un nouveau discours sur les 430 000 soldats coloniaux, qui sont venus se battre, sans compter des porteurs, des ouvriers indochinois pour des questions logistiques. »
8h39 - Nicolas Offenstadt : « J'ai trouvé le discours banal et j'ai été frappé par la confusion qu'a fait Hollande avec la Seconde Guerre mondiale. Il a mis en parallèle le poilu et le résistant. Il aurait été bien de souligner la spécificité de la Grande Guerre. Ce n'est pas un discours de président de gauche, il y avait peu de références s'inscrivant dans la tradition de la gauche et cette mise en série des différents moments de l'histoire était ce que disait Nicolas Sarkozy, il a cité Jospin et Sarkozy, il n'y a pas eu de rupture. »
Entre 20 000 et 25 000 soldats pouvaient périr certains jours ?
8h37 - Nicolas Offenstadt : « 1 million 400 000 morts en France, dix millions dans le monde. Il y a eu aussi des corps pas retrouvés, on parle de 200 000 corps pour l'armée française. Ce fut une hécatombe colossale. Dix millions de très jeunes hommes ont péri dans la Grande Guerre »