Les principales mesures du projet de révision constitutionnelle

L'hémicycle de l'Assemblée nationale (image d'illustration) - ERIC FEFERBERG / AFP
Edouard Philippe et la garde des Sceaux Nicole Belloubet ont présenté ce mercredi les grandes lignes du projet de loi constitutionnelle.
Le projet s’inscrit dans le cadre d’une réforme des institutions plus vaste qui "peut être présentée en trois blocs", a indiqué Edouard Philippe: un projet de loi constitutionnelle, un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire.
Ce mercredi, c'est le projet de loi de révision constitutionnelle qui a été présenté en Conseil des ministres. La présentation des deux autres textes devrait intervenir le 23 mai. L'ensemble de la réforme, qui entend construire une démocratie "plus représentative, responsable et efficace", devrait être adoptée "à l'horizon 2019", selon le Premier ministre.
Justice, des dispositions attendues
La suppression de la Cour de justice de la République
La Cour de justice de la République, créée en 1993 et chargée de juger les ministres dans l'exercice de leurs fonctions doit être supprimée au profit de la cour d'appel de Paris.
Les ministres, qui doivent "rendre compte de leurs actes lorsqu’ils constituent des infractions pénales" et être "jugés dans les mêmes conditions que tout citoyen" ne seront donc plus jugés par la Cour de justice de la République, "mais par une juridiction judiciaire : la cour d’appel de Paris", indique le dossier de présentation du projet de loi de révision constitutionnelle du ministère de la Justice.
Une commission exercera tout de même un "filtrage" pour "écarter les requêtes manifestement non fondées". Cette commission pourra être "saisie par le ministère public, la juridiction d'instruction ou la personne qui se prétend lésée".
Les magistrats du parquet nommés "sur l'avis conforme" du Conseil supérieur de la magistrature
Afin de conforter "l'indépendance de la Justice", les magistrats du parquet seront, comme c'est actuellement le cas pour les juges, nommés par l'exécutif "sur l'avis conforme" du Conseil supérieur de la magistrature (CMS), "et non plus sur avis simple". Le CSM est un organe indépendant, dont la composition ne sera pas modifiée.
- Plus de présence à vie au Conseil constitutionnel pour les anciens présidents
Disposition symbolique: les anciens présidents de la République ne pourront en outre plus être membres à vie du Conseil constitutionnel. La mesure ne s'appliquera cependant pas aux anciens présidents ayant siégé au cours de la dernière année, soit au seul Valéry Giscard d'Estaing qui pourra continuer à se rendre au Palais-Royal.
Fabrique de la loi: plus "d'efficacité"
Limitation des amendements
Au nom de "l'efficacité" du processus législatif, doivent être interdits dès leur dépôt les propositions et amendements hors du domaine de la loi, sans "lien direct avec le texte" ou sans "portée normative".
"Les amendements – gouvernementaux ou parlementaires – de nature réglementaire, non-normatifs ou sans lien avec le texte discuté – les "cavaliers législatifs" – seront déclarés systématiquement irrecevables, sans attendre que le Conseil constitutionnel les invalide finalement", indique encore le dossier.
Ainsi, le Parlement débattra "de manière plus approfondie" sur les amendements qui ont "une réelle portée" et la loi adoptée pourra être "de meilleure qualité", souligne encore le ministère de la Justice.
Des textes ou parties de texte pourront être adoptés dès l'examen en commission
Pour que le débat en séance publique puisse se concentrer sur les "questions les plus essentielles", certains textes choisis par les assemblées pourront être discutés, en tout ou partie, uniquement en commission. Ils seront ensuite simplement ratifiés en séance plénière. Et ce "conformément à l’esprit de la révision de 2008 qui a engagé ce mouvement et à une pratique développée au Sénat".
Réduire le nombre de discussions
Le travail législatif n'étant, selon le ministère, "plus adapté au rythme de nos démocraties", le projet propose de réduire le nombre de discussions, qui peuvent aujourd'hui "s'élever jusqu'à treize par texte". Après l’échec d’une commission mixte paritaire, le dernier mot pourra être donné, comme c'est aujourd’hui le cas, à l’Assemblée nationale.
Calendrier budgétaire accéléré
- Les délais d’examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale "seront resserrés à l’automne" puis le budget sera contrôlé dans le cadre d'un "printemps de l’évaluation".
Ordre du jour prioritaire
Les textes jugés urgents par le gouvernement en matière de "politique économique, sociale ou environnementale" seront inscrits prioritairement à l'ordre du jour.
Baisse du nombre de parlementaires pour saisir Conseil constitutionnel
En conséquence de la baisse du nombre de parlementaire, et "afin de préserver les droits de l'opposition", le seuil pour saisir le Conseil constitutionnel passera de soixante à quarante députés ou quarante sénateurs. Il en sera de même pour saisir la Cour de Justice de l’Union européenne.
Collectivités et Corse
- Un droit à la différenciation entre collectivités territoriales
Les collectivités territoriales pourront déroger aux lois fixant leurs compétences de manière pérenne et non plus seulement à titre expérimental.
Statut particulier de la collectivité de Corse
Un nouvel article 72-5 doit aussi entériner le statut particulier de la collectivité de Corse créée en 2015, ce qui est une des rares revendications nationalistes retenues par Emmanuel Macron. Lois et règlements pourront "comporter des règles adaptées aux spécificités liées à son insularité", sur décision de la collectivité mais dans des conditions strictes.
Ministres, CESE et climat
Interdiction cumul des mandats dans le temps
Le projet entend "clarifier" les conditions d'exercice des fonctions de ministre en interdisant leur cumul "avec les fonctions exécutives ou de président d'une assemblée délibérante". En somme, l'interdiction de cumuler les fonctions de ministre et président d'exécutif local doit être entérinée.
- Le Conseil économique, social et environnemental rebaptisé
Le Conseil économique, social et environnemental deviendra la "Chambre de la société civile" qui sera composée "de représentants de la société civile". Elle aura pour but "d'éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, en particulier à long terme". Cette chambre sera toujours le réceptacle des pétitions citoyennes et aura une mission de consultation du public.
Le parlement aura à se prononcer sur la lutte contre les changements climatiques
Dans le cadre d'une nécessité "d'ouverture de nos institutions aux citoyens et aux enjeux contemporains", le Parlement aura désormais à "se prononcer sur les textes permettant de lutter contre les changements climatiques".
D'autres mesures à venir
La réduction de 30% du nombre de parlementaires, la limitation du cumul à trois mandats identiques dans le temps et la dose de 15% de proportionnelle figurent dans les deux derniers blocs de la réforme (projets de loi organique et simple), qui devraient donc être présentés dans deux semaines.