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Les débuts très discrets de Christophe Béchu au ministère de la Transition écologique

Christophe Béchu, sur le perron de l'Elysée à Paris, le 1er juin 2022

Christophe Béchu, sur le perron de l'Elysée à Paris, le 1er juin 2022 - Geoffroy VAN DER HASSELT © 2019 AFP

Malgré un été marqué par des incendies monstres et la sécheresse, on a jusqu'ici peu vu Christophe Béchu, pourtant nommé ministre de la Transition écologique le 4 juillet dernier. Une discrétion qui renvoie l'écho des critiques sur le manque d'expérience en la matière de l'ex-maire d'Angers issu du centre droit, voire de son peu d'appétence pour la chose environnementale.

Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, se rend ce mardi dans l'Aude. Et le programme, dévoilé ici par L'Indépendant, est dense: il doit parler incendies, protection contre les inondations et érosion du littoral avec les pompiers, reboisement avec l'ONF, et il s'entretiendra avec les élus locaux. Le déplacement ne sera pas de trop. Car, depuis sa promotion à la Transition écologique le 4 juillet dernier en remplacement d'Amélie de Montchalin, défaite aux législatives, Christophe Béchu a surtout brillé par sa discrétion, malgré un été ravagé par des incendies gigantesques et une sécheresse préoccupante.

Un relatif retrait qui n'aide pas le secrétaire général d'Horizons à faire oublier les critiques, nées notamment à gauche, autour de son manque d'expérience supposé sur les questions environnementales - voire son manque d'intérêt pour celles-ci. Au-delà, ses positions et son parcours politique passés font de lui une cible privilégiée pour l'opposition.

Sans voix au chapitre

À peine nommé, déjà oublié? C'est un peu l'effet qu'on peut éprouver à entendre le secrétaire national d'Europe Écologie-Les Verts, Julien Bayou, sur notre antenne ce mardi, tancer un "gouvernement qui n'agit pas contre le réchauffement climatique", sans même s'attarder sur le cas Béchu.

L'exécutif a pourtant fait du tournant écologique sa priorité pour les cinq ans à venir. "Le quinquennat sera écologique ou ne sera pas", avait même promis Emmanuel Macron lors de l'entre-deux tours de la présidentielle, à Marseille le 16 avril. Les membres du gouvernement devront même se plier à un séminaire écologique le 31 août prochain.

Christophe Béchu devra s'y montrer assidu et attentif car pour l'heure, la politique écologique semble bien se décider un étage au-dessus de lui. Ou un "Château au-dessus de lui". Ainsi, Élisabeth Borne et Emmanuel Macron évoqueront - sans lui - les grands thèmes écologiques lors d'un dîner de travail à l'Élysée ce mardi soir. De surcroît, si le secrétariat d'État à la Planification écologique, nouvellement créé, s'apprête à embaucher une quinzaine de collaborateurs, Christophe Béchu ne risque pas de s'enorgueillir de l'initiative: ce secrétariat d'État est placé directement sous l'autorité de la Première ministre.

"C'est à elle de porter le message", a même estimé un député de la majorité, cité par France Inter dans son journal de 6h ce mardi, tandis qu'un conseiller de l'exécutif condamnait auprès de la radio: "De toutes façons, Christophe Béchu est transparent pour l'instant".

Trop grande discrétion

L'actualité lui a pourtant offert nombre d'occasions - malheureuses - de s'imposer ces dernières semaines. Sécheresse et incendies monstres, notamment en Gironde, ont en effet accablé l'été de l'Hexagone. Or, il a fallu attendre le 21 juillet pour que le ministre intervienne dans les médias sur la question, au micro de RTL, au lendemain du déplacement du président de la République en Aquitaine et une semaine après celui du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Un délai assumé par Christophe Béchu, vantant les mérites de la temporisation.

"Je ne crois pas à la précipitation ou à l'agitation, je crois à la concertation. Le ministère de la Transition écologique est celui de la prévention, pas celui qui éteint les incendies quand ils ont commencé".

"Ça, c'est le travail des sapeurs pompiers (...) ce n'est pas la présence du ministre à côté des sapeurs-pompiers qui modifie le drame qu'on est en train de vivre", a-t-il complété, filant une réflexion qui n'avait donc pas tout pour plaire à ses collègues de l'exécutif.

Interviewé ce mardi en duplex depuis l'Aude par notre journaliste Bruce Toussaint ce mardi, il a toutefois fait valoir: " C'est mon quatrième déplacement depuis le mois d'août - ou sur des incendies, des épisodes de sécheresse ou comme aujourd'hui en anticipation pour rappeler aux habitants du territoire les risques des orages". 

Christophe Béchu est par ailleurs sorti à plusieurs reprises de sa réserve lors de ce mois d'août. Pour faire part de considérations consensuelles. Le 1er août, il a ainsi brocardé sur BFMTV "le mois de juillet le plus sec depuis juillet 1959". Le même jour, sur franceinfo, il déclarait: "Il n'est tombé que 7,8 mm d'eau. On a un déficit de précipitations de 88% par rapport à ce qui aurait été nécessaire. (...) Cet épisode montre qu'il faut une prise de conscience, la mobilisation, la mise en œuvre des décisions déjà prises."

Les attaques écologistes

C'est sans doute trop peu pour incarner le combat climatique. Et c'est en tout cas insuffisant pour désamorcer les critiques de ses détracteurs, au premier rang desquels on note la députée élue à Paris, Sandrine Rousseau. Dans la foulée de sa nomination le 4 juillet, celle-ci a tweeté:

"Une chose est déjà certaine: jamais je n'ai croisé Christophe Béchu sur la moindre lutte écologiste".

Une manière de pointer le manque de connaissance ou de goût du ministre pour "sa" transition écologique. Le 3 août dernier, la parlementaire écologiste a encore durci le trait sur France Inter, suggérant même une forme d'incompétence chez Christophe Béchu.

"Il répond à côté de la plaque à chaque fois qu'on lui pose une question. Il n'a absolument pas compris la question écologique".

"Quand on sort de méga-feux historiques qui ont détruit l'Aquitaine, il nous dit qu'on va mettre 300.000 euros de plus et qu'on va faire une météo des forêts. J'en souris tellement c'est ridicule. On a l'impression d'avoir un lapin pris dans les phares d'une voiture", a-t-elle enchaîné.

Un CV controversé

Pire: pour la gauche et les militants écologistes, la ligne représentée par Christophe Béchu n'est pas seulement dérisoire, elle serait contreproductive. Sondant le fond de l'air à Angers en juillet, ville dont il fut le maire et dont il est encore le premier adjoint, Libération a relevé que son action municipale lui avait valu le surnom peu enviable de "bétonnière du 49" (le Maine-et-Loire) parmi ses opposants.

On ne s'est d'ailleurs pas privé d'exhumer des déclarations jugées sulfureuses. "Je ne suis pas un grand fan de l’éolien. Il y a le coût du démantèlement, l’impact visuel", énumérait-il en 2019 auprès de Ouest France. Problématique, dans la mesure où Emmanuel Macron a fixé à l'agenda de rentrée de son gouvernement l'établissement d'un projet de loi "d’accélération des énergies renouvelables", au sein duquel doit figurer un raccourcissement des délais d'installation des parcs éoliens.

Clément Sénéchal, chargé de campagne de Greenpeace, s'est également ému, à nouveau dans les colonnes de Libération, de "son opposition" passée "à l’interdiction des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles quand il était sénateur". Enfin, lors de sa prise de parole du 1er août sur franceinfo, Christophe Béchu a encore rappelé son attachement au nucléaire, pomme de discorde avec les écologistes.

"L'énergie nucléaire c'est l'énergie qui émet le moins de gaz à effet de serre et donc celle qui limite le plus le réchauffement climatique."

Marqué par son opposition au "Mariage pour tous"

Les remontrances de la gauche ne se limitent pas au seul champ écologique. Son vote contre le Mariage pour tous en 2013, ainsi que la tribune signée à la même époque dans Valeurs actuelles contre ce qu'il qualifiait de "dénaturation du mariage" a du mal à passer, comme sa décision, en 2016, de retirer des rues d'Angers des affiches de prévention contre le Sida montrant des couples homosexuels.

Devant le feu nourri de l'opposition à ce propos, Christophe Béchu a cependant tenu à se défendre. "Dire que tous ceux qui ont voté contre le mariage pour tous étaient homophobes, c'est faire un raccourci", a-t-il d'abord pointé sur notre chaîne le 4 août, ajoutant: "J’ai eu l’occasion de dire non seulement combien j’avais évolué sur ces sujets".

Christophe Béchu a encore avancé: "Et je peux vous dire que j'ai éprouvé des moments de grâce et d'émotion dans les mariages entre personnes de même sexe que j'ai eu l'occasion à titre personnel de célébrer".

Des "moments de grâce" peut-être mais à l'évidence, Christophe Béchu n'a pu jouir d'aucun état de grâce depuis son arrivée au ministère de la Transition écologique.

Robin Verner
Robin Verner Journaliste BFMTV