Un "chemin de victoire" ou une "forme d'hypocrisie"? La gauche étale ses divisions sur la possibilité d'une union à la présidentielle

Marine Tondelier, Alexis Corbière, Manuel Bompard et Raphaël Glucksmann ont rappelé leurs positions sur l'union de la gauche avant l'ouverture des universités d'été - JOEL SAGET/GUILLAUME BAPTISTE/MAGALI COHEN/ AFP - Hans Lucas
La question n'est pas nouvelle, mais la gauche la ressort du placard avant sa rentrée poltique, qui commence ce jeudi 21 août avec les universités d'été de La France insoumise et des Écologistes: faut-il une candidature d'union, voire un seul et même champion, pour l'élection présidentielle de 2027?
Les partisans du "oui", comme ceux du "non" ont eu l'occasion de rappeler leurs positions ces dernières heures à travers différents médias.
"Ne pas reproduire en permanence des scénarios qui ont perdu"
Marine Tondelier fait partie du premier camp. À l'occasion d'une interview pour Libération, la secrétaire nationale des Écologistes défend à nouveau la nécessité d'une candidature unique de la gauche.
Rappelant que l'alliance du Nouveau Front populaire est née aux dernières élections législatives face à la montée en puissance de l'extrême droite, elle interroge: "Qui peut sincèrement penser que nous aurions, en 2025, 2026 et 2027 davantage le luxe de la division qu'en 2024?"
Alexis Corbière est sur la même ligne. Exclu de La France insoumise lors des élections législatives de 2024 comme d'autres figures du mouvement (François Ruffin, Raquel Garrido, Daniele Simonnet, Clémentine Autain...), le député de Seine-Saint-Denis s'échine depuis à plaider pour l'union, voyant là "un chemin de victoire".
"Il ne faut pas reproduire en permanence des scénarios qui ont perdu lors des élections antérieures", avertit cet ancien très proche de Jean-Luc Mélenchon dans une interview mise en ligne jeudi soir par Le Figaro. Avant de mettre en garde ceux qui serait tentés par une échappé en solitaire:
"La compétition pour savoir qui aura la plus belle tombe du cimetière politique de la gauche est dérisoire."
Olivier Faure aux côtés de Marine Tondelier ce jeudi
Marine Tondelier comme Alexis Corbière auront l'occasion de renouveler leur message très prochainement.
La première organise avec Les Écologistes ce jeudi à Strarsbourg une "plénière politique" aux côtés notamment d'Olivier Faure. Le premier secrétaire du PS est lui aussi partisan d'une union mais sans LFI, contrairement à Marine Tondelier ou les "purgés" du mouvement de Jean-Luc Mélenchon qui veulent une ouverture la plus large possible.
Alexis Corbière et les ex-insoumis se réuniront à Châteaudun (Eure-et-Loir) samedi 30 août, en présence également de membres du parti Génération.s, dont son fondateur Benoît Hamon, et de Lucie Castets, candidate de la gauche pour Matignon en 2024.
À l'invitation de cette dernière, tous les élus cités ici, dont notamment Marine Tondelier et Olivier Faure, s'étaient rendus à Bagneux (Hauts-de-Seine) le 2 juillet pour faire le "serment" d'avoir un "candidat commun".
"Qui n'est pas candidat chez ceux qui veulent une candidature unique?"
Leurs principaux contradicteurs sont connus. D'ailleurs, Marine Tondelier ne s'est pas privée pour les citer dans son interview à Libération: "Raphaël Glucksmann et Jean-Luc Mélenchon". Réticents à l'idée d'une primaire à l'inverse des unitaires, le co-responsable de Place publique et le leader de La France insoumise ont une position qui "sera de plus en plus difficile à tenir", d'après la patronne des Écologistes.
"Je ne comprends pas comment, avec la conviction antifasciste qu’ils ont l’un et l’autre chevillée au corps et savent déclamer avec beaucoup d’emphase, ils peuvent assumer de se présenter coûte que coûte alors que le risque de voir la France basculer à l’extrême droite est si fort", déplore-t-elle.
La pique n'est pas passée inaperçue. Le député Paul Vannier, qui est également co-responsable du pôle élections à LFI, s'est chargé de répondre sans prendre aucune pincette. Considérant que Marine Tondelier se déclare comme candidate au cours de cet entretien - elle dit que Les Écologistes "présenteront une candidature forte à cette primaire" - l'insoumis questionne sur le réseau social X:
"Mais qui n’est pas candidat chez ceux qui veulent une candidature unique? Qui croit que le PS se rangera derrière les Verts? Combien de temps durera ce bal masqué?"
S'ensuit un échange avec le sénateur écologiste Thomas Dossus. "Qui croit que la division permanente conduira à la victoire?", lui demande-t-il. "Redoutable question", répond inoriquement l'intéressé, partageant un article de BFMTV, datant de décembre 2022, où Marine Tondelier s'agaçait des "forceurs" poussant pour une liste commune de la gauche aux élections européennes de 2024.
À savoir... Les insoumis, moins en réussite d'ordinaire que leurs partenaires écologistes pour le scrutin européen, même s'ils ont inversé cette tendance en 2024, glanant près de 10% des suffrages là où la liste verte a atteint un peu plus de 5% des voix.
"Des propositions politiques très différentes"
Sur le fond, le coordinateur insoumis Manuel Bompard a appelé ce jeudi sur RTL à être "franc" et à "mettre un terme" à une "forme d'hypocrisie". Celle-ci "consisterait à faire croire qu’il serait possible d’avoir une candidature unique entre différentes formations politiques qui parfois portent des propositions politiques très différentes", d'après le député des Bouches-du-Rhône.
Et de préciser: "Je ne parle pas spécialement de Marine Tondelier avec qui nous avons porté des candidatures communes aux dernières élections législatives. Mais j’ai lu par exemple une interview de Raphaël Glucksmann qui défend des positions politiques qui ne sont pas celles de La France insoumise."
L'eurodéputé, qui s'est à nouveau allié au Parti socialiste lors des dernières européennes et a terminé en tête de la gauche, pose depuis quelque temps les premiers jalons d'une candidature à l'Élysée. Concernant la possibilité d'une union, il prône les mêmes arguments que LFI. Une fois n'est pas coutume tant lui et les insoumis se sont surtout illustrés par leur hostilité mutuelle.
"Je ne veux faire semblant de rien"
"On sait tous qu’il y aura deux offres politiques en 2027 qui ne sont pas solubles l’une dans l’autre", affirme-t-il ce mercedi dans un entretien pour Mediapart. "Nous n’avons pas la même vision de la France, de l’Europe, du monde, et que nos approches de la démocratie comme du débat public sont opposées."
De même que LFI, Raphaël Glucksmann met en cause la sincérité de la démarche des unitaires: "Inviter les insoumis à des réunions tout en espérant qu’ils ne viendront pas, pour leur faire porter le chapeau de la désunion, ça ne m’intéresse pas. Je ne veux faire semblant de rien et tout assumer", lâche-t-il, ajoutant encore:
"De mon côté, je ne jouerai pas à Lénine dans l’opposition pour faire du social-libéralisme une fois au pouvoir. Je veux que chaque mot prononcé nous engage."
À ses yeux, cette démarche n'affaiblira pas la gauche: "La seule manière d’élargir le spectre électoral de la gauche est d’avoir deux candidatures, reflétant des différences de fond assumées", dit-il, se référant à la victoire de François Mitterrand en 1981.
Une sortie qui a le mérite d'être claire. Et qui en dit long sur le travail qui attend les défenseurs d'un large rassemblement. Cela tombe bien: à gauche, les vacances sont terminés. Place aux universités d'été.