"La Corse a ressenti pendant 25 ans une forme de mépris": François Rebsamen défend le projet de loi sur l'autonomie de l'île de Beauté

François Rebsamen, à Dijon, le 28 mars 2022. - Ludovic MARIN / AFP
Le ministre passe en force. En première ligne pour faire passer le projet de loi constitutionnelle sur l'autonomie de la Corse, le ministre de l'Aménagement du territoire, François Rebsamen continue de défendre le texte dans un entretien donné à la Tribune Dimanche et à Corse-Matin ce dimanche 3 août.
"Ce texte leur dessine aussi une voie hors de la violence et redonne de l'espoir à une jeunesse qui en a besoin, dans la région la plus pauvre de France métropolitaine", a-t-il déclaré.
Pourtant, l'avenir du texte aurait pu paraître fragilisé par le dernier avis du Conseil d'État qui souhaite retirer plusieurs points majeurs de ce projet de loi, comme la notion de "communauté" accordée à l'île de Beauté ou encore le pouvoir législatif autonome à la collectivité Corse. Interrogé sur ce sujet, le ministre choisit de garder son cap.
"Ce projet de loi a été validé en Conseil des ministres. C'est en soi une victoire puisqu'il permet à la Corse d'entrer dans la Constitution française et consacre les spécificités de la 'communauté' corse en raison de ses caractéristiques historiques, culturelles et linguistiques, ainsi que son "lien singulier à sa terre", a-t-il assuré à nos confrères.
"Aucune autre collectivité n'a droit aux mêmes qualificatifs. C'est une forme de reconnaissance que les Corses espéraient depuis longtemps".
"On n'aura pas de nouvelle occasion historique comme celle-ci"
Si le texte est voté, il donnera à la Corse un pouvoir législatif autonome. Un aspect du texte qui irrite une partie de la droite française et qui a été retoqué par le Conseil d'État. Sur cet aspect aussi, le ministre assume son texte.
"Je suis d'abord convaincu qu'on n'aura pas de nouvelle occasion historique comme celle-ci. Ensuite, si on en est là aujourd'hui, c'est parce que la collectivité de Corse a ressenti, pendant vingt-cinq ans, une forme de mépris de la part des gouvernements français successifs, qui n'ont répondu à aucune de ses 97 demandes d'adaptation. Cela a de quoi exaspérer", assène-t-il.
La notion de communauté portée par ce projet de loi est particulièrement critiquée par les opposants du texte. Ils reprochent au ministre d'ouvrir une brèche pour d'autres mouvements autonomistes dans la République. Interrogé sur ces critiques, François Rebsamen, qui avait fait un lapsus mercredi en qualifiant la Corse de "pays", se justifie en se basant sur les caractéristiques de la Corse.
"Hormis nos territoires ultramarins, aucune région française n'a les particularités de la Corse. Il s'agit d'une île située en Méditerranée à 280 kilomètres de Marseille et à 80 kilomètres de Gênes", déclare-t-il.
"La spécificité insulaire a des incidences importantes : par exemple, les résidences, en Corse, ne posent pas les mêmes problèmes que dans d'autres lieux très touristiques du territoire national", précise-t-il.
"L'avenir qu'on propose est plus serein"
Ce projet de révision constitutionnelle a été lancé en 2022 par Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, et ce, à la demande d'Emmanuel Macron, pour mettre un terme aux violences sur l'île provoquées par la mort en prison du militant indépendantiste Yvan Colonna.
Pour être adoptée, cette réforme constitutionnelle devra être votée dans les mêmes termes par l'Assemblée nationale et le Sénat, puis, lors de leur réunion en Congrès, à la majorité des trois cinquièmes.
"Ne l'oublions pas, ce sera aux parlementaires de préparer la loi organique fixant l'étendue de l'autonomie. Les élus corses devront accepter ces débats", souligne le ministre
Mais au vu de la situation parlementaire de la majorité, il n'est pas certain que le texte soit voté, surtout depuis l'avis du Conseil d'État qui a notamment convaincu les élus de droite.
Interrogé sur cette incertitude de sortir des chambres du Parlement, l'ancien membre du Parti socialiste reste confiant. "Il faut aller rencontrer les parlementaires et leur dire 'n'ayez pas peur'. L'avenir qu'on propose est plus serein. Il ne résoudra pas tous les problèmes d'un coup de baguette magique, mais il donne un espoir à la Corse", a-t-il assuré.
"Je serai au banc à l'Assemblée nationale et au Sénat pendant l'examen du texte pour le défendre, mais au-delà, ce sera aux élus corses de se mobiliser pour emporter l'adhésion des parlementaires", ajoute-t-il en n'oubliant pas que l'avis du Conseil d'Etat n'est que consultatif.
Des oppositions dans le gouvernement
Une confiance qui n'est pas partagée par son collègue du gouvernement Bruno Retailleau. Pour le ministre de l'Intérieur, ce texte ne pourra pas être voté et le résident de la place Beauvau s'oppose même à la version originelle du texte et sa notion de communauté.
"Il a son intime conviction et pense que ce texte ne sera pas voté. Je crois à l'inverse et je ne désespère pas de le convaincre du bien-fondé de ma démarche", assure François Rebsamen.
Selon le ministre de l'Aménagement du territoire, le texte devrait connaître un premier examen au Sénat fin octobre. Ensuite, il y devrait avoir un créneau à l'Assemblée nationale début décembre, mais tout cela doit être validé par les présidents des groupes parlementaires.
"L'idée serait d'avoir un texte adopté dans les mêmes termes mi-décembre et, preuve de notre optimisme, le président de la République a proposé un examen au Congrès après les élections municipales de mars prochain", conclut François Rebsamen.