"Il joue à un jeu très dangereux": Gérald Darmanin crispe au sein de la majorité
Entre ses interventions destinées à soutenir les policiers et ses prises de position tonitruantes sur l'actualité, Gérald Darmanin ne quitte que rarement l'attention des caméras et de la classe politique. Jusqu'ici, le ministre de l'Intérieur était appuyé par les siens, considéré comme un maillon essentiel du gouvernement dont il est censé incarner la fermeté régalienne.
Mais le vent tourne ce mardi. Son intention de déposer plainte contre la cheffe de file du Parti socialiste pour les régionales d'Île-de-France, Audrey Pulvar, dont il a estimé qu'elle avait calomnié la police, a paru intempestive à son propre camp. Si la menace judiciaire qu'il faisait peser sur l'ex-journaliste est désormais caduque et bien que le deux personnages doivent se rencontrer pour échanger, les oreilles de Gérald Darmanin n'en finissent plus de siffler.
Députés, élus, membres de l'exécutif se relaient pour dire - souvent sous couvert d'anonymat cependant - tout le mal qu'ils pensent de la frénésie de l'homme de la place Beauvau. Ils craignent que cette dernière initiative, considérée comme particulièrement importune, se retournent contre la majorité.
Darmanin accuse Pulvar de "diffamer la police"
Au départ, il y a l'émotion d'Audrey Pulvar samedi, après la manifestation des syndicats policiers, appuyée par l'extrême droite, la droite et une partie de la gauche. "La colère des policiers est légitime, mais qu’elle s’exprime de cette façon, en marchant sur l’Assemblée nationale, je trouve ça extrêmement inquiétant, c’est une image qui était assez glaçante", déclare-t-elle alors.
L'acte II s'est joué dimanche quand, à la surprise de tous, Gérald Darmanin a vu dans cette déclaration matière à porter plainte au nom de son ministère. "Les propos de Madame Pulvar (...) viennent profondément diffamer la police de la République. Je porte plainte au nom du ministère de l’Interieur", a-t-il écrit sur Twitter, sans que celle-ci n'ait été déposée.
Audrey Pulvar a tout de même contre-attaqué en déposant plainte contre lui pour "dénonciation calomnieuse" et "diffamation". Ce à quoi Gérald Darmanin a lui décidé de réagir par la désescalade, en signalant sur Twitter qu'il renonçait à lancer une procédure. "J'ai entendu, ce matin, les propos de madame Audrey Pulvar sur LCI explicitant clairement que, pour elle, la police n'était pas raciste", a-t-il reconnu.
L'incendie couve toujours
Gérald Darmanin faisait ici référence à la présence de l'ancienne présentatrice dans une manifestation contre les violences policières en 2020, lors de laquelle elle avait évoqué l'existence d'un racisme au sein des forces de l'ordre. Le ministre a terminé son message en proposant une rencontre à son interlocutrice.
Au cours d'une conférence de presse tenue ce mardi, la candidate aux régionales a finalement "saisi la main tendue" et accepté la rencontre avec le ministre. "Je suis contente que le ministre ait entendu mon propos ce matin dans son intégralité, qui était le même propos que j’ai toujours tenu", a-t-elle observé, rappelant qu'elle ne considérait "pas que toute la police nationale soit violente ou raciste". Mais la mise au point n'a pas tout à fait éteint l'incendie: Audrey Pulvar a ainsi indiqué que le retrait de sa plainte n'était pas encore à l'ordre du jour.
Un "ras-le-bol" qui monte
Cette séquence a en tout cas eu le don d'énerver LaREM et ses alliés, passablement remontés contre le ministre comme le montrent les piques glissées auprès de BFMTV. "Darmanin joue au cow-boy. Il n'a jamais de limites, il ne les trouve que lorsqu’il se brûle les ailes, comme sur l'article 24", regrette un premier député, qui n'a visiblement pas digéré les controverses qui ont bouillonné autour du projet de loi "Sécurité globale". "Sa plainte est une faute", tranche un second.
"J'en ai franchement un peu ras le bol de ce genre de polémiques. Notre devoir dans la période n'est pas d'ajouter du brouhaha et de de la confusion, mais de défendre les institutions et de rassembler les Français", avertit un troisième, tandis qu'un autre élu défend a minima le 'premier flic de France': 'Il défend ses ouailles'".
L'avis de Patrick Vignal, député élu dans l'Hérault, face à nos caméras cette fois, est au diapason: "Je n'aurais pas porté plainte", affirme-t-il. Gérald Darmanin fait le job mais on a autre chose à faire en ce moment que de porter plainte contre des Pulvar". "Stop aux polémiques stériles qui n'apportent rien au débat", exhorte de son côté Olivier Becht, député MoDem élu dans le Haut-Rhin.
Ambiance au conseil des ministres
Une des figures de la majorité présidentielle a aussi rebondi à l'antenne de RMC: "Darmanin va sortir totalement discrédité de cette séquence". "La conséquence politique, c'est qu'il a réussi à réconcilier toute la gauche, et pour ça, je dis chapeau l'artiste", a grincé le même personnage.
Mais les dommages subis par Gérald Darmanin ne sont pas circonscrits au palais Bourbon. "Il joue à un jeu très dangereux", déplore encore un cadre du mouvement du président de la République. "Je trouve qu'il devient irresponsable", souffle même un ministre, glacial.
Un net refroidissement propre à geler les relations entre Emmanuel Macron et on ministre de l'Intérieur? Gérald Darmanin élargit considérablement l'audience à droite du chef de l'Etat et en retour, celui-ci le choie autant qu'il s'en méfie. L'épisode en cours et les remontrances de la majorité auront au moins rappelé au transfuge des Républicains qu'il n'est jamais qu'une pièce rapportée de la Macronie.