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Politique

Hollande ressemble plus à Sarkozy qu’il ne l’avait fait croire…

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Depuis la guerre au Mali, beaucoup d’analystes expliquent que le cours de la présidence de François Hollande s’est modifié.

Tout le monde y a pensé en voyant les images de son triomphe à Bamako : François Hollande rejouait le coup de Nicolas Sarkozy à Benghazi – liberté pour les Maliens, fierté pour les Français. Il y a eu aussi l’évocation de cette « journée la plus importante de [sa] vie politique ». C’était si déplacé que ça rappelait le Sarkozy des mauvais jours : celui qui ramenait tout à lui, qui cherchait toujours à mettre l’actualité à son service. Eh bien si quelque chose a changé dans la façon qu’a François Hollande d’exercer le pouvoir, c’est cela : il y a maintenant chez lui une volonté de se mettre en scène. C’est ce que Nicolas Sarkozy appelait : « faire président ». Ce qui ne veut pas dire : être président…

François Hollande chercherait-il, comme son prédécesseur, à gouverner par l’image ?

C’est de plus en plus évident. A la différence de Nicolas Sarkozy, François Hollande ne revendique pas son appartenance à la génération de la télé et du marketing politique – alors qu’il a fait HEC et qu’il est tout aussi obsédé par son image. De ce point de vue, l’arrivée de Claude Sérillon à l’Elysée a forcément du sens : ce n’est ni un vieux camarade du PS ni un économiste mais un présentateur du 20h – il sait comment se compose l’agenda médiatique. Qu’aurait-on dit si Sarkozy avait appelé à ses côtés un PPDA ? Beaucoup y auraient vu la confirmation que notre monarchie présidentielle est une monocratie télévisuelle. C’est aussi le cas sous François Hollande. Le pouvoir se scénarise autant qu’il s’exerce – sinon plus.

Avez-vous relevé des indices de cette scénarisation dans le discours de François Hollande mardi au Parlement européen ?

La séquence entière relève de la mise en scène. Les conseillers de l’Elysée expliquaient la veille aux journalistes que le Président, après son succès au Mali, « interviendrait sur la scène européenne en position de force » (c’était écrit dans Le Monde !). Après le discours, ils ont inspiré les exégèses les plus favorables, comme le faisaient les sarkozistes. Et ça marche : les Français ont cru voir François Hollande faire la leçon aux Européens, se poser en leader… En réalité, il s’est arrêté (comme souvent) au constat et aux belles intentions. Et à une critique de l’austérité qui jure avec la politique qu’il défend en France. Mais comme Niccolas Sarkozy, il n’est pas à une contradiction près.

C’est un calcul risqué : si jeudi, le budget européen n’est pas voté, est-ce que ce ne sera pas interprété comme un échec personnel pour François Hollande ?

En partie – mais il joue la carte habituelle (et cynique) qui consiste à réclamer plus d’Europe à Strasbourg et à flatter le sentiment anti-européen à Paris : si la croissance ne revient pas, c’est la faute à l’euro fort et à la faiblesse de l’Europe. Alors qu’entre les lignes, sa critique de l’austérité semble bien annoncer que la France ne tiendra pas l’objectif des 3% de déficit, ce qui ne peut qu’aggraver la défiance des Allemands. On est loin du champion de la synthèse – et sur la scène intérieure encore plus, avec les débats sur le mariage, le vote des étrangers, les salles de shoot : quoi qu’on pense de ces projets, ils divisent l’opinion – sous Nicolas Sarkozy, on parlait de sujets « clivants ». A part cela, ses proches ont toujours l’air ravi – et lui encore plus. Ce qui rappelle un autre trait essentiel du pouvoir sarkoziste : l’autosatisfaction.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mardi 5 février.

Hervé Gattegno