Hollande confond moralisation et personnalisation

Hervé Gattegno - -
Il est clair que François Hollande a choisi de répondre à la crise de l’affaire Cahuzac par la dramatisation. A la fois en engageant cette opération de transparence discutable et se mettant en scène en chef de guerre – comme au Mali mais cette fois contre la corruption. Son annonce à la TV était écrite à la 1ère personne, pour surjouer l’autorité mais avec des excès : quand il lance « je serai implacable » ou « j’établirai une liste des paradis fiscaux » c’est un curieux signal pour l’indépendance de la justice et la neutralité de l’administration. Si c’est un abus de langage, c’est déplacé. Si c’est un abus de pouvoir, c’est pire. La bonne réponse à l’affaire Cahuzac c’est la réaffirmation des principes et la mobilisation des moyens – sûrement pas l’hyper-présidentialisme…
J'espérais des mesures significatives pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale et la corruption
Les mesures ne sont toujours pas suffisantes. Après les mesurettes de la semaine dernière, voilà des mesures moyennes… sans moyens. L’autorité pour contrôler les élus existe déjà ; au lieu d’en créer une autre, il faut lui donner des moyens de contrôle et des pouvoirs de sanction. Recenser les filiales des banques dans les paradis fiscaux va dans le bon sens, mais c’est une promesse déjà formulée… et qui tarde à être tenue. Quant au parquet financier centralisé, ça fera un échelon de plus mais ce qui manque à la justice, ce ne sont pas des structures mais – là encore – des ressources, des hommes, du matériel. Sans les moyens, le « choc de moralisation » n’ira pas loin.
Je doute de la volonté de François Hollande d’apporter de vraies réponses à cette crise
Il est face à une double difficulté : financière et politique. La période n’est pas propice à des efforts budgétaires pour lutter contre la corruption autrement que par des lois – c’est ce qui coûte le moins cher. On parle de « crise de régime » mais nous sommes en régime de crise… Et puis dans notre système, les grandes indignations et les catharsis nationales ne sont pas toujours suivies d’effets. Rappelez-vous Outreau : la faute d’un homme (le juge), les défaillances d’un système, l’institution vouée aux gémonies, de grands discours, des commissions, des serments… Beaucoup de ressemblances avec l’affaire Cahuzac. Et à l’arrivée, quoi ? Rien.
Ça n’a peut-être aucun rapport mais il y deux procès impliquant des socialistes dans lesquels François Hollande pourrait être cité comme témoin. Il n’avait sûrement pas besoin de ça en ce moment
D’ailleurs, la ficelle est énorme. Dans ces deux affaires de malversations (qui visent l’ex-maire d’Hénin-Beaumont et l’ancien ministre René Teulade) les faits sont bien antérieurs à son élection. S’il y avait besoin d’entendre François Hollande, il fallait le faire avant. C’est un moyen de défense dilatoire mais qui a au moins une vertu pédagogique: il montre l’utilité de l’immunité présidentielle. F. Hollande avait promis de la supprimer, il y a renoncé. Ça prouve que même au nom de la moralisation, il ne faut pas promettre n’importe quoi. Et aussi qu’il y des promesses qu’il est raisonnable de ne pas tenir.
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 11 avril.