Violences sexistes et sexuelles: un projet de loi sous le feu des critiques

Marlène Schiappa à l'Assemblée nationale le 10 octobre 2017. - Bertrand GUAY / AFP
C'est le premier texte majeur défendu par Marlène Schiappa dans l'hémicycle. Le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles sera discuté dès ce lundi à l'Assemblée nationale. Pour la secrétaire d'Etat à l'égalité femmes-hommes, il est une réponse forte à ces violences, une "avancée fondamentale" et la traduction d'engagements pris par Emmanuel Macron pendant la campagne. Après des mois d'annonces, plusieurs rapports et des débats agités en commission, tous ses articles ne font cependant pas l'unanimité.
Comme l'avait promis le candidat Macron, le premier article prévoit d'allonger le délai de prescription dans le cas de crimes sexuels sur mineurs. Il est porté à 30 ans après la majorité de la victime, contre 20 actuellement. Cette partie du texte, pour laquelle 270 amendements doivent être examinés d'ici mardi en première lecture, fait relativement consensus. Certains élus, dont des parlementaires LaREM et LR, entendent toutefois plaider pour une imprescriptibilité complète ou, côté LR et Insoumis notamment, comme Clémentine Autain, pour étendre la mesure aux majeurs.
L'article 2 au coeur d'une polémique
Le texte crée également un "outrage sexiste" pour pénaliser le harcèlement de rue, passible d'une amende immédiate de 90 euros minimum. Il prévoit aussi des mesures pour pénaliser davantage le cyberharcèlement, et notamment les phénomènes de "raids numériques", quand plusieurs internautes se concertent pour harceler massivement en ligne une même personne. Mais c'est l'article 2, sur "la répression des infractions sexuelles sur les mineurs" qui est le plus contesté, concentrant le plus grand nombre d'amendements.
Très attendu par les associations après deux récentes affaires où des fillettes de 11 ans avaient été considérées par la justice comme consentantes à des rapports sexuels avec des hommes majeurs, l'article a été réécrit pour éviter d'être jugé inconstitutionnel tout en conservant la "philosophie" initiale, selon le gouvernement.
La crainte de la correctionnalisation des viols
Loin de fixer un âge de consentement sexuel à 15 ans, évoqué pendant plusieurs mois, il prévoit que "lorsque les faits sont commis sur un mineur de (moins de) quinze ans", les notions de contrainte et surprise, constitutives d'un viol, soient "caractérisées", "la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes". Il double aussi, à 10 ans d'emprisonnement, la peine pour le délit d'atteinte sexuelle "avec pénétration", pour les cas où le viol, crime passible de 20 ans de réclusion, ne pourrait être établi.
Les associations de protection de l'enfance y voient "une marche arrière". Et près de 250 personnes, dont l'ex-ministre Yvette Roudy ou l'actrice Karin Viard, ont demandé lundi dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron de "retirer" cet article. Les signataires, qui ont notamment obtenu le soutien de Benoît Hamon, estiment qu'il ouvre "la porte à une correctionnalisation massive des viols de mineurs".
"En créant un nouveau délit, celui d’'atteinte sexuelle sur mineur par pénétration”, puni de dix ans de prison, la loi facilitera le renvoi vers le tribunal correctionnel des affaires de viols sur mineur, affaires dans lesquelles on estime souvent que la contrainte ou la surprise seraient difficiles à établir", estiment les signataires.
Plus de 30.000 signatures
La pétition accompagnant ce texte a recueilli à ce stade plus de 30.000 signatures.
Sophie Auconie (UDI-Agir-Indépendants), qui avait dénoncé un "recul" en commission, entend également faire reconnaître que toute pénétration sexuelle d'un adulte sur un enfant de moins de 13 ans est un viol, les élus Nouvelle Gauche portant un amendement similaire. Le Haut Conseil à l'Egalité hommes-femmes, qui appelle à revoir cet article, défend la même ligne.
Rassemblement mardi
Des élus LR défendront également des amendements pour créer une "présomption irréfragable d'absence de consentement pour les mineurs de quinze ans", comme ce qui avait été évoqué pendant la genèse du projet de loi. Nathalie Elimas (MoDem), ancienne juriste, défendra notamment avec d'autres élus de son groupe un amendement pour que tout acte sexuel soit considéré comme imposé par l'adulte en deçà de 13 ans, et que la contrainte soit présumée entre 13 et 15 ans. L'association internationale des victimes de l'inceste (AIVI) a par ailleurs appelé à un rassemblement mardi, à 10 heures, devant l'Assemblée.