Entre aides aux boulangers et sobriété avec l'argent public, l'exécutif hésite

Emmanuel Macron à l'Élysée le 5 janvier 2022 pour la galette des rois - Yoan VALAT / POOL / AFP
Souffler le chaud et le froid. Si le gouvernement sort le carnet de chèques pour soutenir les boulangers en difficulté, Emmanuel Macron a appelé ses ministres à lever le pied sur les annonces de nouvelles dépenses publiques.
Le message s'est voulu très clair ce mercredi matin pour le premier Conseil des ministres de l'année, après avoir exhorté à ne "pas céder aux professionnels de la peur".
Consigne de sobriété
"J’avais parlé de fin de l’abondance sur les ressources naturelles, c’est aussi le cas sur les ressources budgétaires", a avancé le chef de l'État, selon des confidences de participants à BFMTV.
"Il y a quelques jours, la France a emprunté au-dessus de 3%, ce qui n’était pas arrivé depuis des années", a encore indiqué le chef de l'État.
Un message de sobriété éloigné de la politique choisi par Bercy ces dernières semaines. Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie multiplie ainsi les dispositifs à destination des petites et moyennes entreprises, pour certaines exsangues après l'explosion des factures d'électricité.
Multiplication des dispositifs de soutien
Du bouclier tarifaire au guichet d'aide en passant par l'étalement des impôts et des cotisations sociales pour les boulangers annoncée par la Première ministre, le gouvernement met le paquet pour permettre aux artisans de passer l'explosion des factures d'électricité sans mettre la clef sous la porte.
Dans un contexte social dégradé entre inflation durable, explosion des prix de l'énergie et fin de la ristourne à la pompe, le gouvernement veut à la fois éviter des dépôts de bilan et de grandes mobilisations sociales, à quelques jours de l'annonce d'une réforme des retraites à haut risque.
Au risque d'en faire trop? La version finale du projet de loi de finances pour 2023 adoptée par l'Assemblé prévoit un déficit proche de 165 milliards d'euros contre 158 milliards annoncé en septembre. Le déficit public est toujours attendu à 5% du PIB en 2023 et l'objectif du gouvernement est de le ramener sous les 3% à horizon 2027.
"La course à l'annonce d'une dépense nouvelle"
C'est d'ailleurs l'un des motifs avancé par Matignon pour justifier la réforme des retraites, rejetée par 3 Français sur 4 d'après un sondage Elabe pour BFMTV. Élisabeth Borne a elle aussi appelé les ministres à une gestion plus rigoureuse des deniers publics.
"Il faut arrêter la course à l’annonce dans les médias, avec une dépense nouvelle à chaque fois. Ce n’est plus possible", a demandé la cheffe du gouvernement.
Avant d'annoncer qu'une "revue profonde de la qualité de la dépense publique" serait engagée en 2023. De quoi y voir un double langage qui confine à la schizophrénie? Non, assure-t-on au gouvernement.
"On a d'un côté le besoin de rassurer sur la gestion de nos finances publiques et de l'autre, on doit soutenir nos commerçants pour passer le pic de l'inflation. On est sur cette ligne depuis des semaines et on ne va pas en changer. On assume de faire les deux", répond ainsi un conseiller ministériel auprès de BFMTV.com.
"Une fuite en avant"
Du côté de l'exécutif, on tente également de se montrer volontariste tout en renvoyant la balle dans le camp des fournisseurs électriques. Après Bruno Le Maire, ça a été au tour du président ce jeudi matin lors de la traditionnelle galette des rois à l'Élysée de demander aux fournisseurs d’énergie de renégocier les contrats "excessifs" des TPE.
Si la requête se veut symbolique en incarnant le volontarisme du président, elle ne revêt aucune obligation légale pour ces entreprises. Elle a également l'avantage de ne rien coûter aux finances publiques alors que de nombreuses professions se mobilisent désormais pour obtenir les mêmes aides que les boulangers, à l'instar des restaurateurs ou des pressings.
"Il y a une fuite en avant des revendications parce que chacun s'est trop habitué à se tourner vers l'État pour couvrir tous les risques", regrette de son côté le député Renaissance Guillaume Karasbian, député Renaissance.
"Mais tout chèque distribué par l'État est en réalité celui du contribuable donc de nous tous", juge encore le président de la commission des affaires économiques.
"On ne va pas rouvrir un 'quoi qu'il en coûte'"
Tenant à rassurer les défenseurs de la rigueur budgétaire, Bruno Le Maire a assuré mercredi sur France inter qu'il n'était pas question de "rouvrir un "quoi qu'il en coûte" pour toutes les professions de France et de Navarre, parce que ça ne serait pas la bonne solution".
Bercy met désormais le cap sur "la pédagogie" pour faire connaître les dispositifs d'aide déjà en place. Les militants Renaissance sont même invités samedi à se rendre chez leur boulanger pour leur expliquer les aides possibles en leur distribuant un tract. Une façon de vouloir convaincre sans incidence sur les deniers publics.