Consultations, grève, Conseil constitutionnel... Une semaine décisive débute pour Élisabeth Borne

La Première ministre Elisabeth Borne lors de la visite de l'hôpital de Rodez, dans l'Aveyron, le 7 avril 2023 - Charly TRIBALLEAU © 2019 AFP
La fin de séquence est proche. Ce lundi, l'exécutif entame une semaine décisive sur la réforme des retraites. A son issue, on saura si le projet de loi du gouvernement est validé dans son ensemble, partiellement ou bien retoqué par le Conseil constitutionnel. La décision tombera ce vendredi 14 avril "en fin de journée".
Une date ô combien importante pour le camp présidentiel qui y voit l'étape finale du "cheminement démocratique" de son texte. La seule qui pourra réellement le forcer à changer de braquet en fonction de la décision prise par les Sages, tant il refuse mordicus de retirer son projet de loi malgré les mobilisations massives observées depuis plusieurs mois.
L'exécutif espère ensuite tourner la page, mettre le cap sur d'autres projets de loi. Mais avec qui? Élisabeth Borne? L'avenir de la Première ministre est sur toutes les lèvres tant sa popularité chute dans les sondages.
La cheffe du gouvernement paye de plein fouet une réforme, dont elle n'a jamais réussi à démontrer la prétendue "justice" ou "nécessité" aux yeux de l'opinion. Restera, restera pas? Pour combien de temps? Nul doute que le 14 avril jouera un rôle déterminant dans les réponses à apporter à ces questions.
"Je pense être encore utile"
Avant cela, la cheffe du gouvernement poursuit des consultations débutées la semaine dernière avec les groupes politiques. Elle recevra notamment Marine Le Pen à Matignon ce mardi sans qu'aucun compromis ne soit à l'ordre du jour. Mais la Première ministre veut faire la démonstration du dialogue, prouver qu'elle est encore capable de gouverner le pays. Et surtout, ne pas laisser l'agenda aux mains de ses opposants. Une façon donc de temporiser avant le 14 avril.
La sexagénaire s'accroche, convaincue qu'elle peut rester la timonière du navire gouvernemental, même si celui-ci a été très largement secoué.
"Je pense encore être utile dans la crise que traverse notre pays", glissait-elle au Parisien jeudi dernier.
Mais jusqu'à quand la situation peut-elle perdurer? "Avec le président de la République, nous avons convenu qu'on se donnait de la visibilité sur les prochains mois", dit Élisabeth Borne dans Le Parisien, sous-entendant que séjour à Matignon n'était pas encore terminé.
Elle pourrait ainsi conserver son poste "au moins jusqu’en septembre", soit la période des élections sénatoriales, selon un stratège de la macronie, interrogé lui aussi par Le Parisien.
"Crise démocratique"
En attendant, la Première ministre est sortie du bois vendredi, laissant entendre des différences avec Emmanuel Macron dans des déclarations dans Le Monde, Le Point et RTL. "Élargir la majorité" comme lui demande le président? Ces mots pourraient "crisper" a-t-elle estimé, invitant à conserver la méthode initiale, soit la recherche de compromis texte par texte.
Quant aux syndicats, Élisabeth Borne a mis en garde: "il ne faut pas qu'[ils] ressortent humiliés de la séquence". Cela, alors même qu'Emmanuel Macron n'hésite pas à décocher des flèches envers les centrales, et viser plus particulièrement Laurent Berger, patron de la CFDT. L'ancienne ministre des Transports est ensuite rentrée dans le rang, affirmant, lors d'un déplacement à Rodez qu'elle et l'hôte de l'Élysée étaient "parfaitement alignés".
Point commun: les deux rejettent l'analyse d'une "crise démocratique", formulée par Laurent Berger. Mais peut-être pas avec les mêmes mots, Emmanuel Macron ayant estimé que ce type de propos faisait "monter les extrêmes".
"Il n’est pas dans son rôle de leader syndical quand il parle de cela", juge de son côté Élisabeth Borne dans Le Parisien.
La gauche mise également sur un référendum d'initiative partagée
Les syndicats, eux, maintiennent cette idée. Laurent Berger l'a de nouveau évoquée lors de la dernière journée de mobilisation. Une autre, la douzième, est prévue ce jeudi, à la veille de la décision des juges de la rue de Montpensier. Une façon de rappeler la forte opposition au projet de loi du gouvernement avant le jour J.
Mais le mouvement social pourrait prendre un coup si le Conseil constitutionnel ne censure pas la loi et que celle-ci est ensuite promulguée. C'est tout ce qu'espère l'exécutif après une longue séquence de difficultés.
Du côté des opposants à la réforme, on mise en revanche sur un référendum d'initiative partagée (RIP), déposé par 252 parlementaires de gauche, pour faire en sorte que l'âge légal de départ à la retraite n'excède par 62 ans. Autrement dit, qu'il n'atteigne pas 64 ans, comme le prévoit le texte de l'exécutif.
Mais la route est longue et aucune procédure de ce type n'a abouti, depuis son introduction en 2008. La signature d'un "dixième des électeurs", soit 4,87 millions de personnes, est nécessaire dans un délai de 9 mois, avant un éventuel examen au Parlement, ou un référendum organisé par le président si les deux chambres n'ont pas pu étudier le texte en 6 mois. D'ici là, le soufflé pourrait retomber.
Avant toutes ces étapes, le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur ce RIP. Il rendra son avis... le vendredi 14 avril.