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Politique

Fillon n'est pas celui que vous croyez

Hervé Gattegno

Hervé Gattegno - -

Toujours pas d’issue dans le feuilleton de l’UMP. Jean-François Copé et François Fillon se sont rencontrés deux fois lundi – et doivent se revoir ce mardi après-midi. Rien n’a filtré mais le groupe des « fillonnistes » à l’Assemblée siège pour la 1ère fois ce mardi.

François Fillon s’est trompé sur cette élection – on l’a assez dit : il a fait une campagne nationale là où il fallait d’adresser aux militants, il a voulu s’imposer en présidentiable au lieu de s’opposer en chef de parti. Il n’empêche qu’on s’est aussi beaucoup trompé sur lui. Jean-François Copé a fait une campagne caricaturale : c’est logique qu’il soit caricaturé. Mais Fillon a réussi, lui, a réussi à se fondre dans son image publique. C’est même un cas étonnant de substitution de la réalité par l’apparence. Il passe pour modéré et fédérateur alors qu’il s’est montré vindicatif et jusqu’au-boutiste. Ça prouve qu’il a été un piètre tacticien durant la campagne, mais qu’il est très habile depuis dans la communication.

Est-ce injuste qu’il apparaisse plus comme la victime de Jean-François Copé que l’inverse ?

Ils sont victimes l’un de l’autre – et aussi d’eux-mêmes. Ce qui est injuste, c’est que François Fillon puisse poser en homme d’Etat désintéressé alors qu’il est tout aussi ambitieux, déterminé et calculateur que Jean-François Copé – si Copé incarne la « droite décomplexée », Fillon est plus complexe mais pas moins adroit… Ni moins à droite. Il a été souverainiste au côté de Philippe Séguin, il a soutenu Balladur contre le Chirac de la « fracture sociale ». Puis ministre chiraquien, il s’est vu en rival de Sarkozy avant de se rallier à lui contre Chirac. Et aussitôt après la défaite de Sarkozy, dont il a été le 1er ministre pendant 5 ans, il a voulu prendre ses distances avec lui. Fillon veut peut-être changer la droite mais il est lui-même d’une droite changeante.

Qu’est-ce qui explique qu’il ait une meilleure image que Jean-François Copé dans l’opinion ?

Les mêmes raisons qui ont fait qu’il n’a pas gagné – ou du moins, pas obtenu le triomphe espéré : il est tenace mais ce n’est pas un combattant, il a plus l’air d’un expert que d’un leader. Et son côté bourgeois bien élevé plait davantage chez les intellectuels et les relais d’opinion. Surtout qu’il a fait une campagne peu clivante, à l’inverse de Jean-François Copé – décevante pour les militants mais rassurant pour tous les autres. Et ses 5 ans à Matignon lui valent la considération qui sied à ceux qui ont gouverné la France. Avec tout cela, on en oublierait presque qu’il a souvent eu du mal à se faire élire – c’est pour cela qu’il s’est prudemment présenté à Paris, dans une circonscription gagnée d’avance. Car ce n’est pas non plus un grand courageux.

Il n’empêche qu’il a tenu bon avec son groupe de dissidents. Il a refusé d’y renoncer. Il dit maintenant qu’il le dissoudra quand Jean-François Copé sera prêt à organiser un nouveau vote des adhérents.

C’est la meilleure preuve de sa vraie nature : il a joué la division pour empêcher Jean-François Copé d’être vainqueur. Comme l’UMP ne lui a pas déroulé le tapis rouge, il a fait en sorte que l’élection se joue sur tapis vert. Il a exigé des recomptages qu’il a ensuite contestés. Menacé de saisir la justice. Et fini par provoquer une scission. Ça prouve qu’il n’a pas grande considération pour le Parlement : il est prêt à sacrifier la représentation de son parti à l’Assemblée à des enjeux internes. Mais pas tout à fait quand-même : les députés vont siéger ensemble dans l’hémicycle ; mais lui aura sa place à la réunion des chefs de groupe et il va pouvoir se faire appeler « M. le Président ». On ne sait pas combien de temps ça durera, mais c’est toujours ça de pris.

Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce mardi 4 décembre.

Hervé Gattegno