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Manifestation en faveur de la lutte pour l'environnement

Markus Spiske sous licence Unsplash

A69, Néonicotinoïdes, ZFE... Récit d'une semaine noire et de défaites en série pour l'écologie politique

En cette fin du mois de mai, les revers se sont accumulés pour les écologistes. À l'Assemblée nationale, des lois en faveur de l'environnement ont été détricotées quand la justice a infligé un camouflet sur le dossier de l'A69. Retour sur une semaine noire.

"Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas". Ces mots prononcés par Emmanuel Macron, candidat à sa réélection en 2022, paraissent aujourd'hui bien surannés. Trois ans après, alors qu'il détient les clés de l'Élysée, l'écologie vit une semaine noire.

"Nous vivons la pire semaine pour l'écologie depuis longtemps", se désole sur X la secrétaire nationale des Écologistes, Marine Tondelier. Elle compare la situation au "cauchemar" de la comédie dramatique américaine Don't Look Up. Un film d'Adam McKay, dans lequel des scientifiques tentent d'alerter sur l'arrivée imminente d'une météorite destructrice, en vain.

"La météorite n'est pas pour demain, elle est pour maintenant", alerte la conseillère régionale des Hauts-de-France. "Si l'écologie perd, c'est toute l'humanité qui perd".

Mais depuis ce lundi 26 mai, le Palais Bourbon semble être doté d'un dôme de protection: la menace de cette "météorite" qu'est le réchauffement climatique semble bien loin. Des mesures adoptées pendant le premier mandat d'Emmanuel Macron ont été détricotées par des députés fracturés.

• Premier acte: le retour des néonicotinoïdes

La première cible? L'interdiction depuis 2018 des pesticides de la famille des néonicotinoïdes. Parmi les cinq substances interdites, une est au cœur des crispations: l'acétamipride. La proposition de loi agricole dite Duplomb du nom de son initiateur, le sénateur LR Laurent Duplomb, prévoit sa réintroduction à titre dérogatoire "pour une durée de trois ans". À l'image de Bruxelles qui a donné son feu vert à ce néonicotinoïde jusqu'en 2033.

En soutien de la loi, les agriculteurs qui vantent l'efficacité des néonicotinoïdes contre certains insectes qui détruisent les cultures de betteraves sucrières ou de noisettes. Estimant n'avoir aucune solution alternative pour lutter contre ces ravageurs, les agriculteurs français dénoncent une concurrence déloyale face aux voisins européens.

Un agriculteur compte ses plants de betteraves à sucre, à Pont-du-Château, dans le centre de la France, le 7 novembre 2019
Un agriculteur compte ses plants de betteraves à sucre, à Pont-du-Château, dans le centre de la France, le 7 novembre 2019 © Thierry Zoccolan © 2019 AFP

De l'autre côté, ses détracteurs pointent du doigt les effets négatifs de ces produits sur l'humain. "L'acétamipride est un pesticide extrêmement dangereux", alerte sur BFMTV le député écologiste de la Charente-Maritime, Benoît Biteau. À ce stade, ces risques sur la santé restent incertains, par manque d'études d'ampleur.

Des défenseurs de l'environnement déplorent également les conséquences des néonicotinoïdes sur les pollinisateurs essentiels à la biodiversité. Ce qui vaut à ces substances le titre de "tueurs d'abeilles".

Manifestation pour protester contre les dérogations envisagées pour l'utilisation des néonicotinoïdes, le 23 septembre 2020 aux Invalides à Paris
Manifestation pour protester contre les dérogations envisagées pour l'utilisation des néonicotinoïdes, le 23 septembre 2020 aux Invalides à Paris © Thomas COEX © 2019 AFP

Le cadre étant posé, place aux maux de tête parlementaires. Outre les tensions sur le fond, la manœuvre stratégique dont a fait l'objet la proposition de loi ce lundi a fait tressauter les bancs à gauche de l'Assemblée.

Allié avec la droite, le bloc central a rejeté sa propre proposition de loi en votant une "motion de rejet". Son objectif? Passer outre le "mur" des plus de 2.000 amendements écologistes et insoumis qualifiés "d'obstruction massive". Par cette tactique, les députés ont renvoyé directement le texte devant une commission mixte paritaire (CMP). Cette instance réunissant à huis clos sept députés et sept sénateurs devra s'accorder sur une version commune, en partant de la version déjà adoptée au Sénat. Donnant ainsi un avantage dans la négociation aux membres de la chambre haute.

Un "49.3 déguisé", un "coup de force", "un déni de démocratie grave"... Les réactions ont fusé à gauche face à cette première défaite pour les défenseurs de l'environnement de la semaine. En réponse, LFI a déposé une motion de censure.

• Deuxième acte: le revers sur le chantier de l'A69

Deux jours plus tard, un dossier brûlant est revenu sur la table. Direction la ville rose, au sud de la France, et sa cour d'appel administrative. La justice toulousaine a autorisé ce mercredi 28 mai la reprise du chantier de l'autoroute A69, entre Toulouse et Castres à partir de mi-juin. Elle se prononçait sur un recours en urgence déposé par l'État, visant à redémarrer ce chantier de 53 kilomètres.

Stupéfaction pour les écologistes. Depuis le début de ce projet - visant à désenclaver le sud du Tarn - ils dénoncent son atteinte à l'environnement. Ils déplorent notamment les centaines d'hectares agricoles touchés et la centaine d'espèces protégées ainsi menacées.

Une vue aérienne du chantier de construction de l'autoroute A69 près de Verfeil, en Haute-Garonne, le 14 mars 2025 (photo d'illustration).
Une vue aérienne du chantier de construction de l'autoroute A69 près de Verfeil, en Haute-Garonne, le 14 mars 2025 (photo d'illustration). © Ed JONES / AFP

La douche est d'autant plus froide qu'ils s'étaient réjouis il y a trois mois de la suspension du chantier aux centaines de millions d'euros débuté en 2023. Le tribunal administratif de Toulouse avait pris cette décision faute de "raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM)" justifiant les atteintes à l'environnement causées par l'A69.

Alors que le ministre des Transports Philippe Tabarot parle d'un "véritable soulagement", les Écologistes ont dénoncé sur X "une décision contre l’environnement, contre la volonté citoyenne, contre le bon sens".

"Je ne suis pas contre l'A69, je suis pour le vivant et l'avenir de nos enfants", a lancé sur BFMTV la cheffe du parti Marine Tondelier.

"Ils ont des enfants, ces politiques qui nous envoient droit dans le mur aujourd'hui? Ils arrivent à se regarder dans la glace? Moi, j'ai honte", a dénoncé Thomas Brail, figure de la contestation, depuis un rassemblement à Toulouse. "On n'est pas entendus, on n'est pas écoutés", déplore le militant écologiste qui veut pousser la contestation plus loin en entamant une grève de la soif dès la reprise des travaux.

Une lueur d'espoir perdure toutefois pour les détracteurs du projet. La justice administrative doit encore trancher dans quelques mois sur le fond du dossier. "La bataille juridique continue, la victoire reste possible", se rassurent les Écologistes, faisant mine d'ignorer la passe d'armes, assez défavorable à leur combat, qui se prépare à l'Assemblée.

À la mi-mai, le Sénat a adopté une proposition de loi dite de "validation" qui prévoit d'autoriser la poursuite du chantier, sans attendre que la cour d'appel administrative ne se prononce sur le fond. Dès ce lundi 2 juin, les députés prendront le relais, avec de fortes chances d'adoption. De quoi faire frémir les opposants à l'A69 qui jugent ce texte contraire à la Constitution. Deuxième défaite pour l'écologie.

• Troisième acte: la bétonisation reprend du terrain

Retour sur les bancs du Palais Bourbon. Ce n'est pas le béton coulé par la société Atosca en charge de l'autoroute A69 qui intéressait les députés ce mercredi, mais bien celui concerné par le principe de "zéro artificialisation nette" (ZAN). Un dispositif devant lutter contre la bétonisation des espaces naturels et agricoles.

Dans le cadre du projet de loi sur la simplification économique, les élus de droite et du Rassemblement national ont approuvé, d'une courte majorité, de nouvelles dérogations.

L'article adopté permet de "dépasser jusqu'à 30%" la limite de surfaces naturelles aménageables, et ce, "sans justification". Un autre amendement, voté avec une partie des macronistes, exclue du décompte du ZAN les constructions reconnues par décret comme "projet d'intérêt national majeur". Le but étant de permettre aux projets industriels de fleurir dans le pays.

Ce dispositif, né en 2021 de la convention climat convoquée par Emmanuel Macron, a été "complètement vidé de sa substance" s'est réjouit l'élu RN Pierre Meurin. Quand la gauche se blâme de ne pas avoir réussi à convaincre les quelques voix manquantes. "Il y aura de la casse tôt ou tard", a prévenu la députée écologiste de la Vienne, Lise Belluco.

• Quatrième acte: le rétropédalage sur les ZFE

Le coup de grâce a été porté par la suppression des zones à faibles émissions (ZFE). Un dispositif visant à permettre aux collectivités locales de décider de la restriction de la circulation des véhicules les plus polluants, et souvent les plus anciens, aux abords de leurs villes. Le but étant de réduire la pollution de l'air tant pour l'environnement que pour la santé. "La pollution de l'air cause plus de 8.000 décès prématurés chaque année en Île-de-France", a rappelé la ville de Paris dans un communiqué.

Mais les critiques coulent à flots. De nombreux responsables politiques, notamment à droite, considèrent que les ZFE excluent les catégories de la population n'ayant pas les moyens financiers de changer de voiture ou de moyen de transport.

Un panneau délimitant la Zone à faibles émissions à Rouen.
Un panneau délimitant la Zone à faibles émissions à Rouen. © BFM Normandie

Résultat, ce dispositif phare de la loi Climat et résilience du premier quinquennat d'Emmanuel Macron a subi un revers ce mercredi 28 mai. De la part même de macronistes qui avaient voté son instauration en 2019.

"C'est un désaveu pour le gouvernement", a jugé sur BFMTV le conseiller régional Écologiste d'Île-de-France, Jean-Baptiste Pegeon.

Des députés RN, de la droite ou encore de LFI ont également voté pour sa suppression face aux écologistes et aux socialistes.

La patronne du RN Marine Le Pen a salué la "défaite de l'écologie punitive" quand le ministre républicain des Transports Philippe Tabarot a appelé à améliorer le dispositif par "des mesures de bon sens", mais "certainement pas en montant les Français contre les Français". Les insoumis ont de leur côté salué une "victoire" contre "un dispositif injuste" tout en martelant qu'il était "urgent de planifier nos mobilités en mettant de réels moyens dans des alternatives en transports en commun".

Ce vote transpartisan a d'ailleurs provoqué des remous. Le haut-commissaire au plan, Clément Beaune, a déploré ce vendredi au micro de RMC "des alliances politiciennes", des "postures qu'envoient LFI et le RN", tout en dédouanant son camp présidentiel. L'ancien ministre des Transports a également dénoncé un "débat public" sur lequel régnait un discours "de post-verité trumpiste" à coups de "mensonges".

Mais là encore, l'optimisme persiste pour les défenseurs des ZFE. Le Conseil constitutionnel risque de censurer l'amendement sous prétexte qu'il s'agirait d'un cavalier législatif. Soit d'une mesure introduite par un amendement dans une loi en préparation qui n’a aucun lien avec le texte en question.

La suppression des ZFE qualifiée "d'erreur funeste pour les générations à venir" par le maire socialiste de Montpellier, Michaël Delafosse, n'est ainsi pas encore entérinée. Une prochaine victoire pour l'écologie?

Juliette Brossault