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En charge de mettre en place la planification, quelle écolo est Élisabeth Borne?

La ministre des Transports Elisabeth Borne a fait savoir que le gouvernement n'aurait pas recours aux ordonnances s'agissant de l'ouverture du rail à la concurrence.

La ministre des Transports Elisabeth Borne a fait savoir que le gouvernement n'aurait pas recours aux ordonnances s'agissant de l'ouverture du rail à la concurrence. - Ludovic Marin - AFP

D'abord ministre des Transports puis ministre de la Transition écologique, Élisabeth Borne a déjà dû se frotter à plusieurs dossiers en lien avec le climat et l'environnement. Profil "techno", "force de travail", autant d'atout pour mettre en place la planification écologique pour les uns, avec un faible poids politique pour les autres.

Écolo-techno. Voilà en rime le profil de la nouvelle Première ministre. Chargée de la planification écologique selon les vœux d'Emmanuel Macron, Élisabeth Borne ne met déjà pas d'accord toutes les sensibilités vertes.

Effets de casting pour les plus sévères, résistante verte au sein du gouvernement pour d'autres, l'ancienne ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion ne doit pas convaincre en revanche de sa redoutable capacité de travail lorsqu'elle était chargée des Transports d'abord puis de la Transition écologique et solidaire ensuite.

"Vous pouvez compter sur moi pour poursuivre dans cette voie face au défi climatique et écologique sur lequel il faut agir plus vite et plus fort", a-t-elle déclaré le jour de sa nomination à Matignon.

Un bilan contesté

La désignation de l'ancienne ingénieure et directrice de la SNCF a provoqué une levée de bouclier à gauche.

"Une femme à nouveau Première ministre (...) c'est le seul motif de satisfaction de cette nomination", a ainsi taclé ce mardi sur France Inter Julien Bayou, au lendemain de la nomination.

"Elle n'a pas de bilan au ministère de la Transition écologique (...) Elle avait souhaité appliquer les décisions de la Convention citoyenne pour le climat, elle n'en a rien fait", développe le secrétaire national des Verts, pointant davantage son manque de poids politique.

"Elle avait même souhaité un référendum, il n'en a rien été. Le président a jeté tout ça à la broyeuse", poursuit-il.

Même son de cloche du côté de sa collègue Sandrine Rousseau: "Non, je ne me réjouis pas!", a-t-elle dénoncé sur BFMTV, trouvant que ce bilan ne va effectivement pas assez loin.

Noé Gauchard, jeune étudiant investi par la Nupes pour affronter la Première ministre dans la 6e circonscription du Calvados aux législatives, est plus sévère encore. Dans un communiqué publié lundi 16 avril, cet ancien militant du mouvement Youth for Climate inspiré de Greta Thunberg fustige un bilan où "les objectifs de la France en terme de bifurcation écologique ont été ignorés au nom de la compétitivité financière".

"L'écologie de responsabilité"

Tout le monde n'est pas de cet avis. "C'est bien plus compliqué", nous glisse l'un de ses proches à la Transition écologique. "Plus politique qu'elle ne le montre", la ministre se serait battue de nombreuses fois en interne sur plusieurs dossiers tout en devant afficher officiellement des postures plus conservatrices.

François de Rugy, lui, loue un vrai bilan vert. Elle a réellement "pratiqué" l'écologie "lorsqu'elle était ministre des Transports puis ministre de l'Écologie lorsqu'elle m'a remplacé au pied levé", explique à BFMTV son prédécesseur démissionnaire.

"Quand elle était ministre des Transports, elle s'est par exemple battue pour un plan vélo ambitieux, alors qu'il n'y avait aucune gloire médiatique personnelle à en retirer", nous raconte-t-il.

La fermeture de la centrale de Fessenheim -incarnation "de l'écologie de responsabilité" avait-elle déclaré au Sénat- ou encore l'abandon du projet Europa City -"un modèle de consommation qui ne répond plus aux attentes des concitoyens" avait-elle expliqué à l'époque- sont deux de ses faits d'armes lors de son passage d'un an au ministère de la Transition écologique et solidaire.

Un profil efficace

L'écologie, elle la pratique comme elle est: avec rigueur et pragmatisme, nous confie plusieurs de ceux qui l'ont cotoyée dans ses différents ministères. Sans agiter une sensibilité environnementale de façade, Élisabeth Borne est décrite "comme une vraie écolo", forgée par sa force de travail.

"Elle ne vient pas du sérail écologique et pourtant ses convictions sont réelles. Rationnelles, pragmatiques. Formées en creusant les dossiers et en rencontrant des experts", dépeint l'une de ses anciennes conseillères, Marine Braud.

"Quand je suis arrivée dans son cabinet, ses connaissances en matière de biodiversité pêchaient par exemple, mais elle a rencontré des gens pour maîtriser ce dossier également", ajoute-t-elle.

Christophe Castaner évoque une ministre "qui travaille, qui bosse et qui a conscience des enjeux". Le jour de sa désignation pour remplacer Jean Castex à Matignon, Barbara Pompili a salué son "expérience" et son" dévouement sans faille au service de l'intérêt général".

"Je sais que la transition écologique sera portée au plus haut", a-t-elle ajouté, visiblement confiante.

Épinglée pour son côté très technocrate, elle est défendue par ses alliés. "Ça peut avoir du bon le côté techno", nuance ainsi l'un de ses proches au ministère de la Transition écolgique. Notamment sur la planification qu'il l'attend, "bien connaître les arcanes de l'État, avoir un esprit synthétique et rationnel c'est précieux", nous explique cette même source.

Cette froideur technique, c'est qu'Élisabeth Borne "a conscience qu’on doit faire avec les hauts fonctionnaires si on veut arriver à des résultats au gouvernement". "Elle ne le montre pas, mais elle a un côté fondamentalement social et humaniste", ajoute Marine Braud qui a travaillé avec elle sur les relations avec la société civile.

"Après l'avoir rencontrée, certaines associations et militants ont déjà été surpris de son accueil sans langue de bois".

Sa capacité d'action mise en doute

"Est-ce qu'elle aura une latitude d'action vis-à-vis du président qui n'a jamais fait la démonstration de vouloir mettre en acte ses engagements en matière d'écologie?", interroge, sceptique, la directrice générale d'Oxfam, Cécile Duflot qui reconnaît toutefois sa force de travail.

L'ancienne secrétaire national des Verts craint que la loyauté sans faille du profil technocrate de l'ancienne ministre des Transports l'empêche d'arbitrer en faveur de l'écologie face à un Macron "qui pour l'instant n'a jamais fait la démonstration de vouloir mettre en acte ses engagements en matière d'écologie".

L'ONG Greenpeace enfonce le clou dans un communiqué. "Emmanuel Macron a déjà créé une institution placée sous la tutelle de Matignon chargée de guider l’action générale du pouvoir exécutif en rapport avec la crise climatique: il s’agit du Haut conseil pour le climat, dont les recommandations ont jusqu’ici été méticuleusement ignorée". Borne, écologiste ou pas, l'ONG explique ne pas croire aux "effets de casting régulièrement servis" par le président de la République.

"Seule une présence forte de députés capables de porter des mesures écologiques et sociales ambitieuses à l’Assemblée nationale permettra de mettre le pays au diapason de l’enjeu climatique", conclut sévèrement l'organisation.

Hortense de Montalivet