Emmanuel Macron mène-t-il une politique de droite?

Emmanuel Macron - BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Jupiter change d'orbite. Parti d'une base électorale de centre-gauche au moment de son élection, le chef de l'Etat n'a eu de cesse, pendant la première année de son quinquennat, de donner des gages à la "droite modérée": débauchages de personnalités de droite au sein du gouvernement, politique économique ouvertement libérale, posture gaullienne, fermeté régalienne face aux mouvements sociaux, main tendue à l'Eglise catholique...
"Attentes idéologiques"
Si les promoteurs du macronisme s'accrochent au slogan "et en même temps", ce dernier prend des allures de fiction politique confronté au bilan de la première année d'Emmanuel Macron à l'Élysée.
"Les électeurs de droite qui sont venus à La République en marche aux législatives ne sont pas des voyageurs sans bagages", analyse dans Le Monde Jérôme Jaffré, directeur du Centre d’études et de connaissance sur l’opinion publique. "Ils sont venus avec des attentes idéologiques extrêmement précises. En particulier en matière de libéralisme économique."
Emmanuel Macron ne ferait ainsi que répondre à leurs attentes. Cette orientation est publiquement revendiquée par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire, transfuge des Républicains.
"Tout ce que vous réclamiez pendant des années, nous le faisons... alors soutenez-nous!", lançait dans l'Hémicycle le patron de Bercy à son ancien "camarade" Éric Woerth.
Équation électorale
Le message semble avoir été reçu cinq sur cinq chez les sympathisants de droite: le baromètre politique de mai 2018 Kantar-Sofres-Figaro Magazine crédite ainsi Emmanuel Macron d'une cote de confiance de 53% dans cette catégorie d'électeurs. Un précédent sondage Ipsos pour Le Point, publié fin avril, attribuait une cote de popularité de 57% au chef de l'Etat à droite.
Dans les rangs d'une droite morcelée, certains prennent acte du changement de centre de gravité d'Emmanuel Macron: "Il est en train de devenir le président de droite que les gens voulaient […] Il fait ce qu’on n’a jamais fait", constate Jean-François Copé dans 20 Minutes.
"Par rapport à son équation électorale, on est passé d'une coloration de gauche et du centre à une politique économique et sociale qui plaît beaucoup aux sympathisants de droite", estime dans Le JDD Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
Une analyse que ne partage par le politologue Stéphane Rozès, qui voit dans ce déplacement le résultat de l'attente d'un homme providentiel, plus que de la politique menée.
"Le pays, en pleine tension, n’est plus structuré par le clivage gauche-droite, momentanément suspendu, mais par la verticalité du bonapartisme", explique à BFMTV le président de Conseils, analyses et perspectives. "Si le clivage gauche-droite persistait, il y aurait une cristallisation des luttes sociales. Or le pays ne bascule pas, il a intériorisé ce que tente Macron."
Espace central
La "recomposition politique" du "nouveau monde" macroniste serait loin d'être achevée: à en croire le Premier ministre Édouard Philippe, "la poutre travaille encore", et devrait abattre les derniers murs qui maintiennent debout la maison LR, celle du Parti socialiste ne ressemblant déjà qu'à une ruine.
"On peut penser que le président cherche plutôt à bâtir un espace central assez large pour renvoyer dos à dos une droite très à droite avec probablement Wauquiez et une gauche très à gauche avec Mélenchon. Un espace allant du centre-gauche au centre-droit assez fort pour lui permettre de se qualifier pour les seconds tours et de l'emporter alors, soit contre Mélenchon avec les voix de la droite, soit contre Wauquiez avec des voix de gauche", détaille Jérôme Jaffré, cette fois dans Le Figaro.
Au sein de cet espace central, Emmanuel Macron semble désireux d'intégrer une droite qui faisait d'Alain Juppé le favori des sondages avant la primaire, et constituait le gros des forces de l'UDF du temps de sa splendeur.
Virage à gauche?
La conquête de cet électorat comporte cependant le risque d'érosion de l'aile gauche de l'ancien banquier d'affaires, auquel l'étiquette de "président des riches" - voire des "très riches", selon François Hollande - est de plus en plus souvent accolée. "Ce qui est sûr, c’est que la facture est salée pour ceux qui viennent de la gauche et qui découvrent jour après jour les décisions de l’exécutif", observe le premier secrétaire socialiste Olivier Faure dans Le Monde.
"Il y aura un virage à gauche pour la deuxième moitié du quinquennat", se persuade un visiteur du soir de l'Élysée. "Emmanuel Macron sait que c’est la gauche qui l’a élu."
Un terrain sur lequel le chef de l'Etat ne cesse de perdre du terrain: selon le baromètre du Figaro Magazine, l'ancien ministre de François Hollande a perdu 15 points de confiance en un mois chez les sympathisants du Parti socialiste. Pour conserver cet électorat social-démocrate, le contre-la-montre avant d'enclencher une phase "redistributive" dans le quinquennat est donc lancé.