Poutine, Obama, G20... Les confidences du président Sarkozy lors d'une conférence à Abu Dhabi

Nicolas Sarkozy a tenu une conférence à Abu Dhabi - Photo d'illustration - FAYEZ NURELDINE / AFP
Si Nicolas Sarkozy a pris sa retraite politique à l’issue de la primaire présidentielle des Républicains en 2016, il n’a pas pour autant mis fin à sa carrière de conférencier. En témoigne sa présence samedi à Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, où il était invité à l’occasion du forum "Abu Dhabi Ideas Weekend". L'ex-président de la République y a tenu un long discours dans lequel il livre ses analyses et revient sur son expérience de chef d'État.
"Poutine est prévisible"
À commencer par sa relation avec le président russe Vladimir Poutine, dévoile Buzzfeed, qui s'est procuré l'intégralité des propos tenus par Nicolas Sarkozy. Ce dernier a notamment rappelé qu'il avait réussi à négocier en 2008 avec Vladimir Poutine (alors Premier ministre) le retrait des forces russes d'Ossétie du Sud, lors de la crise géorgienne, et a ainsi insisté sur le fait qu'il était possible, mais surtout nécessaire, de parler avec le dirigeant russe:
"La Russie est un partenaire important dans le monde d’aujourd’hui. Pour tout le monde, mais surtout pour l’Europe. C’est impossible de faire sans. J’ajoute que Poutine est prévisible, on peut être en désaccord avec lui, mais on peut lui parler. Et il respecte la force. Mais il est prévisible", a confié l'ancien président français.
Et Nicolas Sarkozy de poursuivre en indiquant que "la Russie est le pays qui a la plus grande superficie du monde". "Qui peut dire qu'on ne doit pas parler avec eux? C'est fou comme idée! On a besoin de la Russie. On doit parler à Poutine, il faut lui parler surtout si on est pas d’accord", a-t-il martelé.
"Avec ton G20, tu tues l'ONU"
Devant près de 150 personnes, Nicolas Sarkozy a également évoqué ses échanges, parfois tendus, avec l'ex-secrétaire général de l'ONU, Ban-ki Moon, à qui il reprochait son inaction.
"Quand j’ai créé le G20, Monsieur Ban-ki Moon, qui était secrétaire général de l’ONU, m’a dit: 'Avec ton G20, tu tues l’ONU'", a-t-il raconté. "Tu n’as pas besoin de moi, tu la tues toi-même, tu ne prends aucune décision", aurait répondu l'ancien locataire de l'Élysée à son interlocuteur.
Là-dessus, l'ancien chef de l'Etat s'arrange avec l'histoire. En effet, Nicolas Sarkozy n'a pas pu être à l'origine de la création du G20 puisque ce dernier est apparu en 1999, quand il n'était que maire de Neuilly, souligne Buzzfeed.
"Je ne suis pas parti parce que j'avais envie hein!"
Partageant sa vision du leadership mondial, "détruit" selon lui par les démocraties, Nicolas Sarkozy a vanté son travail lorsqu'il a oeuvré, en tant que président, à la création du Louvre Abu Dahbi:
"J’ai été chef de l’État pour la création du Louvre Abu Dhabi. J’y ai mis toute mon énergie, et Mohammed Ben Zayed y a mis toute sa vision. On a mis dix ans! Dix ans! En allant vite! Sauf que Mohamed Ben Zayed est toujours là, et moi ça fait six ans que je suis plus là! Et je suis pas parti parce que j’en avais envie hein!", a-t-il ironisé.
Celui qui prendra la parole a huis clos ce mardi au Sénat pour parler de la réforme constitutionnelle a estimé que "les grands leaders du monde viennent de pays qui ne sont pas de grandes démocraties". À cet égard, il a pris l'exemple de la Chine, qui s'apprête à lever l'interdiction de diriger le pays pendant plus de deux mandats, pour illustrer une forme de déséquilibre entre les puissances mondiales:
"Le président Xi considère donc que deux mandats de cinq ans, dix ans, ce n’est pas assez. Il a raison", a-t-il ironisé. "En même temps, le mandat du président américain, en vérité c’est quoi? Ce n’est pas quatre ans, c’est deux. Un an pour apprendre le job, un an pour préparer la réélection. Donc c’est une excellente question. Vous comparez le président chinois qui a une vision pour son pays, et qui dit que 10 ans ce n’est pas assez, au président américain qui a deux ans, sans compter les "mid-term" (...) Vous voyez le déséquilibre dans la compétition entre les États-Unis et la Chine?", a interrogé Nicolas Sarkozy .
L'Union européenne, la Turquie et Barack Obama
L'ancien président a d'ailleurs conclu son intervention en rapportant "une anecdote" avec l'ex-locataire de la Maison Blanche, Barack Obama, qui lui a demandé, "deux fois", d'intégrer la Turquie à l'Union européenne.
"Je lui ai répondu: 'jamais'. Pourquoi? Je m’explique. Le président Obama était très sympathique, il a commencé en me disant: 'Nicolas, tu es un homme intelligent'. Là, j’ai compris que ça allait être compliqué pour moi", a commencé Nicolas Sarkozy, expliquant avoir répondu que "la Turquie est un très grand pays. Mais c'est en Asie. Ce n'est pas en Europe".
"Il m'a dit d'être généreux", a poursuivi l'ancien chef de l'État, avant de conclure en indiquant avoir dit à son homologue que "vu des États-Unis, c'est facile", le pays étant entouré de deux immenses océans qu'on ne "traverse pas à la nage", et d"un mur" au sud. "Au nord, il y a le Pôle Nord. Essaie de le traverser", aurait également lâché le président français à Barack Obama.
"Donc la frontière des États-Unis c’est une dizaine d’aéroports. Tu veux que je t’explique la situation en Europe? En Europe tu peux entrer à pieds en Grèce depuis la Turquie. Et sur un plan plus large, la Méditerranée c’est quoi? 900 km. On n’est pas dans la même situation. Du tout. Ce n’est pas une question de générosité, c’est une question de géographie", aurait répondu Nicolas Sarkozy à Barack Obama.