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"Navrant, méprisant et à côté de la plaque": colère des psychologues après les propos d'Emmanuel Macron

Le président français Emmanuel Macron sur TF1, le 13 mai 2025.

Le président français Emmanuel Macron sur TF1, le 13 mai 2025. - Ludovic MARIN

Interrogé sur la dégradation de la santé mentale des jeunes Français sur TF1 mardi 13 mai, le président de la République a déploré une sous-utilisation du dispositif "Mon soutien psy". Faute qu'il incombe en partie aux psychologues libéraux. Pour Florent Simon, secrétaire général du Syndicat national des psychologues, c'est une attaque incompréhensible.

La santé mentale, grande cause de 2025? Invité de TF1 ce mardi 13 mai, le président de la République Emmanuel Macron a été questionné sur la dégradation inquiétante de la santé mentale des jeunes et sur la réponse des gouvernements successifs depuis son arrivée au pouvoir.

Sa réponse: un aveu et une pique. "J'avoue avec humilité que je n'avais pas vu le phénomène à ce point", a reconnu Emmanuel Macron, déplorant les effets néfastes des réseaux sociaux.

Quant aux actions entreprises par l'exécutif, le chef de l'État a rappelé la mise en place du dispositif "Mon soutien psy", qui permet l'accès à 12 séances d'accompagnement psychologique, remboursées à hauteur de 50 euros par session.

Un dispositif qui n'a pas porté ses fruits, si on se fie aux études successives menées depuis le confinement montrant une aggravation continue du phénomène. Mais cet échec vient, selon le chef de l'État, du caractère réfractaire des psychologues libéraux.

"Cela n'a pas marché comme on le voulait, car il n'y a pas une culture de la coopération entre les psychiatres et les psychologues, en tout cas elle est encore défaillante. Et parce qu'il y avait une psychologie libérale, dont on a besoin, qui n'est pas rentrée dedans (le dispositif, NDLR)", a taclé Emmanuel Macron.

Pour les psychologues, c'est une réécriture de l'histoire, comme l'explique courroucé à BFMTV Florent Simon, le secrétaire général du Syndicat national des psychologues.

"Ce sont des propos navrants, méprisants et à côté de la plaque", fulmine-t-il.

Sur le premier point, l'absence de "culture de la coopération", le chef de l'État ferait fausse route. "On a le sentiment qu'il n'a toujours pas compris que les psychologues et les psychiatres travaillent en grande coopération au quotidien et ce depuis la mise en place de la sectorisation, donc depuis les années 60. Les psychologues et les psychiatres, ce sont deux métiers différents, articulés, qui travaillent ensemble", insiste le praticien.

"Mon soutien psy": 5.800 psychologues, 90% de boycott?

Autre point litigieux: l'adhésion, ou non, de ces professionnels libéraux au dispositif. Le syndicaliste assure que 86 à 90% des professionnels (32.000 en activité) ne prennent pas part à ce dispositif. Sollicitée par BFMTV, l'Assurance maladie, elle, se félicite d'une adhésion en hausse, tant chez les patients que chez les praticiens.

"Au 12 mai 2025, l’Assurance Maladie compte 5.854 psychologues partenaires confirmant que la tendance à la hausse du nombre de psychologues qui souhaitent participer à Mon soutien psy se poursuit", assurent les autorités, qui se félicitent des effets positifs d'une adaptation de ce dispositif, notamment en passant le forfait remboursé par l'État de 30 à 50 euros.

"Depuis son lancement, on dénombre à ce jour près de 587.000 bénéficiaires. Cette montée en charge est aussi le fruit des évolutions apportées au dispositif en juin 2024 pour faciliter l’accès aux séances d’accompagnement psychologique", explique encore l'Assurance maladie.

Reste que la profession reste encore très fermée à cette proposition, inadaptée aux besoins des patients, trop rigide dans le nombre de séances - et pas suffisamment rémunérées selon eux.

"Les psychologues, quand on dit 8 sur 10 n'ont pas voulu rentrer (dans ce dispositif), c'est parce que beaucoup, en ville, en libéral, gagnent plus qu'à travers ces forfaits", a d'ailleurs admis Emmanuel Macron, soulignant l'équilibre délicat du montant ce forfait, qui ne devrait pas à ses yeux surpasser celui versé à un pédiatre par exemple.

"Une manière de ne pas regarder en face ses responsabilités"

Ces déclarations du président de la République interrogent le syndicat national des psychologues: pourquoi cette attaque? "Je ne sais pas ce que veut faire le chef de l'État, mais c'est une manière, à mon sens, de ne pas regarder en face ses responsabilités concernant les services publics qui se sont dégradés au fur et à mesure et qui ne peuvent pas être compensés par un dispositif rejeté par toute la profession".

Florent Simon appelle donc solennellement Emmanuel Macron et le ministère de la Santé à engager un dialogue, notamment avec son organisation, regrettant qu'ils n'aient été reçus ni par le président, ni par Matignon, ni par les deux ministres en charge de la Santé.

Les indiscrets : Santé mentale, la grande cause pour l'année 2025 - 01/10
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"S'il nous estime, qu'il aille jusqu'au bout dans ses actes. Qu'il aille donc au bout de ses paroles, en nous invitant pour discuter de véritables mesures autour de la santé mentale. Parce que pour l'instant, cette 'année de la santé mentale', on en a entendu parler, mais il ne s'est rien passé d'autre", s'agace-t-il.

Tom Kerkour