"Chacun a compris son intérêt": pourquoi Macron rencontre Meloni après des mois de tensions

Une rencontre à l'Élysée pour faire redescendre les tensions. Pour la première fois depuis sa victoire à l'automne, la Première ministre Giorgia Meloni se rendra à Paris pour échanger ce mardi après-midi avec Emmanuel Macron. De quoi envisager un dégel dans une relation sous haute tension depuis des mois.
Sur le papier, tout oppose les deux dirigeants: si le chef de l'État se vante de son progressisme pro-européen, l'Italienne issue d'un parti post-fasciste s'est longtemps revendiquée eurosceptique.
Lors de son arrivée au pouvoir, le président est en service minimum. Après avoir longuement remercié son prédécesseur Mario Draghi, l'ancien directeur de la Banque centrale européenne, Emmanuel Macron salue "un échange pragmatique" et "un tour assez général de l'agenda européen" avec la nouvelle présidente du Conseil.
L'Ocean Viking, première discorde
Très vite, la question migratoire vient enflammer la situation entre les deux pays voisins. Dans le viseur: le navire Ocean Viking qui accueille 230 migrants à bord au large des côtes italiennes en novembre dernier.
"Le droit international est très clair : quand un bateau demande à accoster avec des naufragés à bord, c'est le port le plus sûr le plus proche qui doit l'accueillir, en l'occurrence l'Italie", avance alors le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Mais pas question pour Giorgia Meloni, qui a fait une partie de sa campagne sur un"blocus naval" pour empêcher les migrants venant de Libye d'arriver en Italie, d'ouvrir ses portes. Elle décide donc de forcer la main à Beauvau.
Sans en informer Paris, la Romaine remercie ainsi officiellement la France d'accueillir l'Ocean Viking. Le gouvernement, par la voix d'Olivier Véran, ne tarde pas à réagir et demander à l'Italie de "jouer son rôle".
Finalement sous pression de la Commission européenne qui appelle "au débarquement immédiat" des migrants "pour éviter une tragédie humanitaire", l'exécutif accepte l'accueil de l'Ocean viking. Non sans que Gérald Darmanin ne fustige Rome qui "ne se comporte pas comme un État européen responsable".
Meloni sous pression
En mai, rebelote: le locataire de la place Beavau tance sur RMC Giorgia Meloni, l'accusant d'être "incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue". Dans la foulée, le chef de la diplomatie italienne annule sa visite en France.
Manifestement soucieuse de faire descendre la température, Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, se fend très vite d'un tweet pour évoquer "le respect mutuel" entre les deux pays, avant d'appeler son homologue à Rome.
Pas suffisant pour le chef de la diplomatie italienne qui demande alors "des excuses" de Gérald Darmanin et dénonce "une insulte gratuite et vulgaire", avant qu'Élisabeth Borne ne prenne la parole à son tour et plaide pour "un dialogue apaisé".
Liens économiques
C'est que Giorgia Meloni est sous pression. Plus de 42 000 personnes sont arrivées par la Méditerranée en Italie cette année entre janvier et avril dernier, contre environ 11 000 sur toute l'année 2022, selon les autorités italiennes.
Face à ces chiffres, la présidente du Conseil des ministres a d'ailleurs changé de stratégie et lancé la création de centaines de places d'accueil de migrants, très loin de ses promesses de campagne.
"Les propos de Darmanin étaient certes très maladroits mais ils réflétaient une certaine réalité et Meloni ne veut pas vraiment que cela se dise trop ouvertement", estime un député Renaissance, bon connaisseur de l'Italie.
Mais entre pays aux liens économiques très forts - la France est ainsi le premier investisseur en Italie -, le froid ne peut durer. Très vite, les milieux diplomatiques œuvrent au retour de relations plus apaisées, avec un certain succès.
"Avoir des relations correctes"
Emmanuel Macron et la dirigeante italienne se rencontrent ainsi en tête-à-tête au Japon lors du G20 en mai avant que le président italien Sergio Mattarella ne vienne à Paris début juin.
La guerre en Ukraine est également venue mettre du liant entre les deux pays. Depuis son arrivée au pouvoir, la quadragénaire cherche à convaincre que l'Italie est le pays européen le plus actif dans la résolution du conflit entre Kiev et Moscou. Des "convergences réelles" existent entre la France et l'Italie, fait d'ailleurs savoir Rome.
Giorgia Meloni s'applique également depuis des mois à rassurer la Commission européenne qui devrait verser près de 200 milliards d'euros au pays par le biais du plan de relance européen, loin de son positionnement eurosceptique.
"Macron et Meloni ne sont pas très fans l'un de l'autre mais chacun a compris son intérêt à avoir des relations correctes", résume un conseiller ministériel.