Affaire Jacqueline Sauvage: pourquoi la grâce présidentielle ne va pas de soi

Comité de soutien, appels d'associations féministes et de personnalités politiques, pétition... La mobilisation en faveur d'une grâce présidentielle pour Jacqueline Sauvage, condamnée à dix ans de prison pour avoir tué son mari violent, prend de l'ampleur. Mais si l'entourage de François Hollande assure qu'il a "bien entendu" le message, il n'est pas sûr qu'il tranche en faveur d'un tel recours.
"Libérez Jacqueline"
Une demande de grâce présidentielle a été déposée par les trois filles de Jacqueline Sauvage le 22 décembre 2015.
"Monsieur le Président, notre mère a souffert tout au long de sa vie de couple, victime de l'emprise de notre père, homme violent, tyrannique, pervers et incestueux", avaient écrit Sylvie, Carole et Fabienne, victimes des coups et abus sexuels de leur père, tué par leur mère au lendemain du suicide de leur frère en 2012.
"Libérez Jacqueline": le slogan se propage depuis le 3 décembre et la condamnation, confirmée en appel par la cour d'assises du Loir-et-Cher, à dix ans de réclusion de cette mère de famille, coupable d'avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos en 2012, après 47 ans d'enfer conjugal.
Au lendemain du verdict, l'association Osez le féminisme avait dénoncé un "déni de justice", appelant "à l'élargissement de la présomption de légitime défense aux femmes victimes de violences".
Depuis, plusieurs personnalités, notamment politiques, se sont ralliées à cette demande. Mardi, la présidente du Conseil régional d'Ile-de-France, Valérie Pécresse (Les Républicains), s'est ainsi émue sur Twitter des "abominables sévices" subis par la condamnée, emboîtant le pas au président de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, auteur d'une lettre dans laquelle il sollicite "l'intervention" de François Hollande "pour rétablir la justice".
La maire PS de Paris Anne Hidalgo, l'ex-eurodéputé et leader écologiste Daniel Cohn-Bendit, le dirigeant du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon, l'actrice Anny Duperey et la productrice Fabienne Servan-Schreiber ont de leur côté rejoint un comité de soutien réclamant également la "libération immédiate" de Jacqueline Sauvage, pour qui une centaine de personnes ont manifesté samedi à Paris.
Une pétition lancée sur le site Change.org avait elle récolté plus de 354.000 signatures mardi après-midi.
Droit régalien
En pratique, la grâce présidentielle est permise par l'article 17 de la Constitution. Elle doit être contresignée par le garde des Sceaux.
Droit régalien des anciens rois de France, la grâce présidentielle se traduit par une suppression ou une réduction de la peine. La condamnation reste inscrite au casier judiciaire, et diffère en cela de l'amnistie. La grâce ne supprimant pas la décision de condamnation, celle-ci peut encore faire l'objet d'une procédure de révision.
Hollande n'y est pas favorable
"Il y a une procédure, il faut suivre la procédure. Il faut des circonstances exceptionnelles", mais le chef de l'Etat "a bien entendu la mobilisation", a déclaré mardi l'entourage du président, interpellé de toutes parts depuis plusieurs jours.
Mais si le message est bien reçu, il n'est pas sûr que le chef de l'Etat tranche en faveur d'une remise de peine. François Hollande n'est pas favorable à la grâce présidentielle, qu'il n'a exercée "qu'une fois en permettant une libération conditionnelle sans éteindre la peine", a ainsi rappelé l'Elysée à l'AFP. Il s'agissait du plus ancien détenu de France, Philippe El Shennawy, libéré en janvier 2014.
Pendant la campagne de 2012, François Hollande avait pris ses distances avec le principe même de la grâce présidentielle qui, avait-il dit, "rappelle quand même une autre conception du pouvoir".
Demande d'aménagement de peine?
De son côté, Me Nathalie Tomasini, une des deux avocates de Jacqueline Sauvage, a indiqué lundi se préparer à demander dans les prochaines semaines un aménagement de peine devant le tribunal d'application des peines à Orléans.
En jeu, "un relèvement de sûreté" permettant de dispenser sa cliente de purger au moins la moitié de sa peine. La mobilisation de l'opinion pourra "aider" à faire fléchir les juges en faveur de sa cliente, espère l'avocate, sans quoi "Jacqueline Sauvage ne pourrait pas sortir de prison avant juin 2018".