"Zemmour, je l’aime bien": quand Emmanuel Macron jugeait le polémiste "intelligent"

Le président de la République a plusieurs fois répondu cette semaine au polémiste, sans jamais toutefois le nommer. - BENOIT TESSIER - ATTILA KISBENEDEK
Emmanuel Macron n'a eu de cesse ces derniers mois de multiplier les clins d'oeil à la droite, comme lors de sa dernière allocution présidentielle. Faut-il y voir l'ombre de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy? Si les deux hommes n'ont rien en commun sur le papier, l'ancien président de la République et le locataire de l'Élysée n'ont eu de cesse d'échanger depuis 2017.
Chérie, j'ai rétréci la droite, qui sort ce jeudi, se penche sur la relation complexe qui les unit et sur le goût d'Emmanuel Macron d'aller chasser les électeurs de droite. BFMTV.com a lu ce livre et en retient quatre anecdotes.
• "Zemmour, je l'aime bien, il est intelligent. Il a son public"
Dans le viseur du président, on trouve les lecteurs de Valeurs actuelles, un hebdomadaire conservateur. Alors que le président a répondu longuement aux journalistes de la revue en octobre 2019, au grand dam de l'aile gauche de sa majorité, l'ouvrage de nos confrères nous apprend que des propost tenus lors de son interview ont été expurgés par son service de communication.
"Emmanuel Macron a glissé une phrase qui pourrait faire grand bruit. 'Zemmour, je l’aime bien, il est intelligent. Il a son public', confesse-t-il entre deux gorgées de jus de tomate, précisant tout de même qu’il juge ses propos 'mortifères'. (...). À la veille de la publication, le cabinet élyséen est pris d’une inquiétude. Et si le président avait trop parlé? Comme il est souvent d’usage dans la relation entre la presse écrite et les responsables politiques, une relecture de courtoisie des citations est demandée pour s’assurer qu’une bombe ne se dissimule pas dans le propos du chef de l’État. 'La phrase sur Zemmour, faites-nous le plaisir de la retirer.' (...)
À l’Élysée, on assume ce discret caviardage: 'Trianguler un peu, c’est une chose. Laisser croire qu’il y aurait des ponts avec cette droite-là, alors que le président a des différences majeures avec Éric Zemmour, c’était risquer d’aller trop loin. On aurait traîné ça comme un boulet jusqu’à la fin du mandat."
• "Philippe, c'est celui à qui on demande de faire une petite photocopie"
Alors qu'une partie de la majorité présidentielle se méfie d'Edouard Philippe à qui certains prêtent des ambitions pour 2022, Nicolas Sarkozy n'y croit pas un instant.
"L’ancien président a longtemps méprisé Edouard Philippe. Dans son regard, ce lieutenant d’Alain Juppé restait le modeste délégué général des services de l’UMP, ancêtre des Républicains (...). Nicolas ne connaissait pas Édouard. Pour lui, c’était un ancien permanent du parti, le type à qui on demande: 'Tu me fais une petite photocopie!'", grince un sarkozyste. Circonstance aggravante, ils ont manqué de peu d’en venir aux mains lors du congrès fondateur de l’UMP au Bourget (Seine-Saint-Denis).
Le 17 novembre 2002, Édouard Philippe s’interpose pour empêcher Nicolas Sarkozy de faire une entrée en fanfare et voler la vedette à Alain Juppé. L’alors ministre de l’Intérieur, estomaqué de tant d’insolence, l’alpague en loges en lui frappant la poitrine du poing: 'Toi, tu ne me refais jamais ça!'"
• Schiappa a "une espèce de fascination-répulsion" pour Sarkozy
L'ouvrage raconte également comment, au-delà des relations entre Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy, la majorité présidentielle apprécie l'ancien président de droite. Richard Ferrand, Christophe Castaner, François de Rugy... L'aile gauche de la macronie, passée par le Parti socialiste ou Europe Ecologie-Les Verts, aime échanger avec l'ancien chef de l' État.
"Ils veulent tous me voir! Même l’autre, avec son araignée au plafond", moque-t-il un autre jour, dans une référence au député et médaillé Fields Cédric Villani, candidat dissident à la mairie de Paris, qui arbore de curieuses broches arachnéennes au revers de ses costumes. (...) 'Rue de Miromesnil, c’est le Graal. Ils viennent tous chercher le totem d’immunité de Koh Lanta', plaisante un conseiller d’Emmanuel Macron. (...) 'On peut penser ce qu’on veut de l’homme, on peut juger sa politique, mais il n’y a plus beaucoup de personnalités comme lui.
Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, impossible de nier qu’il dégage quelque chose, du charisme', confesse devant ses amis de LaREM Marlène Schiappa, qui l’a parfois croisé dans les travées du Parc des Princes pour encourager le PSG. 'J’ai une espèce de fascination-répulsion pour Nicolas Sarkozy', poursuit-elle.
• "J'ai dit à Macron de virer Véran"
D'excellentes, les relations entre Emmanuel Macron et l'ancien chef de l'État se sont fortement dégradées depuis la pandémie. L'ex-président estime que l’Élysée a manqué de réactivité au début du Covid-19 mais aussi sur la vaccination. Nicolas Sarkozy jette un regard particulièrement sévère sur l'action d'Olivier Véran.
"À ses yeux, il a tout faux sur toute la ligne face au Covid-19, de la gestion des stocks de masques au débat sur l’hydroxychloroquine, sans parler du démarrage laborieux de la campagne de vaccination. 'S’il y en a un que Nicolas Sarkozy déteste, c’est Olivier Véran. Quand il en parle, il le défonce comme un boucher bulgare', frémit l'un de ses visiteurs réguliers qui l’a entendu s’emporter, brutal: 'Ce couillon de Véran nous explique qu’il assume la lenteur de la vaccination! Un ministre m’aurait dit ça à mon époque, je l’aurais appelé et je lui aurais dit: 'Écoute, puisque tu assumes la lenteur de la vaccination, voilà la porte, je l’assume!' Je ne connais personne qui ne soit pas insupporté par cet homme. Il est nul et arrogant, j’ai dit à Emmanuel Macron de le virer. Ne pas virer un nul, c’est un signe de faiblesse.'
Malgré quelques mois tumultueux, donc, cette proximité entre les deux hommes fait dire à certains, sur les bancs de la droite, que l'ancien président pourrait finir par soutenir Emmanuel Macron pour la présidentielle.