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Présidentielle

"Voyous"! Quand les candidats à la présidentielle s'attaquent à la délinquance

La plupart des candidats à la présidentielle utilisent le terme "voyou" pour parler de délinquance.

La plupart des candidats à la présidentielle utilisent le terme "voyou" pour parler de délinquance. - Montage BFMTV

Les interventions des candidats à la présidentielle en matière de sécurité présentent quasiment toutes un point commun: l'utilisation du mot "voyou" pour parler de délinquance. Un terme pas si anodin dans le langage politique. Décryptage.

Dans le monde de la communication, il s'agit d'un terme "imagé". Alors que la campagne présidentielle bat son plein, l'ensemble des candidats livrent leur programme, enchaînent meetings, interviews et plateaux télé. Passées l'évocation des "affaires", l'une des préoccupations principales des Français dans cette campagne est la sécurité et la lutte contre la délinquance. Un thème largement repris par les candidats qui ne manquent pas de réagir, notamment lors d'événements comme la fusillade dans un lycée de Grasse ou l'attentat empêché à l'aéroport d'Orly.

A chacun sa solution pour rassurer les Français et tenter de les convaincre de leur apporter leurs voix. Quand Benoît Hamon et Emmanuel Macron promettent un rétablissement de la police de proximité, François Fillon annonce une généralisation de l'armement des policiers municipaux. Jean-Luc Mélenchon envisage le recrutement de 10.000 fonctionnaires supplémentaires pour les forces de l'ordre alors que Marine Le Pen défend "la tolérance zéro". Mais l'objectif de la classe politique est commun: lutter contre la délinquance et ceux qu'ils appellent, en choeur, "les voyous".

"Intention sécuritaire"

- "Je veux être impitoyable avec les voyous", Benoît Hamon, le 16 mars
- "L'insécurité, la voyoucratie, le trafic de drogue à visage aujourd'hui totalement découvert, le trafic d'êtres humains, les clandestins: l'Etat n'est plus présent nulle part", Louis Aliot, le 14 mars
- "Les voyous doivent redécouvrir ce qu’est la loi!", François Fillon, le 7 mars
- "Il n'y aura plus de contrôle au faciès quand les voyous seront en prison", Nicolas Dupont-Aignan, le 19 février
- "C'est une révolution quotidienne, la fin de la crainte de traverser par un exemple un hall d'immeuble tenu par une poignée de voyous", Emmanuel Macron, le 17 février

Pour Mariette Darrigrand, sémiologue, l'utilisation du terme de voyou a un but bien précis.

"L'usage du mot voyou vise à frapper les esprits en s’instituant comme le garant de la sécurité, l’intention est d’être dur, sécuritaire, estime la spécialiste. Ils ont le désir d’intensifier leur discours. Le mot voyou appartient à une certaine littérature, de genre de polars. Il a une connotation psychologique qui rend ce mot fort. Il a une connotation attentive."

Dans ce cadre, l'utilisation par le candidat socialiste de ce mot pourrait lui accorder un gage vallsiste.

La "marque" Sarkozy

Car jusqu'alors, l'utilisation d'un langage cru, imagé, populaire, était le pré-carré de Nicolas Sarkozy. "On va vous débarrassez de la racaille", lançait-il en 2005. Il réitérait en 2010 en assurant qu'il allait nettoyé un quartier "au Karcher". Cette radicalisation des propos avait permis au candidat de l'UMP de siphonner des voix au Front national lors de l'élection présidentielle de 2007. "Il jouait avec ce registre qui fait écho à celui utilisé par les citoyens, les électeurs", estime Sebastian Roché, politologue et directeur de recherche à Science Po Grenoble.

"Il voulait imprimer sa marque, poursuit le chercheur au CNRS. Pour la politique, les symboles sont importants."

Cette stratégie des symboles permet de parler de ce qui touche la population individuellement et quotidiennement. En visant principalement la petite délinquance dans leurs discours tout en se détachant de ce terme juridique. Car dans le domaine sécuritaire, l'évaluation des coûts des programmes est invisible, voir inexistante. "Leurs programmes sont peu précis, pas chiffrés, insiste Sebastian Roché. Ils n’ont aucune idée de ce que leurs idées peuvent avoir comme effet. Ils n’ont aucune idée du bénéfice pour le coût engagé." 

Arroseur-arrosé

Preuve du symbole - de l'accessibilité - rattaché au terme "voyou", les hommes politiques n'hésitent pas à l'utiliser pour s'attaquer entre eux. Voyous contre voyous, c'est la stratégie adoptée par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. "Je trouve scandaleux qu'un voyou comme M. Mélenchon se croit autorisé à prendre à partie une femme", déclarait Jean-Marie Le Pen en 2012 après une altercation lors d'un face-à-face entre sa fille et le président du Front de gauche de l'époque. Ce dernier reprenait d'ailleurs le terme un an plus tard en estimant que le FN est un parti "de menteurs, de voyous, d'escrocs".

Si les politiques utilisent à foison le mot "voyou", ils apprécient peu quand le qualificatif leur est attribué. L'hebdomadaire Marianne en a fait sa spécialité. En 2010, la rédaction titrait "Le voyou de la République" avec une photo de Nicolas Sarkozy. Cette une avait déclenché les foudres de l'UMP qui parlait d'"insultes" ou "de dérive verbale". Avec la multiplication des affaires ces derniers mois, concernant notamment François Fillon ou Marine Le Pen, l'hebdomadaire a réitéré titrant, cette fois-ci "Les voyous de la Républiques", avec une photo du clan Le Pen.

Justine Chevalier