Présidentielle: la question du voile fait irruption dans l'entre-deux-tours

Marine Le Pen et Emmanuel Macron (montage AFP) - CHARLES PLATIAU, JULIEN DE ROSA / AFP / POOL
Le thème controversé du voile s'invite, une fois de plus, dans le débat. Interpellés à plusieurs reprises durant l'entre-deux-tours sur l'éventuelle interdiction du voile porté par des femmes musulmanes, Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont assumé leurs divergences sur ce sujet régulièrement mis sur la table en France.
Les deux candidats se positionnent clairement sur un thème qui permet de souligner pour Emmanuel Macron son attachement strict à la laïcité dans l'esprit de la loi de 1905, et pour Marine Le Pen la lutte contre l'islamisme, et le fait qu'elle souhaite interdire le port du voile dans l'espace public.
"Féministe" contre "uniforme islamiste"
C'est le président sortant qui a appuyé sur ce bouton mardi. Lors d'un bain de foule à Strasbourg, Emmanuel Macron a échangé quelques instants avec une femme portant le voile, qui l'avait interpellé avec cette question: "Est-ce que vous êtes féministe?". Emmanuel Macron avait jugé "beau" que son interlocutrice qui déclare porter ce signe religieux "par choix", et se déclare féministe, puisse lui poser une telle question.
"C'est la meilleure réponse à toutes les bêtises que je peux entendre", a souligné le candidat, taclant au passage son opposante: "de l'autre côté il y a madame Le Pen qui dit 'le voile sera interdit sur la place publique avec moi'".
Marine Le Pen propose en effet, clairement, de sanctionner d'une amende le port du voile dans l'espace public. "C’est comme quand on ne mettait pas le masque, on ne le mettait pas, on avait une amende. Ce sera pareil", a-t-elle déclaré sur BFMTV mercredi, affirmant que pour elle, le voile est "un uniforme islamiste qui cherche à faire pression sur celles qui n’en portent pas".
Cette interdiction interviendrait, selon elle, comme une aide pour les femmes musulmanes, car le voile est "un uniforme islamiste qui cherche à faire pression sur celles qui n’en portent pas". "Le voile est une contestation de l'égalité entre les hommes et les femmes", a également déclaré mercredi sur notre antenne Jordan Bardella, président du RN.
"La question du voile n'est pas une obsession"
En déplacement jeudi au Havre, Emmanuel Macron en a remis une couche sur le sujet: "Il n'y a aucun pays au monde qui interdit le voile sur la voie publique, vous voulez être le premier?", a-t-il lancé. Une phrase qui a été interprétée comme un clin d'oeil à l'électorat musulman, qui a largement voté en faveur de Jean-Luc Mélenchon au premier tour (69%), selon un sondage Ifop pour La Croix.
Ce vendredi matin sur France Info, Emmanuel Macron a également assuré qu'à "titre personnel, la question du voile n'est pas une obsession" et qu'il avait essayé durant son quinquennat "d'identifier le problème qui est qu'il y a des gens qui, déformant cette religion ou l'utilisant, essayent de sortir de la République, ce qui n'est pas du tout ce que fait une femme qui porte le voile".
Dans le même temps, de nouveau sur BFMTV, Marine Le Pen a tenu à rappeler que l'interdiction du voile n'était qu'une ligne dans son programme contre le fondamentalisme religieux dans l'islam, et a expliqué ne pas comprendre "pourquoi le sujet du voile réémerge" ces derniers jours. Elle a toutefois ensuite souligné que pour elle, "l'interdiction du voile est essentielle".
Plus tard dans la journée, confrontée à une femme voilée dans le Vaucluse, qui lui a expliqué porter son voile par choix, elle est restée droite dans ses bottes sans cependant vouloir trop prolonger l'échange.
Des positions pas facilement tenables
À quelques jours du second tour, dans ce débat face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron se pose donc en champion de la défense de toutes les libertés religieuses. Mais le candidat cherche également à solder les critiques provoquées par sa loi dite de "lutte contre le séparatisme", accusée d'avoir alimenté la défiance à l'égard de l'islam, ce dont la majorité s'est toujours défendue.
Polémique autour du voile par une étudiante à l'Assemblée nationale, question autour du port du voile dans les compétitions sportives ou volonté de l'interdire pour les jeunes filles: son quinquennat n'a en effet pas été avare en controverses autour de ce signe religieux qui creuse de profondes fractures en France.
Dans le camp de Marine Le Pen, cette mesure contre le port du voile ne fait pas non plus l'unanimité. "C'est une erreur" et ce n'est "pas possible à mettre en oeuvre", avait ainsi glissé Robert Ménard, maire de Béziers et soutien de Marine Le Pen, sur BFMTV/RMC.
Nourrie par les critiques du camp Macron, l'émergence de cette thématique renvoie également la candidate du RN au volet identitaire de son projet présidentiel, moins mis en avant lors de cette campagne. Il est susceptible de la rendre plus clivante aux yeux des abstentionnistes, ou d'une partie des électeurs de Jean-Luc Mélenchon, dont elle tente d'obtenir les suffrages pour l'emporter au second tour.
