Législatives: au lendemain du revers électoral pour la majorité, Élisabeth Borne est-elle en danger?

La Première ministre Elisabeth Borne le 14 juin 2022 à Paris - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Une Première ministre fragilisée. Au lendemain du second tour des élections législatives qui a vu une percée historique du Rassemblement national ainsi qu'un recul très net de la majorité présidentielle, qui perd la majorité absolue à la chambre basse, le futur d'Élisabeth Borne est menacé, quelques semaines seulement après sa prise de fonction.
Après l'annonce des résultats dimanche soir, la Première ministre a admis lors d'une prise de parole que "jamais l'Assemblée nationale n'a connu une telle configuration sous la Ve République" mais a appelé à se "rassembler" et à travailler pour "construire une majorité d'action".
"Disqualifiée" et "plus de légitimité"
Dès dimanche, le député LFI Éric Coquerel a estimé qu'Élisabeth Borne ne pouvait plus "continuer à être Première ministre", faute de "majorité", assurant que l'opposition déposerait "une motion de censure" contre son gouvernement le 5 juillet, jour de la déclaration de politique générale.
Dans la foulée, ce lundi, il a été rejoint par plusieurs personnalités politiques du même bord qui ont également appelé au départ de la locataire de Matignon. Sur BFMTV, Manuel Bompard, élu dimanche soir dans les Bouches-du-Rhône, estime que la place d'Élisabeth Borne est intenable.
"Normalement, Madame Borne devrait partir. Le gouverment tel qu'il était constitué ne peut plus fonctionner. (Sa démission), ce serait la logique politique. Elle n'a plus la légitimité politique pour gouverner", juge-t-il, assurant que sa formation politique voterait logiquement en faveur d'une motion de censure contre le gouvernement en cours. "Elle n'aura pas nos voies, c'est une question de cohérence", ajoute-t-il.
Sur France Inter, Alexis Corbière, qui a quant à lui été réélu en Seine-Saint-Denis, souligne également qu'Élisabeth Borne doit partir car elle est "totalement disqualifiée." "Ca me semble une évidence. De toute manière, son discours de politique générale sera minoritaire dans cette Assemblée", fait-il valoir.
De l'autre côté de l'échiquier politique, plusieurs personnalités du Rassemblement national ont également appelé à la démission de la Première ministre. Sur BFMTV, le maire de Perpignan Louis Aliot pense que son maintien sera "difficile." "Je ne vois pas comment, ça me parait très compliqué", ajoute-t-il.
Interrogée sur franceinfo, la porte-parole du RN Laure Lavalette tempère le propos.
"Ce qui est certain, c'est que le paysage politique ayant changé, il va sûrement falloir s'adapter (...) est-ce que Madame Borne est la mieux placée, je n'en sais rien, pas de position pour l'instant", dit-elle.
"On verra"
Ce lundi matin sur France Inter, Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement, a indiqué que pour l'heure, aucune décision n'a été prise quant au futur d'Élisabeth Borne.
"Au moment où je parle, la question ne s'est pas posée. On verra dans les prochaines heures", a assuré Olivia Grégoire, ajoutant que l'exécutif n'a pas "l'intention de laisser un gouvernement où il manque un certain nombre de membres. Compte tenu de l'urgence à agir, on parle en jours plutôt qu'en semaines."
Pour le secrétaire général de LR Aurélien Pradié, réélu député dimanche dans le Lot, il n'est pas question de voter la motion de censure que LFI veut déposer le 5 juillet pour faire tomber le gouvernement d'Élisabeth Borne. "Il n'est pas question, pour ma part, que je vote un projet de gouvernement commun avec La France insoumise", argue-t-il.
Interrogé pour savoir s'il demandait la tête de la Première ministre, il s'est interrogé: "Qu'est-ce que c'est cette idée de la chasse à l'homme ou la chasse à la femme? Je n'ai aucune sympathie politique pour Élisabeth Borne, mais ce n'est pas pour autant que je vais aller fricoter avec les Insoumis, avec lesquels je ne me sens rien de commun".
Changement de profil?
Dans les prochaines heures, Élisabeth Borne devrait présenter à Emmanuel Macron ce qui est appelé une "démission de courtoisie", à l'issue de laquelle un nouveau gouvernement, duquel elle sera de nouveau la cheffe, devrait être formé.
En revanche, si le président de la République faisait le choix de la destituer, alors il faudrait trouver un ou une remplaçante qui aurait possiblement moins le profil de technicienne, mais qui aurait un poids politique fort, qui serait combattu mais respecté par une Assemblée nationale plus vivante, contradictoire et effervescente que jamais.
Une autre hypothèse peut également être envisagée. Celle de conserver Élisabeth Borne à son poste pour une période d'expérimentation jusqu'à une probable motion de censure de l'opposition. C'est là qu'un changement de chef de gouvernement pourrait intervenir.