Européennes 2014: "L’électorat FN s’est surmobilisé"

Marine Le Pen a réalisé un score de plus de 30% dans le Nord-Ouest. - -
Alors que l’ensemble de la classe politique accuse le coup après le "séisme" Front national lors de ces élections européennes, le temps est à l’analyse d’un scrutin qui pourrait se révéler historique. L’analyse de Joël Gombin, chercheur en science politique, et membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès.
Êtes-vous surpris par l’ampleur du score frontiste?
Pas vraiment. On est dans le haut de la fourchette de ce qu’avaient prédit les sondages. Ce qui me surprend plus, c’est le score réalisé par la droite. L’UMP et l’UDI-MoDem représentent 30%. Si l’on y ajoute Debout la République et d’autres, on arrive péniblement à 35%, ce qui est remarquablement faible.
Cependant, le score du FN est inédit dans la mesure où il représente 10 à 11% des inscrits. Jusqu’alors, son maximum était de 6%, en 1984. Cela veut dire que sur une conjoncture de faible participation, le parti peut compter sur un noyau dur.
La forte abstention a-t-elle joué en faveur du FN?
La relation entre l’abstention et le vote FN n’est pas mécanique, mais il est clair que l’électorat frontiste s’est surmobilisé. Lors d’un scrutin à fort potentiel de participation, telle que l’élection présidentielle, il est peu probable que le FN se maintienne à 25%.
Il est également possible que le FN ait mis la main sur un électorat flottant qui, par exemple, avait voté Sarkozy en 2007. Cela sanctionne la ligne de l’UMP très floue sur l’Europe alors que celle du FN, elle, a toujours été très claire.
Quels enseignements tirez-vous de la géographie du vote FN?
Les circonscriptions pour les européennes ne veulent pas dire grand-chose, elles sont découpées de façon trop large. Mais le vote massif dans le Nord-ouest peut donner une indication: il s’agit d’un vote prolétaire, ouvrier, ce qui est plutôt étonnant quand on sait que cette catégorie n’est pas très encline à voter lors d’un scrutin européen. Cela pourrait également vouloir dire que dans ces régions, le vote FN peut se maintenir à ce niveau lors des prochaines échéances.
Le FN est-il le premier parti d’opposition de France, comme le proclament ses dirigeants?
Un parti ne se juge pas seulement par son audience lors de ce type de scrutin. Pour être un parti d’opposition, il faut également être présent au sein des institutions de la République, donc au Parlement. Or, il n’y a que trois députés FN. Ce genre de formules relèvent plus de la communication.