Contre le chômage, Hollande n’a plus que des mots...

Hervé Gattegno - -
L’avenir est forcément sombre puisque le principe de base, c’est qu’il n’y a pas de créations d’emplois sans croissance et que la croissance est durablement en panne. En dehors de cela, les gouvernements – celui-ci comme les autres – n’ont que 2 domaines d’intervention : en gros, la stimulation fiscale pour les entreprises et le traitement social pour les chômeurs. L’évidence, c’est que rien de tout cela ne marche – on l’aurait remarqué. Il ne reste que l’arme de la parole : celle qu’on prononce et celle qu’on donne. Même si personne n’y croit, François Hollande n’a pas mieux à offrir…
Personne ne croit qu’il réussira à inverser la tendance à la fin de l’année. Est-ce qu’il ne prend pas le risque d’une déception supplémentaire ?
C’est hélas le plus probable. Mais François Hollande est d’un naturel confiant et surtout, il maîtrise à merveille l’art du discours équivoque. Par exemple, ce qui passe pour une promesse n’en a jamais été une. Il a dit (en septembre 2012) : « Nous devons inverser la courbe du chômage ». C’était donc un devoir, pas un serment. Et puis, inverser la courbe, c’est simplement modifier la tendance : cyniquement, on pourrait dire qu’un mois de baisse après 10 ans de hausse, c’est une inversion de la courbe… En l’occurrence, jouer sur les mots, c’est un peu jouer avec les chiffres. Et gagner du temps.
On a coutume de dire que les gouvernants sont réélus ou battus en fonction du taux de chômage : est-ce que c’est la principale menace pour Hollande ?
C’est sûr – et il aggrave son cas en campant sur une promesse irréaliste (une de plus). Le pire, c’est que les rares fois où, en 30 ans, le chômage a reculé, sous les gouvernements Rocard, Jospin, Villepin et Fillon, au début de l’ère Sarkozy, ça ne les a pas servis sur le plan politique. Parce que la baisse n’a jamais duré. D’ailleurs, aucune politique de l’emploi n’a duré non plus : le rythme des alternances s’accélère et les gouvernements changent eux-mêmes de cap au gré des événements. La seule constante, c’est la primauté de l’Etat, même pour créer des emplois : Jospin les appelait « emplois jeunes », Hollande « emplois d’avenir ». Mais de l’avenir, ils en ont peu puisque l’Etat est exsangue.
Il y a bien des pays qui ont réussi à endiguer le chômage. Qu’est-ce qui fait que la France n’y arrive pas ?
Si on le savait, on aurait la solution. Ce qui marche ailleurs, c’est la dérégulation du marché du travail, comme aux USA, ou la réduction du temps de travail, comme dans les pays nordiques. Si l’Allemagne s’en sort le mieux, c’est qu’elle a énormément précarisé le travail et que sa population est vieillissante : plus de retraités, moins de nouveaux actifs – en France, c’est l’inverse et nous ne voudrions pas des sacrifices que les Allemands ont faits. En 1967, Pompidou prédisait : « Avec 500 000 chômeurs, ce serait la révolution. » Pour rompre avec l’impuissance, c’est bien une révolution qu’il faudrait, mais dans le rapport à l’entreprise et à l’investissement, et dans la formation. Seulement voilà, pas plus que ses prédécesseurs, François Hollande n’est révolutionnaire…
Ecoutez ici le Parti Pris d'Hervé Gattegno de ce jeudi 28 février.