Ces "Hollandais" qui ne feront pas la campagne de Valls

Candidat imminent à la primaire de la gauche, Manuel Valls, a besoin d’élargir sa base et son réseaux de soutiens. Car, du côté des partisans de François Hollande, un ralliement en faveur de Manuel Valls n’a rien d’évident au vu du comportement, considéré comme déloyal, de ce dernier à l’égard du premier, les semaines passées. Certains proches du président, comme Jean-Pierre Mignard, ont d’ailleurs rejoint le camp d’Emmanuel Macron. Mais l’attrait de l’ex-ministre de l’Economie n’est pas la seule menace qui plane au-dessus des débuts de la campagne de Manuel Valls.
De fortes personnalités lui tournent le dos
Plus grave en effet, celui-ci s’est aliéné des figures fortes de la gauche ces dernières années. Au premier rang d’entre elles, on trouve Martine Aubry. La maire de Lille, qui a gardé ostensiblement sa distance avec le gouvernement depuis le commencement du quinquennat, s’est opposée frontalement à plusieurs reprises au Premier ministre et au président de la République. Il y a quelques mois, elle publiait même une tribune enjoignant l’exécutif à suivre une autre ligne.
Christiane Taubira est sans doute plus hostile encore envers son ancien chef de gouvernement. Les thèmes sécuritaires et les tournures parfois martiales du discours de Manuel Valls n’ont jamais eu ses faveurs. Leur inimitié, qui a reçu de nombreuses illustrations, a culminé au moment du débat sur la déchéance de nationalité, polémique qui a poussé Christiane Taubira vers la sortie du gouvernement. Martine Aubry comme Christiane Taubira ont de meilleures relations avec le chef de l’Etat qu’avec le successeur de Jean-Marc Ayrault.
Stéphane le Foll lui fait les gros yeux
Ce n’est donc pas de ce côté-là que Manuel Valls va trouver de quoi se sentir soutenu. Au gouvernement, alors? Là aussi, cependant, il énerve. Sur France Info ce lundi matin, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement, a refusé de dire s’il endosserait la prochaine campagne de l’ancien maire d’Evry: "J’ai dit que je prendrais du temps et un peu de recul."
Par ailleurs, indiquant curieusement qu’après avoir porté la parole de l’exécutif ces dernières années il entendait "devenir ou redevenir un homme politique", Stéphane le Foll a fait part de sa déception quant à l’annonce impromptue de Manuel Valls: "Je ne suis pas fâché, mais il n’appelle pas son porte-parole pour annoncer sa candidature à la présidentielle."
Vers une énième candidature?
La bouderie de Stéphane Le Foll trouve des échos plus profonds encore dans les cercles les plus proches du premier degré du pouvoir. Les proches du président de la République dénoncent la pression exercée par Manuel Valls sur le président de la République pour le dissuader de se présenter. Ce vendredi, un député s'emportait dans Le Parisien: "Valls va le regretter. C'est lui qui a mis à la porte Hollande!" Un autre soutien de l'ancien élu de Corrèze doutait de l'envie de François Hollande de voir son Premier ministre lui succéder: "Il ne va pas passer le flambeau à celui qui l'a crucifié!"
Christophe Pierrel, ancien chef de cabinet adjoint de François Hollande, a appelé auprès du Lab d’Europe 1, à susciter une autre candidature à la primaire de gauche dans les rangs gouvernementaux. Selon lui, l’idéal serait de piocher celle-ci entre Stéphane Le Foll, Najat Vallaud-Belkacem, Marisol Touraine: "Ils ont de la surface, du fond, la connaissance du terrain, ce sont des ministres de proximité. Il va falloir qu’ils se parlent, il ne faut pas qu’on ait trois candidats." Pour ce proche de François Hollande, "il y a un espace politique entre Manuel Valls et Arnaud Montebourg".
Les griefs des "Hollandais" à l’égard de Manuel Valls reposent donc sur trois fondements: sa ligne politique, sa relation avec le président de la République…et en filigrane, sa volonté de se détacher partiellement du bilan du mandat de François Hollande pour ne pas arriver trop lourdement lesté par l’impopularité élyséenne à la primaire.
Un bilan à défendre
Mais la défense du quinquennat est justement ce que lui demandent a minima les fidèles de François Hollande: "Personne ne pourra le soutenir s’il ne défend pas tout le bilan, y compris la période Ayrault", assène un ancien ministre dans les colonnes de L’Opinion.
Bien conscient que le feu couve, Manuel Valls a passé le week-end à recevoir et à téléphoner, notamment aux élus locaux, raconte Libération dans un article où on peut lire cette déclaration en provenance d’un partisan du chef de l’Etat: "On les a prévenus: une campagne présidentielle seulement avec le clan Valls? Ils ne doivent même pas y penser. Manuel doit faire attention dans les sections, pour beaucoup, sa candidature n’est pas naturelle."
Manuel Valls a jusqu’au 22 janvier, date du premier tour de la primaire, pour les convaincre et troquer son allure de Brutus pour celle d’enfant chéri du hollandisme.
EN DIRECT - Manuel Valls va déclarer sa candidature à l'élection présidentielle