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Accusé de détourner la réforme de la justice à des fins électoralistes, Macron sommé de réagir

Emmanuel Macron prononce un discours devant des magistrats, en janvier 2019.

Emmanuel Macron prononce un discours devant des magistrats, en janvier 2019. - LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Une vingtaine de députés de droite ont écrit à Emmanuel Macron pour dénoncer une note divulguée par le Canard Enchaîné selon laquelle la Chancellerie envisagerait de maintenir ou supprimer des postes de juges en fonction des résultats de LaREM à la présidentielle et aux législatives.

Quel est le point commun entre Albertville, Belfort, Carcassonne, Tulle, Mâcon? Toutes ces villes et une trentaine d’autres possèdent un tribunal avec un juge d’instruction qui, selon une note "confidentielle" dévoilée mercredi dernier par La Canard Enchaîné et adressée par la Place Vendôme à Matignon, traitent "moins de 50 dossiers par an" et occupent le reste de leur temps à d’autres activités.

Pour cette raison, la Chancellerie souhaite supprimer ses postes et expédier les affaires communes à d'autres tribunaux dans des grandes agglomérations voisines. Sur le papier, rien d'étonnant: la suppression de la fonction de juge d'instruction dans certaines juridictions est permise par la loi de réforme de la justice promulguée en mars, quand il y a plusieurs tribunaux dans un département.

Des villes identifiées comme des "cibles électorales potentielles" 

Pour autant, à moins de six mois des municipales, la prudence est de mise: les électeurs vouent un certain attachement au juge d’instruction de proximité, quant aux élus et magistrats, ils sont allergiques à toute diminution de leurs "acquis". Il n'est pas question de faire perdre des points à la République en marche.

Dans la note que s’est procurée le Canard Enchaîné, l’auteur demande d’organiser une réunion avec "les experts des élections municipales de LaREM" pour avoir une idée des villes "qui représenteraient des cibles électorales", "afin de faire différer les annonces par les chefs de cours des schémas retenus." En d’autres termes, informer la suppression d’un poste de juge, après les municipales de mars 2020.

Les opposants à LaREM réagissent

Les opposants à LaREM n’ont pas tardé à réagir. Mercredi, vingt-quatre députés Les Républicains, emmenés par Julien Aubert, député de la 5e circonscription du Vaucluse, ont écrit à Emmanuel Macron, lui demandant de "mettre un terme à toute manipulation de l'organisation de la justice organisée par le pouvoir exécutif pour assouvir des objectifs électoralistes".

"C'est d'abord atteindre durablement la crédibilité de l'Etat, deuxièmement c'est instrumentaliser l'Etat à des fins électorales et troisièmement c'est particulièrement bas en termes de vision de ce que doit être un Etat moderne", a déclaré Julien Aubert, ce jeudi sur RFI.

La divulgation de cette note a fait réagir au-delà des rangs des députés de droite. "Après l'instrumentalisation, la domestication. Après les pressions, la menace. Belloubet va virer les procureurs des villes qui ne voteront pas assez LaREM. L'indépendance de la justice? Qui peut y croire?", a réagi Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France Insoumise (LFI) et député des Bouches-du-Rhône.

Belloubet se défend de tout "favoritisme"

"Avec ce qu'on découvre (...), c'est la fin du mythe de la République exemplaire, remplacée définitivement par la République des copains. Les Français disposeront de tribunaux selon qu'ils votent bien ou mal", s’est insurgé Pierre Jouvet, chargé des élections au Parti Socialiste (PS).

Interrogée mercredi sur Sud Radio, la ministre de la Justice Nicole Belloubet n'a pas démenti l'existence de cette note et s'est défendue de tout "favoritisme".

Romane Ganneval avec AFP