BFMTV
Police-Justice

"Vous avez ici la définition d'un meurtre": au procès du militant conspirationniste Martial Lanoir, un réquisitoire puissant et implacable

Le procès du conspirationniste Martial Lanoir, jugé pour le meurtre en 2022 d'un Français d'origine marocaine s'est ouvert devant la cour d'assises de Paris

Le procès du conspirationniste Martial Lanoir, jugé pour le meurtre en 2022 d'un Français d'origine marocaine s'est ouvert devant la cour d'assises de Paris - JACQUES DEMARTHON © 2019 AFP

Ce vendredi 20 juin, l'avocat général a requis 27 ans de réclusion criminelle à l'encontre de Martial Lanoir pour le meurtre d'Éric Casado Lopez en mai 2022 à Paris. L'accusé a gardé la tête baissée. Le verdict est attendu dans la soirée.

"Quelle que soit la décision de la cour, vous n'allez pas être satisfaits. Parce que ce que vous voulez, c'est le retour de votre fils." Appuyé sur un pupitre transparent, Marc Nouvion, avocat général, commence ses réquisitions ce vendredi 20 juin en s'adressant à la famille de la victime. Parce que l'irréparable a été commis le 14 mai 2022, boulevard de Clichy à Paris, ils resteront toute leur vie "avec le manque de cet être cher".

Il a suffi d'une balle pour qu'Éric Casado Lopez soit touché en pleine tête et qu'il meurt sur le champ. Un meurtre pour lequel Martial Lanoir, militant conspirationniste, connu pour ses messages antisémites sur sa chaîne Telegram, est jugé depuis le 17 juin par la cour d'assises de Paris.

"Appréciez d'avoir une justice humaine"

L'avocat général se retourne et plante ses yeux dans ceux de l'accusé: "Vous, Martial Lanoir, qui avez si peu d'espoir en l'institution judiciaire, je vous rappelle que cette dernière vous a poursuivi pour des faits de meurtre, sans retenir un mobile raciste." Alors même que l'homme de 53 ans étalait depuis des années une haine raciste sur les réseaux et un scepticisme profond à l'égard de l'État.

"Alors appréciez d'avoir une justice humaine, investie, courageuse et indépendante face à vous", tonne le magistrat. Cette même défiance poussait l'accusé à ne jamais sortir de chez lui sans son arme. Martial Lanoir se sentait menacé par les autres, il se persuadait de l'imminence d'une guerre civile. 

Les réquisitions sont claires, puissantes, imparables. Pour le représentant du ministère public, aucun doute ne subsiste après les débats de cette semaine. Il demande à la cour de reconnaître la culpabilité de Martial Lanoir parce qu'il a "délibérément" tiré sur Éric Casado Lopez ce soir-là.

Dans la nuit du 13 au 14 mai 2022, l'ancien musicien circulait en voiture dans Paris, assistait à une altercation entre plusieurs individus et stoppait son véhicule. "Laissez-le", se serait-il écrié. Sans réaction, Martial Lanoir s'est saisi de son arme, a chambré et visé la tête. Il tire et touche fatalement une zone létale.

"Vous avez ici la définition d'un meurtre", explique l'avocat général aux jurés. Devant la cour cette semaine, Martial Lanoir s'était défendu, faisant valoir sa personnalité "impulsive". "J'ai été décontenancé", avait-il pu dire, évoquant un coup de feu "accidentel". 

Une personnalité inquiétante 

Si Martial Lanoir affichait avec véhémence ses idées racistes sur les réseaux sociaux, au cours de ce procès, il est allé jusqu’à se décrire comme un "cosmopolite" qui "préfère analyser les choses et les recouper".

Cette semaine d'audience a été marquée par un décalage constant entre sa version et celle de l'accusation. "Il est soucieux d'être entendu dans sa version des faits", s'exclame le procureur, "il a choisi ses mots et construit son discours".

Marc Nouvion qualifie "d'inquiétante" l'expertise psychologique réalisée au cours de l'instruction, dessinant la personnalité d'un meurtrier avec des troubles de la personnalité impulsive et narcissique, ayant d’extrêmes difficultés à respecter les limites. Depuis son box, Martial Lanoir écoute, immobile.

"Thèses à tiroir"

Le magistrat termine en déconstruisant à l'avance la ligne de défense de son avocat Me François Danglehant. Marc Nouvion évoque les "thèses à tiroir" de l'accusé, "bancales": la mort d'Éric Casado Lopez n'est pas "accidentelle". Le tir n'a pas pu partir tout seul, insiste le magistrat qui s'adresse aux jurés : "On tente de semer le doute dans votre esprit".

À ses yeux, ce geste ne ressemble en rien à de la "légitime défense": une scène de dispute ne justifie pas un tir dans la tête, rappelle-t-il. "Nous ne sommes pas face à un dérapage, mais face à un acte délibéré", poursuit-il, en estimant que les jurés n'ont "pas d'autre choix" que de reconnaître la culpabilité de l'accusé et son intention d'homicide.

Marc Nouvion requiert contre Martial Lanoir 27 ans de réclusion criminelle dont 18 ans de période de sûreté. Au cours de sa plaidoirie, Me François Danglehant a de nouveau évoqué la légitime défense et soutenu que, par son geste, Martial Lanoir aurait en fait sauvé une vie. La cour s’est retirée pour délibérer. Le verdict est attendu dans la soirée. 

Mathilde Lemaire