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Police-Justice

"Je ne suis pas raciste": à son procès pour meurtre, les dénégations du militant conspirationniste Martial Lanoir

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Au premier jour de son procès pour le meurtre d’Éric Casado Lopez, la cour d’assises de Paris s’est penchée sur la personnalité de l’accusé Martial Lanoir. Contre les évidences, le militant conspirationniste de 53 ans a nié être l’auteur de propos racistes, se décrivant comme un "cosmopolite" fan du Dalaï Lama.

Martial Lanoir arrive menotté dans le box de la cour d’assises de Paris. Cheveux gris, petit bouc sur le menton, le militant conspirationniste de 53 ans jugé pour meurtre choisit d’adresser ses tous premiers mots à la famille d’Éric Casado Lopez. Lanoir est accusé d’avoir abattu ce jeune homme d’origine marocaine d’une balle dans la tête, dans la nuit du 13 au 14 mai 2022.

"Je regrette ce qui s’est passé. Je ne voulais tuer personne. J’espère que mon procès va pouvoir faire comprendre qu’une chose terrible, c’est que la presse a utilisé votre douleur pour me faire passer pour un raciste. Je ne suis pas raciste, je n’ai jamais été raciste…", soutient le musicien originaire de Vesoul (Franche-Comté) ce 17 juin.

Sa ligne de défense est donc donnée dès les premières secondes. La mère d’Éric Casado Lopez, Badia, venue dans la salle d’audience avec une grande photo de son fils de 27 ans, détourne le regard.

"Le coup est parti tout seul. Je peux pas trop bien expliquer...", déroule encore l’accusé. "C’est un tir involontaire?", s’enquiert le président de la cour. "Oui", assure Lanoir.

La nuit du crime, Éric Casado Lopez se trouvait avec deux amis sur le terre-plein central du boulevard de Clichy (18e arrondissement), aux prises avec un pick-pocket. Martial Lanoir passait en voiture au niveau de la scène et décidait de s’en mêler. Sortant un pistolet de sa ceinture, il tirait bientôt un coup de feu dans la tête du jeune intérimaire. 

Les auditions de la matinée devant la cour ont très rapidement ramené les débats sur les convictions politiques de Martial Lanoir, qui se déclare "patriote" tout en plus, tentant de s’éloigner du portrait d’un militant d’extrême droite brossé de lui par la presse. 

Un compte Telegram raciste

Au micro, Lanoir affirme avoir des amis juifs et musulmans. Il animait, au moment des faits, une chaîne Telegram baptisée "les anti-smith" dont il a beaucoup été question ce premier jour. Il exprimait dessus ses convictions et ses combats haineux. C’est sur celle-ci qu’il a diffusé, le 13 mai 2022 à 23h14, trois heures avant d’appuyer sur la détente, un message vocal appelant à "éliminer les cafards" et "le peuple de la haine, le peuple juif".

Interrogé par le président sur ce message très embarrassant, Lanoir explique ne pas en être l’auteur. Un "savant montage", tente l’accusé. "Je ne dis pas que ce n’est pas ma voix", précise-t-il face à la cour en replaçant ses lunettes, "mais aujourd'hui il y a l’intelligence artificielle…". Pendant l’instruction, un expert informatique l’a pourtant bel et bien identifié comme l’administrateur de ce compte, rappelle le président de la cour. Dans son box, Lanoir se lève et s’insurge: "La victime n’est même pas juive!". Il prétend ne pas être raciste. Mais quid de son ami proche qui le dit farouchement antisémite en procédure? "Un homme drogué au dernier degré, alcoolique du matin au soir…", évacue-t-il.

Sur d’autres vidéos récupérées par les enquêteurs, ce quinquagénaire qui a grandi dans une cité de Vesoul exprimait sa colère face à la supposée inaction de la police française dans les banlieues. Il estimait avoir subi le racisme des jeunes "beurs" et disait avoir quitté la France à cause "des racailles".

Dénonçant la médiatisation du procès et la presse qui le présente comme un "facho", Martial Lanoir cite le Dalaï-lama: "Je dirais qu’un arbre qui tombe ça fait beaucoup plus de bruit qu’une forêt qui pousse". Le président, dubitatif, annonce une suspension d’audience en guise de réponse. 

Théories du complot

C’est la personnalité d’un conspirationniste maladif qui a été longuement décrite ce mardi par la cour. Un complotiste qui considère souffrir de "sclérose en plaques" à la suite d’une vaccination. Qui a été condamné pour avoir tagué le slogan "Fausse pandémie, vraie dictature" sur le mur d’une école à Paris. Qui a dénoncé, dans l’émission Touche pas à mon poste, "l’injection expérimentale" que constituerait le vaccin contre la Covid-19. Qui nie les attentats islamistes qui ont frappé la France depuis 2015 et considère que les services secrets les auraient fomentés afin de provoquer une guerre civile en France.

Mais rien de tout ça ne justifie de le qualifier de "complotiste", assure Martial Lanoir. Il préfère se décrire comme un "cosmopolite". Surtout, il réfute catégoriquement le terme de "nationaliste" (qu’il utilisait pourtant lui-même en garde à vue): "Ce terme évoque la guerre, moi je préfère analyser les choses et les recouper".

S’il a beaucoup été question de racisme, le mobile raciste n’a pas été été retenu par l’instruction. Aucun élément n’a permis, selon l’ordonnance de mise en accusation, de démontrer que l’acte reproché à Martial Lanoir "résulterait de l'origine ou de la couleur de peau des intéressés". Il encourt 30 ans de réclusion. Suite des débats mercredi.

Mathilde Lemaire