Un magistrat, vice-président d'Anticor, visé par une enquête administrative

Une statue représentant la déesse de la justice tenant le symbole de la balance, à Rennes (illustration) - Loic Venance / AFP
Le magistrat Eric Alt, vice-président de l'association Anticor, qui lutte contre la corruption et pour l'éthique en politique, est convoqué ce jeudi par l'Inspection générale de la Justice, qui devra déterminer si son comportement est "conforme aux règles déontologiques correspondant à sa fonction", a appris l'AFP ce mercredi auprès de la Chancellerie.
Le magistrat sera entendu pour ses déclarations ou son activité militante liées à deux dossiers judiciaires, l'affaire immobilière dans laquelle le président LREM de l'Assemblée nationale Richard Ferrand est mis en examen et une enquête sur des fraudes aux aides européennes en Corse, selon l'association anticorruption, confirmant une information du Monde.
Sa fonction en conflit avec ses propos et son activisme
Dans le cadre de l'enquête corse, où Anticor avait saisi le parquet national financier, demandant des investigations sur une fraude aux aides agricoles européennes et sur des "complicités éventuelles commises par des services de l'Etat", il est reproché à Eric Alt ses déclarations visant le parquet local.
Lors d'une interview le 16 février sur France 3 Corse, il avait déclaré que l'"apparence d'impartialité" du procureur était "quelque peu gaspillée" après qu'il se fut "affiché au côté de la préfète" de l'île qui exprimait sa "consternation" quant à l'implication d'Anticor dans l'enquête.
Dans la seconde affaire, Eric Alt, premier vice-président adjoint au Tribunal de grande instance de Paris chargé de la départition des prud'hommes (un juge qui intervient quand salariés et employeurs ne parviennent pas à se départager), est mis en cause pour avoir représenté l'association Anticor dans l'affaire Ferrand et des Mutuelles de Bretagne.
Un "risque d'interférence avec ses fonctions"
Déçue par le classement sans suite de l'enquête préliminaire par le parquet de Brest en 2017, l'association avait déposé à Paris une plainte avec constitution de partie civile, procédure qui permet de passer outre le refus du parquet d'entamer des poursuites pénales. Le juge du pôle financier de Paris, Renaud Van Ruymbeke, avait ouvert le 12 janvier 2018 une information judiciaire pour "prise illégale d'intérêts".
Les avocats de Richard Ferrand, qui avaient mis en avant un possible conflit d'intérêt lié à un magistrat parisien membre d'Anticor à l'origine de la procédure judiciaire, avaient obtenu en août 2018 le dépaysement de l'information judiciaire à Lille.
Pour Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), qui accompagnera Eric Alt à sa convocation à l'IGJ, "cette affaire pose la question de la liberté d'expression d'un magistrat, qui est aussi un citoyen".
"Un magistrat peut-il être membre d'une association luttant contre la corruption? Pour nous, la réponse est évidente: un magistrat est tenu de signaler ses engagements quand il y a risque d'interférence avec ses fonctions. Dans le cas d'Eric Alt, juge départiteur aux prud'hommes, ce n'est évidemment pas le cas", a-t-elle affirmé.