Tweets de magistrats en audience: le CSM demande une mutation

Les messages envoyés sur Twitter par deux magistrats pourraient leur coûter cher. - -
Le Conseil de la magistrature a statué: il se prononce ce mardi pour une mutation d'office du magistrat qui avait twitté de manière légère durant un procès aux assises où il siégait fin 2012 à Mont-de-Marsan, dans les Landes. "Le Conseil émet un avis de sanction disciplinaire de déplacement d'office", écrit le CSM en substance, dans un avis de huit pages consulté par BFMTV.com. Cet avis consultatif suit ce qu'avait d'ores et déjà demandé la Chancellerie, à qui revient la décision finale, d'ici quelques jours.
Le magistrat du parquet, qui a disparu de la Toile depuis, écrivait ses messages sous le pseudonyme de @Proc_Gascogne. Mercredi, le Conseil rendra sa décision concernant l'autre magistrat qui avait conversé avec lui, @Bip_Ed, et qui lui est magistrat du siège. Tous deux pensaient leurs identités bien protégées, jusqu'à ce qu'elles soient révélées par un journaliste de Sud-Ouest, qui avait fait le lien entre leurs tweets et ce qu'il se passait durant l'audience à laquelle il assistait ce jour-là.
"Connivence" entre le siège et le parquet?
Le Conseil reproche notamment à @Proc_Gascogne d'avoir "manqué à son devoir d'impartialité et porté ainsi atteinte à la confiance que les justiciables doivent pouvoir accorder aux décisions de justice", en faisant montre publiquement d'une complicité entre un magistrat du siège, chargé de juger, et un magistrat du parquet, chargé de requérir l'application de la loi.
Pour sa défense, @Proc_Gascogne, dont le dossier personnel contient nombre "d'appréciations élogieuses" sur son travail selon l'avis, a expliqué qu'il concevait sa pratique de Twitter comme "un moyen de faire connaître la justice de l'intérieur, et les états d'âme des magistrats", et a reconnu "un humour décalé", et "un caractère public" qui lui "avait un peu échappé".
"On oublie qu'on est aussi sur les scènes de crime"
Cette affaire avait créé un petit séisme dans le monde judiciaire. Pourtant, elle n'a pas découragé nombre de leurs homologues de poursuivre leur présence sur Twitter, comme l'explique à BFMTV.com @JapTwit, une magistrate anonyme sur la Toile. "Je n'ai pas changé ma pratique, mais je reste toujours très discrète quant à mon identité et mon affectation. Je parle de mon quotidien, tout en prenant garde que personne ne se reconnaisse: il s'agit de préserver l'intégrité des affaires que j'ai à traiter."
Pour @Atouproc, un autre magistrat contacté par BFMTV.com, "Twitter sert à révéler tout un pan caché de notre métier. On nous voit requérir à l'audience, mais on oublie qu'on est par exemple souvent les premiers sur la scène du crime, derrière les policiers et les pompiers, à soutenir les proches de la victime. Cet aspect humain est très mal connu."
Un avis partagée par sa consoeur. "La justice a besoin de d'incarner et de partager son quotidien pour sortir du mythe d'une justice bourgeoise, enfermée dans une tour d'ivoire. La seule règle, c'est de se souvenir que ce qui est dit sur Twitter est un discours public."