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Police-Justice

Des sanctions pour les "magistrats twittos"?

Les deux magistrats étaient des "stars" de la justice sur Twitter, où ils étaient connus sous leurs pseudonyme, @Proc_Gascogne et @Bip_Ed.

Les deux magistrats étaient des "stars" de la justice sur Twitter, où ils étaient connus sous leurs pseudonyme, @Proc_Gascogne et @Bip_Ed. - -

Sur le ton de la plaisanterie, deux magistrats avaient échangé des tweets durant un procès où ils siégeaient tous les deux. Ils ont fait l'objet d'une procédure disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature.

Pour s'être envoyé des tweets pendant une audience où ils siégeaient tous les deux, fin 2012 à Mont-de-Marsan, deux magistrats se voient désormais jugés par leurs pairs. C'est ce mardi pour l'un, mercredi pour l'autre, que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) se prononce sur d'éventuelles sanctions à leur encontre.

Sur Twitter, les deux hommes faisaient partie des "stars" du monde judiciaire, bien représenté sur le réseau social. Les "twittos" les connaissaient sous leurs pseudonyme, @Proc_Gascogne et @Bip_Ed, et leur avatar, une photo de Dark Vador pour l'un, un dessin de Roy Bean, le juge de la BD Lucky Luke, pour l'autre. Le premier était d'autant plus connu de la communauté Internet qu'il signait sous le pseudonyme de "Gascogne" des billets sur le blog de Maître Eolas.

Tweets en audience

Avant l'affaire, les deux magistrats avaient bien veillé à protéger leur identité et leur affectation. Personne ne savait qu'ils étaient tous deux rattachés au TGI de Mont-de-Marsan, dans les Landes, l'un parmi les magistrats du parquet, l'autre parmi les juges du siège.

Mais fin 2012, tous deux ont commis l'imprudence de s'envoyer des plaisanteries sur le réseau social, révélant à la Toile qu'ils siégeaient dans le même procès. L'un sur le banc de l'accusation, l'autre parmi les juges chargés de juger. Un journaliste du quotidien Sud Ouest, qui couvrait l'audience, avait aussitôt fait le rapprochement et révélé où s'était produite la discussion.

4.000 followers pour le procureur

Leurs tweets relevaient de la plaisanterie. "Question de jurisprudence: un assesseur exaspéré qui étrangle sa présidente, ça vaut combien?" avait demandé @Bip_Ed, assesseur au procès. "Je te renvoie l'ascenseur en cas de meurtre de la directrice du greffe", avait répondu @Proc_Gascogne, dans la robe de l'avocat général. Une vingtaine de tweets de cette teneur avaient été échangés entre les deux magistrats, visibles de tous leurs abonnés (environ 4.000 pour @Proc_Gascogne).

Mais le parquet général de Pau avait estimé que cette connivence entre deux magistrats, l'un du siège, l'autre du parquet, et leurs bavardages publics - même sous pseudonyme - en cours d'audience, étaient de nature à fausser le verdict. Il avait fait appel.

Les deux magistrats, eux, avaient dû se retirer du réseau social. Très populaires sur Twitter, ils avaient reçu de nombreux soutiens.

Solidarité TOTALE avec @Bip_Ed et @Proc_Gascogne, et les magistrats réduits à quitter Twitter. Lamentable, triste et inquiétant.
— Briclot Sandrine (@sandbriclot) 28 Novembre 2012

Encore aujourd'hui, des "twittos" réclament leur retour de ces témoins de la justice "de l'intérieur".

@Plumedaliocha @libe Proc_Gascogne et BipEd me manquent. La justice vue de l'intérieur est une gde découverte pour moi sur Tw. Passionnante.
— Flore J. (@florowicz) 28 Avril 2014

"Une sorte d'exutoire"

Pour sa défense, le procureur "Gascogne" a plaidé que ces messages constituaient "une sorte d'exutoire" face à "toutes les tensions qu'il peut y avoir à ces audiences". Lors de l'audience disciplinaire au CSM, le 8 avril dernier, il a également souligné avoir pris la précaution de ne rien divulguer qui puisse permettre d'identifier l'affaire ou la juridiction.

Mais la représentante de la Chancellerie a, pour sa part, estimé que l'affaire avait eu des "conséquences désastreuses pour l'image de la justice" et demandé le déplacement d'office du magistrat.

Le CSM se prononce mardi sur le cas du procureur et mercredi sur celui du juge "Bip Ed". S'il décide d'une sanction, ce sera ensuite au garde des Sceaux de déterminer laquelle.

M. T.