Trois ans après la fusillade du lycée de Grasse, le tireur et son complice présumé comparaissent

Cinq personnes ont été blessées dans cette fusillade. - BFMTV
Ce 16 mars 2017, la Côte-d'Azur replongeait en plein cauchemar, moins d'un an après l'attentat sur la promenade de Nice. A la mi-journée, l'alerte est donnée au lycée Alexis-de-Tocqueville à Grasse: une fusillade vient de commencer, faisant penser à une nouvelle attaque. Killian, un élève en première L de 16 ans, a ouvert le feu sur ses camarades et le proviseur qui a tenté de s'interposer. Au total, cinq personnes sont blessées.
Killian, en détention provisoire depuis les faits, est jugé à partir de ce lundi par la cour d'assises de Nice pour "tentatives d'assassinat". Le jeune homme encourt 20 ans de réclusion et comparaît avec un ami, Lucas. À l'époque déscolarisé, il est accusé de "complicité" pour l'avoir aidé à récupérer les armes et déposé en scooter près du lycée.
La famille de Killian a fait appel à l'avocat Eric Dupond-Moretti pour le défendre. Le huis clos pourrait être requis à l'audience, le lycéen ayant commis les faits en étant mineur.
Scène de panique
Le jeudi des faits, Killian avait escaladé le grillage à l'heure du déjeuner et pénétré dans le lycée armé d'un fusil de chasse, d'un revolver et d'un pistolet à grenaille dérobés avec quantité de munitions chez son grand-père.
"On a vu, après avoir entendu quelques coups de feu, des gens courir de partout, s'éparpiller, se rappelle pour BFMTV Maxime, lycéen. C'est à ce moment-là qu'on a fait le lien entre les coups de feu, qui n'était pas des pétards comme on l'avait théorisé avant. C'est là que tous les élèves ont commencé à paniquer."
Interpellé après 35 minutes de terreur, l'adolescent, alors âgé de 16 ans, avait spontanément avoué avoir voulu se venger d'une dizaine de camarades de classe. Sans y réussir car il s'était trompé de salle. Il avait donné aux enquêteurs la liste des élèves qu'il voulait tuer et pourquoi, selon lui, ils le "méritaient": l'un car "vraiment efféminé", l'autre car elle "croyait en Dieu", une autre encore car elle "avait dit sur Facebook qu'il était ridicule". Par la suite, il a affirmé qu'il avait seulement voulu leur faire "très peur".
"Ma revanche"
Fils d'un élu municipal de droite, élève moyen, introverti mais bien élevé selon ses professeurs, Killian entretenait une fascination pour les armes et les images morbides. Certains de ses amis avaient eu un mauvais pressentiment sans croire qu'il passerait à l'acte. Dans son téléphone, son propre numéro était associé à l'avatar d'un mort-vivant armé et dans sa chambre, tapissée par deux affiches du clown maléfique Joker, des moules de têtes de mort voisinaient des dessins satanistes et des masques terrifiants utilisés pour tourner des vidéos.
Dans l'une de ces séquences, postée à l'été 2016 sur YouTube, une phrase en langage codé disait: "Je vais tuer tous les gens de mon lycée". Avertis par sa petite amie, ses parents l'avaient conduit chez un psychiatre qui n'avait conclu à rien d'anormal. Dans une ultime vidéo réalisée la veille de la fusillade, il se filmait autour de l'établissement en déclarant: "Tout ça va brûler, demain c'est le grand jour, j'aurai ma revanche (...)". Depuis, Killian a demandé pardon dans une lettre adressée au juge d'instruction en octobre 2018.
Une référence à Columbine
"C'est un procès hors norme car ça ne s'était jamais produit en France et les faits sont similaires à ce qui s'était passé aux Etats-Unis à Columbine (deux jeunes armés avait tué 12 élèves et un professeur le 16 mai 1999 dans un lycée de cette ville du Colorado, NDLR)", analyse Me Aurélie Huertas.
Elle est l'avocate de deux lycéens, Alexandre et Akram, "touchés par des balles de plomb, dont l'un au visage" et durablement ébranlés. L'un d'eux a renoncé à assister au procès.
Une vingtaine d'enseignants et personnels du lycée de Grasse, dont l'ancien proviseur Hervé Pizzinat, décoré pour s'être courageusement interposé, sont également partie civile. Le proviseur avait tenté de raisonner Killian, recevant un tir de revolver dans le bras gauche. À 15 centimètres près, c'était la mort.